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Roman noir américain, philosophie et critique sociale : David Goodis, James Crumley, Dennis Lehane

samedi 2 mai 2009, par Philippe Corcuff

Le texte d’une conférence, explorant les connexions entre la quête du sens et les rapports sociaux chez trois auteurs américains de polars, prononcée à Montréal lors de « La nuit de la philosophie » des 21-22 mars 2009…


Tiré du site Médiapart


Introduction

Cette conférence va mettre l’accent sur les liaisons entre la teneur philosophique d’un certain roman noir américain et sa portée de critique sociale. Je tenterai donc de croiser éclairage philosophique et éclairage sociologique dans une perspective éthico-politique engagée. Car je suis à la fois, professionnellement, sociologue et philosophe politique, et engagé dans le mouvement altermondialiste, au sein d’ATTAC France, du Nouveau Parti Anticapitaliste initié par Olivier Besancenot et du réseau des universités populaires alternatives relancé par Michel Onfray.

Je me centrerai simplement sur trois auteurs américains qui ont marqué le genre « roman noir » à des périodes différentes :

 David Goodis (1917-1967) né à Philadelphie-Pennsylvanie , écrivant dans les années 1930-1960 ;

 James Crumley (1939-2008), né à Three Rivers-Texas et ayant longtemps vécu à Missoula-Montana, écrivant dans les années 1960-2000 ;

 et Dennis Lehane (né en 1966 à Dorchester-Massachusetts), qui vit dans la région de Boston, dans le Massachusetts, écrivant à partir des années 1990.

Le cinéma s’est d’ailleurs intéressé à deux de ces auteurs : Goodis surtout (avec : avec notamment Les passagers de la nuit – Dark Passage – en 1947 aux États-Unis, mais aussi en France : Tirez sur la pianiste en 1960, Le casse en 1971, La lune dans le caniveau en 1983 ou Rue barbare en 1984), et déjà Lehane : Mystic River en 2003, et Gone baby gone en 2007. Crumley a, quant à lui, été scénariste pour le cinéma.

Sur ces trois auteurs, j’insisterai un peu plus sur Goodis, qui constitue pour moi un des maîtres du genre ; Crumley et Lehane se présentant dans mon exposé comme des contrepoints contemporains, proposant des tonalités différenciées.

J’inscris mes analyses dans le cadre de quelque chose comme une philosophie littéraire, qu’a esquissée l’écrivain italien Claudio Magris à propos de la grande littérature moderne(1). Philosophie littéraire, c’est-à-dire une attention à la portée philosophique de la littérature, dans un « jeu de langage » différent de la philosophie, celui de la littérature. Entre philosophie et roman noir, il faudrait envisager alors tout à la fois les spécificités des deux registres (et ne pas tout mêler indistinctement dans un grand « tout » culturel à la manière « post-moderne »), mais aussi les analogies dans un dialogue transfrontalier, propre justement à nourrir cette philosophie littéraire.

Dans cette perspective, le roman noir participe du « grand style » de la littérature moderne tel qu’il est caractérisé par Magris :

« le roman moderne serait en fait l’anti-épopée du désenchantement, de la vie fragmentaire et désagrégée » (op. cit., p.33), en contant « souvent l’histoire d’un individu à la recherche d’un sens qui n’existe pas » (p.31).

Cependant, le roman moderne, comme le roman noir, n’ont pas abandonné pour autant la question du sens. D’où leur tonalité mélancolique, dans les tensions entre les déchirures vécues du non-sens et la quête du sens.

La notion de mélancolie renvoie ordinairement dans nos dictionnaires à un état de tristesse, de dépression, de spleen, de vague à l’âme. Il inclinerait au pessimisme. Le philosophe Daniel Bensaïd, dans son livre Le pari mélancolique (2), distingue toutefois deux formes historiques de mélancolie. Le premier type de mélancolie est la « mélancolie romantique », une mélancolie fortement nostalgique, surtout tournée vers le passé. Mais il y aurait aussi une deuxième mélancolie : ce qu’il nomme la « mélancolie classique », que l’on pourrait aussi appeler mélancolie radicale, une mélancolie ouverte sur l’avenir, sur la construction d’un avenir différent, puisant dans le passé des ressources pour ouvrir un autre futur. C’est cette seconde mélancolie radicale qui a été particulièrement travaillée par le philosophe et écrivain allemand Walter Benjamin, dans ses thèses « Sur le concept d’histoire » de 1940 (3), dans un croisement original entre un judaïsme laïcisé et un marxisme hétérodoxe.

Mais la mélancolie serait aussi associée à la fragilité. Cette piste a été ouverte en 1765 dans le livre-symbole de la philosophie des Lumières : l’Encyclopédie d’Alembert et Diderot. Ainsi l’article « mélancolie » de l’Encyclopédie s’ouvre ainsi :

« C’est le sentiment habituel de notre imperfection » (4).

