Accueil > Notre dossier de l’heure > NON à la guerre de l’empire ! > Réponses aux arguments des anti-pacifistes sur la Guerre du Golfe (1991)

De nos archives

Réponses aux arguments des anti-pacifistes sur la Guerre du Golfe (1991)

lundi 14 octobre 2002, par Gauche socialiste

(En 1991, nous avons publié ce texte sous forme de tract pour nous opposer aux arguments qui étaient alors développés en faveur de la guerre. Nous croyons que ce texte nous fournit encore de nombreux arguments pour nous opposer aux bellicistes d’aujourd’hui.)

Le mouvement anti-guerre s’est développé très rapidement après l’attaque américaine contre le Koweït. Comme on pouvait s’y attendre, les anti-pacifistes se sont ressaisis et sont passés à la contre-offensive, autour d’une série d’arguments. En voici quelques-uns, avec les répliques que nous leur opposons.

"ENTRE LA DÉMOCRATIE ET LA DICTATURE, IL FAUT CHOISIR SON CAMP".

Pardon, mais le Koweït était, non pas une démocratie, mais une monarchie absolue héréditaire. Seulement 10% de la population d’origine koweïtienne avait le droit de vote pour élire un Parlement consultatif, suspendu récemment par l’Emir, en plus. Les deux-tiers de la population étaient des travailleurs-euses immigré-e-s qui n’avaient aucun droit. La lutte entre Saddam Hussein et l’Emir du Koweït n’est pas la lutte entre la dictature et la démocratie, mais entre deux formes de régimes autoritaires. Les alliés arabes des États-Unis ne sont pas non plus des démocraties, mais des régimes autoritaires ou des dictatures aussi pires que celles de Saddam. Cette guerre n’a rien à voir avec la démocratie !

"IL NE FAUT PAS LAISSER L’AGRESSION IRAKIENNE IMPUNIE".

Mais combien d’agressions américaines, israéliennes, sud-africaines, sont restées impunies ? Combien d’agressions par les autres grandes puissances- Grande-Bretagne, France, Chine, URSS ? Combien par d’autres puissances secondaires - le Maroc au Sahara occidental, la Turquie a Chypre, l’Indonésie au Timor occidental, l’Ethiopie en Erythrée, etc, etc ? Comment ne pas être frappés par l’hypocrisie de cet argument, venant de ceux qui ont eux-mêmes commis de multiples agressions dans le passé et couvert celles de leurs alliés ?

"MAIS C’EST UNE OPÉRATION DES NATIONS-UNIES".

Les Nations-Unies ne peuvent absolument rien faire contre les grandes puissances, qui ont le droit de veto au Conseil des sécurité. L’ONU ne peut rien faire sans les grandes puissances, qui disposent des moyens matériels et militaires pour agir. Le rôle de "police internationale" de l’ONU peut s’appliquer uniquement quand toutes les grandes puissances se mettent d’accord pour agir contre une puissance petite ou moyenne, comme c’est le cas en ce moment face à l’Irak. Les États-Unis ont obtenu le sceau des Nations-Unis en achetant le soutien de l’URSS et de la Chine, en échanges de concessions économiques. C’est une opération américaine sous le manteau de l’ONU, Voilà la vérité.

"SI SADDAM N’EST PAS ARRETÉ MAINTENANT, IL VA ATTAQUER D’AUTRES PAYS."

Et Bush ? N’a-t-il pas déjà attaqué plusieurs pays, comme vice-président et maintenant comme président ? Si I’agression américaine contre l’Irak réussit, comment peut-on croire que cela va s’arrêter là ? N’y a-t-il pas un danger encore plus grand que les États-Unis s’en prennent à d’autres pays dont ils n’aiment pas les gouvernements ? L’Irak ne peut pas agir en-dehors de sa région immédiate. Les Etats-Unis peuvent attaquer - n’importe quel pays du monde. Leurs armées sont infiniment plus puissantes que celles de l’Irak. On le voit très bien dans la guerre. Lequel des deux, est le plus grand danger pour la sécurité des peuples ?