Tristesse, pessimisme, rapport erratique à l’avenir, fragilité : la galaxie mélancolique propre au roman noir rencontre souvent ces repères dans l’expérience du désenchantement. Mais tant Goodis que Crumley et Lehane ont davantage à voir avec la mélancolie radicale qu’avec une mélancolie exclusivement nostalgique : le désenchantement entre donc en tension avec l’utopie (au sens de l’attente d’un ailleurs) dans un couple détonnant, qui nous ouvre peut-être de nouveaux horizons politiques. En quel sens de nouveaux horizons politiques ? Si l’on suit encore Claudio Magris :

« Le désenchantement est une forme ironique, mélancolique et aguerrie de l’espérance » (5).

Le mot même « désenchantement » suppose un rapport à un « enchantement » antérieur chronologiquement ou du moins logiquement, comme étalon plus ou moins implicite du vécu de la désillusion. Pour Magris, le désenchantement « corrige l’utopie » même (ibid., p. 18). Il ne la laisse pas se complaire dans un optimisme béat, il la leste de pessimisme. On ne repartirait pas comme avant, avec comme boussole les seuls scintillements des « lendemains qui chantent ».

On aurait incorporé un sens du tragique, c’est-à-dire une conscience des événements qui nous échappent et qui peuvent nous écraser. Après les tragédies politiques du XXème siècle, ce ne serait pas du luxe. Mais sans abandonner l’aiguillon utopique, sans se noyer complètement dans un discours fataliste, voire cynique. Les philosophies mélancoliques qui travaillent un certain roman noir américain ont quelque chose d’un art funambulesque.

Cet art funambulesque sera décomposé dans cet exposé en quatre mouvements : 1) le mouvement des désenchantements ; 2) un mouvement établissant des passages entre la question philosophique du sens et la dimension sociologique de la critique sociale ; 3) le mouvement de l’utopie ; et 4) le mouvement du peut-être. On conclura sur des questions philosophiques avec l’aide de Clément Rosset et de Maurice Merleau-Ponty.

1er mouvement : Désenchantements

Le désenchantement donne fréquemment une tonalité particulière aux histoires et aux personnages de ces romans noirs américains.

a) Goodis

Arrêtons-nous d’abord sur la noirceur du désenchantement chez Goodis. Dans Vendredi 13 (Black Friday, 1954 ; trad. franç. en Gallimard/« Série noire »), Hart a suivi un parcours du désenchantement. Quand il se retourne vers sa jeunesse étudiante, il voit des promesses :

« à l’époque, Hart était alors un jeune homme romanesque qui adorait errer seul à l’aventure pour recueillir des impressions ».

Et maintenant, à presque 34 ans, il est poussé vers :

« Le vide, le néant ! »

Un personnage de Rue barbare (Street of the Lost, 1952 ; trad. franç. en Rivages/« Noir ») lance aussi :

« Le couvercle saute, l’eau déborde. On ne peut pas échapper à ça. On ne peut pas échapper à la douleur. Même si on fait semblant de l’ignorer, elle est toujours présente ».

Chez Goodis, le noir de l’existence a souvent la forme d’un engrenage, aux accents fatalistes. Celia avance ainsi dans Sans espoir de retour (Street of no return, 1954 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier ») :

« Nous n’aurions pas du commencer. Maintenant, je crois que c’est trop tard ».

Dans La pêche aux avaros (The Raving Beauty, 1967 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier »), Jander avouant son amour pour Vera se voit répondre par le vieux Renziger :

« Ca ne vous mènera nulle part. Cette petite est complètement perdue dans le noir et n’a pas envie d’en sortir ».

b) Crumley

Le désenchantement chez James Crumley est teinté de l’humour et de l’ironie contestataires de la fin des années 1970. Dans le chef d’œuvre de Crumley, Le dernier baiser (The Last Good Kiss, 1978 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier »), le détective Sughrue plante ainsi le décor de son existence :

« Ca faisait une paye que je causais tout seul moi aussi. C’était exactement ce que j’étais en train de faire l’après-midi où l’ex-femme de Trahearne m’avait appelé - assis dans mon petit bureau de Meriwether, dans le Montana, à contempler la benne-poubelle du Prisunic qui débordait dans la ruelle par-derrière, en train de me dire que ça m’était égal que les affaires soient au point mort, en train de me dire qu’en fait ça me convenait parfaitement ».

L’humour allège donc la noirceur par rapport à Goodis. Mais cette atmosphère ironiquement maussade, dès les premières pages de l’ouvrage, gagne quelque peu en aigreur par la suite, en position instable entre ironie et tragique :

« Personne ne vit éternellement, personne ne reste jeune assez longtemps. Mon passé m’apparaissait comme autant d’excédent de bagages, mon avenir comme une longue série d’adieux et mon présent comme une flasque vide, la dernière bonne lampée déjà amère sur la langue ».

C’est souvent le contexte du désenchantement post-contestataire de la fin des années 1970 qui irrigue nombre de pages de Crumley, donnant une tonalité politique à son ironique amertume.

c) Lehane

Les romans de Lehane sont aussi fabriqués avec des morceaux de pessimisme noir (crimes abjects, horreurs et, plus largement, constat de la persistance du « mal »). Ce sont ces dures images qui accompagnent les enquêteurs lors de la disparition d’une petite fille de quatre ans dans Gone, baby, gone (1998 ; trad. franç. en Rivages/« Noir ») :

« la première nuit de fraîcheur depuis des semaines, apportant un sentiment de pessimisme, de froide désespérance ».

Dans le même roman, se dessine également une froide lucidité sur l’impasse d’une vie :

« J’avais le sentiment qu’il découvrait tout au bout de ce long trajet intérieur le final consternant de sa propre déliquescence, le gaspillage de sa vie ».

Mais chez Lehane, comme chez Crumley, la distance et l’ironie allègent par moments la dureté du constat. On n’est pas aussi plombés par la gravité de la fatalité que chez Goodis. Le sourire s’interpose. C’est par exemple le cas dans Un dernier verre avant la guerre (A drink before the War, 1994 ; trad. franç. en Rivages/« Noir ») :

« Beaucoup de gens faisaient le point sur leur vie, ces jours-ci. Á en juger par Devin et Angie, je n’étais pas trop sûr que ce soit une idée géniale ».

2e mouvement : Le sens et le sociologique

Chez Goodis, Crumley et Lehane, il y a comme un cadrage sociologique de la quête du sens des personnages. On va voir que cela prend des tonalités pour une part différentes chez les trois auteurs.

a) Goodis

La perte de sens a une forte inscription sociale chez Goodis. Elle apparaît générée par une société déshumanisée par la loi de l’argent :

« En vieillissant, on s’aperçoit que le monde a un cœur de pierre et que la seule chose à laquelle on puisse vraiment se fier, c’est une machine à calculer »,
entend-on dire à Charley dans Vendredi 13. Ce sont aussi les contraintes sociales qui nourrissent le non-sens quotidien dans Tirez sur le pianiste ! (Down There, 1956 ; trad. franç. en Gallimard/« Série noire »). Goodis décrit ainsi les clients du vendredi soir du « Harriet’s Hut » :

« Les gars avaient travaillé dur toute la semaine aux usines de Port Richmond et quand ils venaient là, c’étaient pour boire, pour boire encore, oublier les soucis, noyer dans l’alcool la réalité de ce monde, trop sec et trop gris, qui les attendait au-delà de la porte ».

Il y a un roman de Goodis où questionnement existentiel et analyse quasi-sociologique apparaissent particulièrement emmêlés tout en renvoyant à des registres autonomes l’un de l’autre : c’est La lune dans le caniveau (The Moon in the Gutter, 1953 ; trad. franç. en Fayard/10-18). William Kerrigan, docker de 35 ans, habite Vernon Street, rue de la déchéance sociale.

William est hanté par le suicide de sa jeune sœur après un viol. La question philosophique du sens de l’existence est constamment agitée en lui. Cette interrogation existentielle n’est pas le simple produit des déterminations sociales, sans pouvoir être détachée d’elles. Elle déborde le sociologique tout en étant tramée par lui. C’est comme si Goodis avait trouvé une articulation originale entre une philosophie existentielle et le sociologique, sans que la première soit la couche profonde sur laquelle surnagerait le second (comme souvent chez les philosophes), ni que la première ne soit qu’un simple effet du second (comme chez nombre de sociologues). Les deux niveaux apparaissent noués l’un à l’autre, sans qu’il y ait une hiérarchie de ces niveaux, ni que l’un ne soit entièrement réductible à l’autre.

La rencontre amoureuse avec une femme d’un autre milieu social se présente alors brusquement à William Kerrigan, l’entraîne dans des sensations inconnues, emporte son imagination. Pourtant, malgré la persévérance de cette Loretta Channing, cela s’avèrera impossible. Car William apparaît trop alourdi par la fatalité de sa condition sociale. Comme dans la sociologie de Pierre Bourdieu, le rapport subjectif à sa propre trajectoire sociale vient renforcer les probabilités sociales objectives : c’est ce que Bourdieu a appelé « la causalité du probable » (6). Un passage de La lune dans le caniveau apparaît significatif de ce point de vue :

« Puis soudain elle disparut de ses pensées, et tout le reste de même, sauf les choses qu’il avait devant les yeux, la rue pleine d’ornières, le caniveau et les seuils défoncés des maisons délabrées. Cela le frappa de plein fouet, cette prise de conscience inévitable qu’il traversait la vie avec un billet de quatrième classe ».