"MAIS LES ÉTATS-UNIS SONT UNE DÉMOCRATIE !"

CIn pourrait questionner longtemps la qualité de la démocratie américaine. ou une campagne présidentielle coûte cent millions de dollars et la moitié de la population ne vole pas. Le gouvernement américain fait la politique des multinationales, et cela veut dire, très souvent, le soutien à des régimes dictatoriaux et l’usage des armes contre des mouvements de libération, allant jusqu’au renversement de gouvernements élus ,(Chili, -1973), Non, la politique extérieure des Etats-Unis n’est aucunement fondée sur la démocratie, mais sur la défense des intérêts capitalistes américains dans !e monde, et cette politique n’est pas décidée par le peuple, mais par un cercle restreint, autour du président, dans l’armée et dans la CIA. Peut-on leur faire confiance ? Nous disons non.

"PEUT-ETRE, MAIS SADDAM EST PIRE."

Les populations arabes seraient probablement d’avis contraire. En fait, Saddam et Bush sont tous les deux les dirigeants d’un État bourgeois, un qui est la plus grande puissance monde, et l’autre, un pays du Tiers-Monde. Les média occidentaux s’indignent beaucoup des pratiques "amorales" de Saddam, comme la prise des otages, mais cela reflète tout bonnement la faiblesse des moyens de l’Irak. Bush non plus ne se prive pas d’employer les armes à sa disposition. Il en a seulement des beaucoup plus puissantes. Les pertes. irakiennes sont et seront beaucoup plus fortes que les pertes américaines.

COMMENT POUVEZ-VOUS DÉFENDRE SADDAM ?"

Nous défendons l’Irak, pas le régime de Saddam. Ce sont les grandes puissances qui ont fait Saddam, pas nous. Tant qu’il se limitait à massacrer les Kurdes et les communistes, les gouvernements occidentaux le laissaient faire et continuaient de lui vendre des armes à coup de milliards. Quand Saddam a attaqué l’Iran, en 1979, elles I’ont ouvertement appuyé, en tant que bouclier contre le fondamentalisme islamique iranien. Ce sont les grandes puissances qui ont fait Saddam. Aujourd’hui, elles se liguent pour le remettre à sa place. Ce qui a changé, c’est que Saddam est devenu une nuisance pour les grandes puissances, en voulant prendre plus de place qu’on veut lui en laisser. Voilà son vrai crime !

"VOUS AIDEZ SADDAM QUAND MEME, EN VOUS OPPOSANT A L’INTERVENTION OCCIDENTALE".

Contrairement aux apparences, c’est plutôt Bush qui aide Saddam en attaquant l’Iraq, car il lui permet d’apparaître devant les populations arabes comme un champion de la lutte anti-impérialiste. Les faits sont là. Avait-on jamais vu des manifestations ro-irakiennes et pro-Saddam dans les pays arabes jusqu’à maintenant ? Ces manifestations se multiplient maintenant, précisément parce que Saddam tient tête à l’attaque américaine et réplique avec les moyens à sa disposition. En réalité, c’est Bush qui aide Saddam, en lui permettant d’apparaître comme un champion de la lutte anti-impérialiste, pas le mouvement ant-guerre occidental.

"IL FAUT FAIRE TOMBER SADDAM"

Le régime de Saddam doit tomber, mais aux mains de l’opposition démocratique irakienne, pas aux mains d’un gouvernement de marionnettes nommées par des autorités d’occupation américaines, qui serait rejeté par le peuple irakien. L’attaque américaine contre l’Irak complique beaucoup la tâche des mouvements d’opposition contre Saddam, car ce dernier peut se poser en défenseur du pays attaqué. Cela rend la situation encore plus difficile pour l’opposition interne en Irak. Seuls des traîtres méprisables pourraient soutenir l’invasion étrangère contre leur pays, et le reste du peuple les rejetterait avec dégoût.

"IL FAUT DÉFENDRE LE KOWEIT !"