Et puis à la fin du livre, son histoire et celle de sa sœur se rejoignent dans un double fatalisme social et tragique existentiel :

« Et quel que soit l’endroit où les plus faibles se cachaient, ils ne parvenaient jamais à échapper à la lune de Vernon. Elle les tenait pris au piège. Elle les tenait pris dans leur destin. Tôt ou tard, ils seraient mutilés, démolis, écrasés. Ils apprendraient à la dure que Vernon Street n’était pas un lieu pour les corps délicats et les âmes timides. »

D’où la séparation finale avec Loretta, ainsi décrite :

« Elle avait les yeux humides : Si on pouvait seulement…

 Mais on ne peut pas, dit-il. Tu ne vois pas ce qui se passe ? On n’est pas sur les mêmes rails. Je ne peux pas vivre à ta façon, et toi, tu ne peux pas vivre à la mienne. C’est la faute à personne. C’est juste la façon dont les cartes sont distribuées ».

b) Crumley

C’est de l’intérieur de la décomposition « soixante-huitarde » et de la récupération néocapitaliste des désirs d’ailleurs que Crumley peint souvent le tableau de la société américaine. Dans un recueil de nouvelles de 1988 intitulé Putes (Whores ; trad. franç. en Rivages/« Noir »), Crumley résume d’une phrase :

« "Drogue, Sexe et Rock’n’Roll" n’est plus le cri de la liberté, mais un slogan commercial de plus ».

Le capitalisme tente de tout attraper dans sa machine à marchandiser, même ses critiques et ses contestataires. On rejoint les analyses plus récentes des sociologues Luc Boltanski et Éve Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme (7). La critique sociale chez Crumley revêt immédiatement une tonalité politique. Après l’effervescence « soixante-huitarde », le sens unique de la marchandise se substitue au foisonnement des rêves, le non-sens politique remplace la quête d’un sens politique alternatif.

c) Lehane

Chez Lehane, le sociologique dote les quartiers d’une empreinte historique et contribue à les redécouper en fonction de l’arrivée de nouvelles populations et de l’ascension sociale des plus anciennes. La dimension « classe sociale » apparaît alors très imbriquée avec la dimension « ethnique ». Les matériaux du sens sont bien sociaux, inscrits dans le cours de rapports sociaux. C’est particulièrement le cas dans la série des enquêtes des détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro.

Dans le premier ouvrage de cette série (Un dernier verre avant la guerre, 1994), est ainsi décrit le Dorchester de son enfance :

« Le Dorchester dans lequel j’ai grandi était ouvrier traditionnel, avec des quartiers délimités le plus souvent pas les églises catholiques qu’ils entouraient. (…) Nous étions tous irlandais ou polonais, ou assez proche pour que ça passe. Nous étions tous blancs ».

Il pointe aussi les fortes tensions présentes au sein des classes populaires entre blancs et noirs. Il parle ainsi de « Rage blanche réactionnaire », qu’« On entend surtout parmi les pauvres et les travailleurs », ceux-là même qui suscitent justement la nostalgie de son enfance. Ce qui l’écartèle entre critique extérieure et compréhension de l’intérieur.

Mais le sociologique et la quête du sens peuvent aussi se rejoindre chez Lehane. Toujours dans Un dernier verre avant la guerre, il nous interpelle :

« L.A. brûle, et dans tant d’autres villes, le feu couve en attendant le jet d’essence qui arrosera les braises, et nous écoutons des politiciens qui alimentent notre haine et notre étroitesse d’esprit, qui nous disent qu’il s’agit simplement de revenir aux vraies valeurs, alors qu’eux sont assis dans leurs propriétés de bord de mer à écouter les vagues pour ne pas avoir à entendre les cris des noyés. Ils nous disent que c’est une question de race, et nous les croyons. Ils appellent ça une "démocratie", et nous hochons la tête, tellement content de nous-mêmes. (…) nous fermons les yeux et nous nous endormons, troquant nos corps, nos âmes, contre les vernis rassurants de la "civilisation" et de la "sécurité", fausses idoles de notre rêve humide du XXème siècle ».

Le questionnement existentiel et la critique sociale s’épaulent mutuellement. Car les dérèglements des cadres collectifs posent des problèmes à l’âme individuelle. Le sens de l’orientation individuelle ne se constitue pas sans repères collectifs.

3e mouvement : L’utopie, malgré tout

Le désenchantement n’est pas exclusif de trouées utopiques dans un certain roman noir américain.

a) Goodis

Le désenchantement, le pessimisme, voire le fatalisme, ne sont pas seuls en piste chez Goodis. Ils rencontrent sur leur chemin l’utopie (au sens de l’aspiration à un ailleurs, à un tout autrement), et tout particulièrement l’utopie amoureuse.

Si l’utopie se maintient, malgré tout, c’est qu’il y a des résistances humaines à la déshumanisation de la société marchande. On le saisit dans ce passage où Vanning pense à Martha face à Fraser dans La nuit tombe (Nigthfall, 1947 ; trad. franç. en Gallimard/« Série noire ») :

« Et moi qui me croyait plein de bon sens, dit-il. Moi qui croyait connaître quelque chose à la vie.

Ils restèrent plantés sur le trottoir, immobiles. Fraser alluma une cigarette.

 Nous croyons tous savoir quelque chose de la vie. Nous croyons tous nous connaître. S’il en était ainsi, nous serions des machines à calculer, non des êtres humains. Vous être amoureux de cette fille et vous ne voulez pas bousiller sa vie. (…) »

Il y a ainsi chez Goodis la possibilité d’échapper, parfois seulement un moment, mais un moment à jamais gravé en soi, un instant d’éternité, aux pesanteurs de non-sens. Dans La pêche aux avaros est ainsi décrite la magie de La Rencontre (avec un L et un R majuscules) :

« La seule chose qui me revienne, c’est une sorte de frémissement intérieur, une vibration, une sorte de contact entre deux personnes. Seulement, ça n’a rien de physique. C’est beaucoup plus profond que ça. Et quand on l’a éprouvé une fois, on en reste marqué. »

Souvent cet instant d’éternité n’évite pas l’impasse, même s’il demeure présent en soi infiniment. Mais de temps en temps il ouvre un autre chemin, comme dans Cauchemar (Dark Passage, 1946 ; adapté au cinéma avec Humphey Bogart et Lauren Bacall ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier ») :

« Il avait l’impression d’avoir longtemps cheminé sur un mauvais sentier boueux, crevé d’ornières, au tracé incertain, et que, soudain, il débouchait sur une route cimentée, blanche, large, lisse, propre et qui s’étendait jusqu’à l’infini ».

Mais même si elle s’avère une possibilité avortée, l’utopie reste vive en soi, dans la confrontation justement avec le tragique, dans ce qui est appelé « la souffrance pourpre des désirs impossibles » dans La Pêche aux avaros.

Ni l’utopie, ni le tragique ne se trouvent complètement indemnes de leur confrontation. Émerge alors le funambulisme du peut-être, qui constituera notre quatrième et dernier mouvement.

b) Crumley

Mais envisageons, avant ce fil du peut-être, à l’utopique chez Crumley. Dans Le dernier baiser, le détective Sughrue va partir à la recherche d’une femme (Betty Sue) qu’il ne rencontrera qu’après une longue série de péripéties (comme dans le magnifique Sylvia d’Howard Fast de 1960, trad. franç. en Rivages/« Noir »). La magie du baiser, comme sortie humaine du noir, apparaît alors au rendez-vous, comme une trouée utopique au cœur d’un monde déglingué :

« Et elle s’est penchée pour m’embrasser légèrement sur le coin de la bouche, un baiser de grande soeur, mais son haleine sentait les herbes et les fleurs séchées. Et l’eau de source, bonne et rafraîchissante.

A dix heures, alors, elle a chuchoté.

C’est là que je l’ai embrassée sur la bouche. Ses lèvres se sont entrouvertes légèrement, nos langues se sont touchées un bref instant électrique et ses yeux se sont agrandis. Ils se sont assombris, d’un bleu orageux.

Je suis désolée, elle a fait, s’excusant pour quelque chose qu’elle n’avait pas fait. Quelque chose qu’elle ne voulait pas faire ».

Mais le fil du baiser est ténu. Le rapprochement de leurs corps n’ira pas plus loin. Car, même si Sughrue va sauver la vie à Betty Sue, il refusera de faire l’amour avec elle. Justement parce qu’il est amoureux d’elle et qu’il sent que ce n’est pas réciproque. Une façon de se tenir, entre tragique et utopique !

c) Lehane

Chez Lehane, l’utopie amoureuse perce également. Par exemple, dans les rapports compliqués entre Kenzie et Gennaro. C’est ainsi que s’achève Sacré (Sacred, 1997 ; trad. franç. en Rivages/« Noir ») :

« L’ornement de la beauté, a écrit Shakespeare, est suspect.
Il avait raison.

Mais la beauté pure, dépourvue d’ornement et d’affectation, est sacrée, digne de notre respect, de notre loyauté.

Lors de ces nuits au bord de la mer, je prenais la main d’Angie pour la porter à mes lèvres. Je l’embrassais. Et parfois, alors que les flots se déchaînaient sous un ciel de plus en plus sombre, je me sentais empli d’admiration. Je me sentais humble.

Je me sentais comblé ».

Mais, comme chez Goodis, l’harmonie n’est jamais définitive, l’expérience des discordances revient périodiquement, les tensions ne sont jamais complètement dépassées. Hegel n’a plus la main.

4e mouvement : Les funambules du peut-être

Dans peut-être, le verbe être est caractérisé par le possible (peut). Mais un tel possible est marqué par le doute et l’incertitude souvent induits par l’emploi de l’adverbe. Justement l’adverbe peut-être exprime une hésitation entre le pessimisme et l’optimisme, appréhendés comme deux éventualités incluses dans un processus non strictement déterminé à l’avance. C’est la figure du pari, avec son lot de risques, qui émerge d’une telle philosophie du peut-être (8).

a) Goodis

Chez Goodis, cette figure du peut-être apparaît directement dans La blonde au coin de la rue (The Blonde on the Street Corner, 1954 ; trad. franç. en Rivages/« Noir ») :

« Tout ce temps passé, c’était un pari sur l’avenir ; leur numéro sortirait peut-être un jour, ou il ne sortirait jamais. Mais tant que les dés n’avaient pas cessé de rouler, il y avait toujours un certain éclat dans ce qu’ils faisaient. Le simple fait de se dire que leur numéro sortirait peut-être, ou qu’il pouvait ne jamais sortir...Peut-être et encore peut-être ou peut-être pas. Mais tant qu’il y avait un "peut-être", il leur restait l’éclat ».