Il y a un fait remarquable à noter. Les seules manifestations en faveur du Koweït ont eu lieu dans les pays occidentaux. Le Koweït était détesté dans le monde arabe : une monarchie arrogante, assise sur les milliards du pétrole, qui s’en arrogeait les profits pour elle seule, forte de la protection occidentale. Voilà pourquoi les masses arabes ne se sont pas levées pour défendre le Koweït, alors qu’elles se lèvent pour défendre l’Irak. Seul l’Occident veut défendre le Koweït. N’est-ce pas révélateur ?

"DONC, VOUS ACCEPTEZ L’ANNEXION IRAKIENNE DU KOWEIT".

Disons-le carrément : le Koweït aurait dû faire partie de l’Irak depuis le début. C’est la Grande-Bretagne qui a créé le Koweït comme Etat séparé et placé dynastie AI-Saba au pouvoir. Le peuple irakien n’a jamais accepté cela, Certes, Saddam utilise les moyens militaires pour récupérer le Koweït. Nous sommes contre ces moyens. Mais que proposent !es ennemis de l’Irak ? Utiliser les moyens militaires pour restaurer l’Emir du Koweït sur son trône. Ils veulent corriger un tort par un autre tort. Cela va seulement créer une situation de conflit permanent par la suite, car le peuple irakien n’acceptera pas cela.

MAIS QUE FAITES-VOUS DU PEUPLE KOWEÏTIEN ?"

Parlons-en ! Il y a une chose remarquable : nos gouvernements occidentaux, ces chauds partisans des élections libres en Europe de l’Est et à Cuba, se gardent bien de revendiquer des élections libres au Koweït, ni même en Irak, malgré toutes leurs dénonciations du dictateur Saddam. Pourquoi ? Des élections libres en Irak ne donneraient peut-être pas un régime pro-américain, surtout pas après l’attaque actuelle. Même au Koweït, des élections libres ne tourneraient peut-être pas à l’avantage de la dynastie des AI-Sabah, surtout si on donnait le droit de vote aux deux tiers de la population qui ne sont pas d’origine koweïtienne, mais qui sont établis dans le pays. Et cela donnerait un mauvais exemple à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes, où il n’y a pas la moindre trace de démocratie non plus. Voilà pourquoi nos champions de la "démocratie" ne demandent pas d’élections libres au Koweït, et même pas en Irak. C’est un autre exemple de l’hypocrisie, des gouvernements occidentaux dans cette affaire.

"ET LES -ATTAQUES DE MISSILES IRAKIENS CONTRE ISRAËL ? VOUS NE LES CONDAMNEZ PAS ?"

Même si Israël ne participe pas directement à l’attaque contre l’Irak, elle est partie prenante de la situation d’ensemble Moyen-Orient. On ne peut pas séparer les questions du Koweït, du Liban et de la Palestine. En tout cas, les masses arabes voient le rapport entre ces questions, et voient clairement le deux poids, deux mesures des puissances occidentales, qui mobilisent pour forcer I’lrak à se soumettre aux résolutions du Conseil de :sécurité, tout en laissant Israël défier impunément les résolutions des Nations Unies sur tes territoires occupés. Si l’Occident attaque l’Irak, Israël doit s’attendre à subir des représailles. Israël ne peut prétendre à aucune immunité.

"MAIS LES ATTAQUES IRAKIENNES FONT DES VICTIMES INNOCENTES DANS LA POPULATION ISRAELIENNE"

Sans doute. L’Irak utilise les armes qu’elle possède pour répliquer aux attaques américaines. Mais ces dernières aussi font des victimes innocentes en Irak, pudiquement classées dans la rubrique des "dommages collatéraux". Dans les deux cas, c’est très regrettable, mais c’est un résultat inévitable de la guerre. Si on veut que cela arrête, c’est la guerre qu’il faut arrêter. Mais là encore, la presse occidentale montre un double standard dégoûtant elle s’apitoie sur les victimes israéliennes, sans presque rien dire des victimes irakiennes. On trouve normal de faire payer aux civil-e-s irakien-ne-s le prix des actions de leur gouvernement, tandis que la population israélienne, elle, devrait en aucun cas payer le moindre prix pour les actions de son gouvernement. Encore deux poids, deux mesures !