Le peut-être est l’aiguillon du rêve, malgré la conscience de la noirceur du monde, en affrontant la noirceur du monde, sans se la masquer dans la mièvrerie. Dans le cas de ce roman, le rêve de Ralph n’aboutira pas. La figure aimée d’Edna s’éloignera, et celle de Lenore (la blonde au coin de la rue, incarnant une existence plus banalement médiocre) s’imposera.

Mais l’équilibrisme du peut-être ne tombe pas inéluctablement du mauvais côté chez Goodis. L’utopie ne se révèle pas toujours impossible. Ainsi les choses étaient plutôt mal parties pour Andrew dit Rif dans L’allumette facile (Fire in the Flesh, 1957 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier »). La police était sur les talons de ce marginal alcoolique, réputé être un incendiaire. Pourtant, la fin du roman se présente comme le réveil d’un cauchemar, sous le regard gorgé d’espérances de Leila (ce sont les dernières lignes du roman) :

« Il leva la tête et regarda Leila. Il sentait toujours la tiédeur des doigts de la jeune fille sur les siens. Cette chaleur se mêlait à son parfum, à l’éclat de ses yeux qui semblaient verser sur lui, faire pénétrer en lui une douceur inconnue.

"C’est pour toi, dit-il en lui-même. Tout ce que je ferai désormais, tout ce que j’aurai à offrir, ce sera pour toi."

Avec un soupir, elle se pencha vers lui comme si elle l’avait entendu. Et brusquement, pour lui faire un présent, à son tour, pour bien lui montrer qu’elle lui appartenait et qu’elle lui appartiendrait à jamais, elle souleva les deux mains d’Andrew et les posa sur ses seins » ».

Et même quand le désespoir prend le dessus chez Goodis, il reste ce qui constitue une double éthique et esthétique de l’existence : celle de « l’éclat » (« il leur restait l’éclat », écrit Goodis dans La blonde au coin de la rue).

Dans Rue barbare (Street of the Lost, 1952), la lucidité quant aux dérèglements du monde débouche aussi sur quelque chose comme une telle esthétique et éthique de « l’éclat » :

« Il faut faire quelque chose, pourtant. Garder la tête haute, un peu au-dessus des autres ».

Ici « l’éclat », c’est le maintien d’une intégrité, d’une dignité. Cette résistance de la dignité peut puiser dans des ressources du passé qui avaient été oubliées. C’est le cas de Corey Bradford, dans Les pieds dans les nuages (Night Squad, 1961 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier »). Corey est un ancien flic corrompu, viré de la police et alcoolique, qui va trouver des forces dans l’image de son père mort, flic intègre lui, pour se rétablir. C’est ce que pointe un autre flic McDermott :

« - (…) Vous avez reçu le message.

 Quel message ? D’où ça ?

 De la tombe, dit McDermott. De votre père.

Corey frissonna.

 De votre père, répéta McDermott. De votre père qui était mon ami intime. Qui était un vrai policier. Qui était un cœur absolument pur et qui considérait l’insigne comme quelque chose de sacré ! »

Dans Retour à la vie (Retreat from Oblivion, 1938, le premier roman de Goodis ; trad. franç. en Rivages/« Noir »), le point d’interrogation du peut-être a même quelque chose d’indépassable, d’infini :

« On se sent parfois englouti d’une sourde tristesse que viennent soudain dissiper un sourire et un rire. Et puis une autre tristesse, un sentiment délicat, beau, ineffable, vient s’y superposer. Tout simplement. Et voilà qu’elle aussi s’efface, engloutie par un autre sourire, un autre rire. Parfois plus rien ne bouge. Restent la douleur et puis le rire. Et par-dessus, un grand point d’interrogation ».

Goodis ne cherche pas alors à refermer sur une certitude définitive les dés de la vie et ses interrogations existentielles. Pas de « Grand soir » (amoureux ou politique) qui transformerait le bonheur en absolu sans contradictions. Pas de grande « synthèse » d’inspiration hégélienne et ses prétentions à l’harmonie finale. Mais une quête sans fin, qui garde les traces des rêves comme des blessures passées.

Le métissage des singularités individuelles que le roman noir américain à la Goodis met en avant n’est pas le métissage lisse et heureux que la figure d’Obama incarne aujourd’hui sur les Unes des magazines. C’est un métissage d’identités rapiécées, d’identités cabossées, mieux exprimé au cinéma récemment par le catcheur joué par un Mickey Rourke boursouflé dans The Wrestler (de Darren Aronofsky, 2008) ou par Charlize Theron, elle perdue et torturée de l’intérieur par le passé sous l’apparence d’un corps magnifique, dans Loin de la terre brûlée (The Burning Plain, de Guillermo Arriaga, 2008)(9).

b) Crumley

Les peut-être de Crumley ont un parfum iconoclaste. Par exemple, on lit dans Les serpents de la frontière (Bodersnakes, 1996 ; trad. franç. en Gallimard/« Folio-Policier ») :

« - Je suis lesbienne, vous savez, dit-elle.

 Je ne suis pas sûr que vous sachiez ce que vous êtes, dis-je, et même si vous le savez, chérie, j’aime assez l’idée d’être amoureux d’une femme que je ne peux pas baiser. D’une certaine manière je trouve ça pur et simple. »

C’est en s’adressant à Kate, une jeune femme croisée au cours de ses pérégrinations, que Sughrue s’interroge ainsi de manière abrupte sur l’identité sexuelle de cette dernière. Son interrogation, très queer, bouscule les identités figées, leur préférant des identités mobiles et ouvertes, laissant une place à l’incertitude. Le « Je ne suis pas sûr que vous sachiez ce que vous êtes » de Sughrue signale aussi une hésitation, un trouble, une perplexité, typiquement crumleyens, dans la définition de l’identité personnelle.

Mais le questionnement crumleyen ne s’arrête pas là. Dans la deuxième partie de l’échange avec Kate, Sughrue ajoute donc un étrange « j’aime assez l’idée d’être amoureux d’une femme que je ne peux pas baiser ». Après avoir instillé le doute quant aux assignations identitaires figées, notre détective crumleyen dynamite le coït comme point de passage obligé de l’amour en régime post-soixante-huitard de liberté sexuelle. Crumley n’était pas un de ces gauchistes à dogmes uniques. Plutôt un gauchiste de la curiosité et de la pluralité, salivant par avance aux saveurs de l’inédit, un verre de whisky à la main, trinquant avec les peut-être…

c) Lehane

Il y a également des peut-être chez Lehane, venant équilibrer les désenchantements. Par exemple, un peut-être politique dans cet échange entre un jeune chef de gang noir et Angie dans Un dernier verre avant la guerre :

« - L’homme blanc…a commencé Roland.

Angie a laissé tomber son sac et elle a dit :

 Roland, nous n’allons pas écouter ce discours à la con. Nous savons tout sur l’homme blanc. Nous savons qu’il a le pouvoir et nous savons que l’homme noir ne l’a pas. Nous savons comment marche le monde et nous savons que c’est pourri. Nous savons tout ça. Nous ne sommes pas trop contents de nous-mêmes non plus, seulement voilà. Et peut-être que si tu avais quelques suggestions sur le moyen d’améliorer les choses, on aurait de quoi discuter. Mais tu tues des gens, Roland, et tu vends du crack. Ne t’attends pas à des violons.

Il lui a souri. Ce n’était pas le sourire le plus chaleureux que j’aie jamais vu (…) mais il n’était pas complètement froid non plus.

 Peut-être, peut-être, a-t-il dit. »

Un bien infime espoir donc, mais qui a la fonction d’une boussole dans les confusions du monde. Vivre avec le peut-être, pour Lehane encore dans Un dernier verre avant la guerre :

« Ca s’appelle vivre avec la réalité de sa vulnérabilité ».

Bref assumer dans le risque, avec la tristesse et les joies afférentes, ses fragilités.

En guise de conclusion

Les figures du roman noir américain que nous avons explorées sont ainsi travaillées par des interrogations philosophiques dans la chair vive des rapports sociaux et politiques modernes. Cela tranche avec les morceaux les plus standardisés de la culture américaine qui sont largement diffusés chez nous par les industries culturelles, mais cela tranche aussi avec la vision stéréotypée de produits culturels complètement homogènes et standardisés dans laquelle un certain anti-américanisme primaire se complaît en France, particulièrement dans les gauches radicales. On aimerait d’ailleurs que les anticapitalistes et les altermondialistes récusant le monde-marchandise et en quête d’« autres mondes possibles » s’intéressent davantage à de telles dimensions existentielles et spirituelles plutôt que de ressasser des langues de bois traditionnelles ou d’être trop soumis à des préoccupations étroitement politiciennes. Je dis bien entendu cela de l’intérieur, en tant que militant d’ATTAC France et du Nouveau Parti Anticapitaliste.

Ces figures du roman noir américain nous ramènent également à une question philosophique aux tonalités politiques : l’utopique constitue-t-il en un sens nietzschéen un « arrière monde » illusoire nous masquant le tragique, nous empêchant de nous confronter au tragique (ce qui serait alors la fonction principale des différentes religions, morales et politiques du « bonheur ») ? On peut tirer cette question d’un des livres les plus stimulants du philosophe Clément Rosset, La philosophie tragique datant de 1960 (Rosset avait alors 21 ans !) (10). Le tragique, c’est par exemple pour Rosset, dans le sillage de Nietzsche, se cogner à une mort accidentelle, dans ses dimensions « insurmontables », « irrémédiables » et « imméritées ». Quand un événement, dans ses douleurs et dans ses joies, déborde les catégories morales traditionnelles.

Comme Rosset, Goodis, Crumley et Lehane récusent une éthique qui consentirait à cet « oubli du tragique ». Mais, contrairement à Rosset, l’idée de bonheur, comme aspiration à un mieux en fonction d’un certain système de valeurs, donc d’une morale, ne serait pas à jeter aux orties. L’utopique ne serait pas qu’un « arrière-monde » nous masquant le caractère tragique de la condition humaine. L’utopique, en tant qu’aspiration à un ailleurs, serait partie-prenante du monde, participerait de notre expérience du monde avec le tragique, en tension avec le tragique. Dans cette perspective, l’utopique ne renverrait pas nécessairement, comme le pense Rosset, à une couche superficielle et illusoire qui serait surajoutée au monde pour empêcher d’en saisir les rugosités, mais se présenterait comme une composante de ce monde : les rêves d’ailleurs sont bien produits ici-bas !

Pourquoi ne pas nous coltiner alors, comme les héros de nos polars, les antinomies de l’aventure humaine : tragique et utopique, solitaire et solidaire, singulier et commun, pessimiste et optimiste. Reconnaître la force de l’événement tragique, et nos fragilités face à lui, ce ne serait donc pas inéluctablement récuser la part utopique de nos existences. C’est le sens de la philosophie du peut-être en germe chez Goodis, Crumley et Lehane.

On est bien sûr fortement redevable à Clément Rosset de la question forte qu’il pose. Mais on préfèrera à sa réponse unilatérale, la philosophie politique de l’ambivalence d’un Maurice Merleau-Ponty dans son livre Humanisme et terreur de 1947 :

« Le monde humain est un système ouvert ou inachevé et la même contingence fondamentale qui le menace de discordance le soustrait aussi à la fatalité du désordre et interdit d’en désespérer » (11).

Ainsi, pour Merleau-Ponty, la contingence de l’histoire humaine, sa part d’imprévisibilité, rendrait compte tout à la fois de sa composante tragique et de sa composante utopique, de la possibilité de la barbarie et de la possibilité de l’émancipation, indissociablement. Cette mise en tension du tragique et de l’utopique revêt alors la tonalité mélancolique du peut-être, qui a illuminé notre traversée du roman noir américain à une heure particulièrement adaptée à sa poésie (12).

Philippe Corcuff

* Texte d’une conférence prononcée dans le cadre de « La nuit de la philosophie » (24 H de philosophie avec des centaines de conférences et d’activités, du samedi 10h du matin au dimanche 10h du matin : près de 8500 participants pour cette quatrième édition : voir http://www.nuitdelaphilo.com/), Montréal, Université du Québec à Montréal (UQAM), 21-22 mars 2009

Notes :

(1) Dans Claudio Magris, L’Anneau de Clarisse - Grand style et nihilisme dans la littérature moderne (1ère éd. : 1984), trad. franç., Paris, L’Esprit des Péninsules, 2003.

(2) Daniel Bensaïd, Le pari mélancolique, Paris, Fayard, 1997.

(3) Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » (1940), trad. franç., dans Œuvres III, Paris, Gallimard, collection « Folio-Essais » , 2000.

(4) Voir aussi P. Corcuff, « Mélancolie : une radicalité de l’imperfection ? », Mediapart, 14 décembre 2008, http://www.mediapart.fr/club/blog/philippe-corcuff/141208/melancolie-une-radicalite-de-l-imperfection-0

(5) Dans Claudio Magris, Utopie et désenchantement (1ére éd : 1999), trad. franç., Paris, Gallimard, collection « L’Arpenteur », 2001, p.19.

(6) Voir Pierre Bourdieu, « Avenir de classe et causalité du probable », Revue Française de Sociologie, vol. 15, n°1, janvier-mars 1974.

(7) Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

(8) Pour une exploration de cette pensée du peut-être, à travers le cinéma, la littérature, la chanson, le philosophie et la sociologie, voir P. Corcuff, La société de verre - Pour une éthique de la fragilité, Paris, Armand Colin, collection « Individu et Société », 2002.

(9) Pour un prolongement, voir P. Corcuff, « Mickey Rourke/Charlize Theron : de nos identités rapiécées », Rue 89, 17 mars 2009, http://www.rue89.com/2009/03/17/mickey-rourkecharlize-theron-de-nos-identites-rapiecees

(10) Clément Rosset, La philosophie tragique (1ére éd. : 1960), Paris, PUF, collection « Quadrige », 1991.

(11) Dans Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur (1ère éd. : 1947), Paris, Gallimard, collection « Idées », 1980, p.309.

(12) Cette conférence-débat s’est tenue le dimanche 22 mars entre 5h et 7h du matin…