"ET LES PRISONNIERS DE GUERRE ?"

Nous condamnons la violation apparente des droits des prisonniers de guerre par l’Irak. Mais cela se produit dans toutes les guerres, et dans tous les camps en présences. Qui nous garantit que les droits des prisonniers irakiens sont pleinement respectés ? De toute façon, les aviateurs occidentaux savaient les risques qu’ils couraient en allant à la guerre. On ne peut pas jouer au soldat, sans assumer jusqu’au bout les conséquences désagréables qui en découlent. Nous croyons que les civil-e-s irakien-ne-s sont beaucoup plus à plaindre ; et le peuple irakien n’a pas demandé à être attaqué.

"SOYONS RÉALISTE : IL FAUT GARDER LE CONTROLE DU PÉTROLE"

C’est là un argument purement impérialiste, selon lequel les pays occidentaux ont le droit de s’emparer par le force des ressources naturelles qui appartiennent à d’autres peuples. Cela ne vaut pas mieux que la théorie nazie de l’espace vital, selon laquelle le peuple allemand avait le droit de conquérir les pays voisins. Nous rejetons catégoriquement cette attitude, et nous défendons le droit des peuples à contrôler leurs ressources. Nous reconnaissons leur droit de recourir à la force si nécessaire, pour conserver ou recouvrer la disposition des ressources qui leur appartiennent

"MAIS NOUS NE POUVONS PAS NOUS PASSER DU PÉTROLE".

Mais la seule chose que les gouvernements de ces pays peuvent faire avec le pétrole, c’est de le vendre. Ils ne demandent pas mieux, En fait, c’est l’embargo occidental qui empêche Saddam de vendre son pétrole ! En réalité, ces pays sont beaucoup plus dépendants du commerce du pétrole que ne le sont les grands pays capitalistes, lesquels ont d’autres sources d’énergie et d’autres sources de pétrole. Pour l’Irak, le pétrole est la seule ressource. Il faut la vendre.

"IL NE FAUT PAS QUE SADDAM PUISSE CONTROLER LES PRIX".

Le marché du pétrole est déjà contrôlé. C’est un champ de bataille entre les pays producteurs et les multinationales pétrolières occidentales, qui possèdent en même temps leurs propres sources de pétrole. Si les pays exportateurs veulent des prix trop élevés, les multinationales les refilent aux consommateurs-trices et augmentent leur propre production, pour miner la position des pays exportateur, jusqu’au moment où ces derniers sont finalement forcés de réduire les prix. C’st exactement ce qui est arrivé dans les années 80. C’est encore cela qui arriverait."

"MAIS EN ATTENDANT LES PRIX MONTERAIENT ET LES PLUS GRANDES VICTIMES SERAIENT LES PAYS DU TIERS-MONDE IMPORTATEURS DE PETROLE".

Voilà bien l’argument démagogique ultime ! Ouand donc s’est-on soucié des pays les plus pauvres pour déterminer les politiques économiques des grandes puissances ? Jamais ! Au contraire, ces pays se font imposer des politiques antipopulaires par le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale, dans l’intérêt des banques occidentales. Si on veut aider ces pays qu’on annule leur dette, et ils pourront faire face à leur facture pétrolière. Les deux milliards que la coalition occidentale flambe tous les jours dans la guerre du Gode feraient déjà bien du chemin dam les pays les plus pauvres !

"IL FALLAIT ATTAQUER L’IRAK AVANT QU’ELLE ACQUIERE L’ARME NUCLÉAIRE"

Mais Israël a déjà l’arme nucléaire. Plus personne n’en doute. Comment peut-on demander à l’Irak et aux pays arabes de rester sans défense face à l’arsenal nucléaire d’Israël, une puissance ouvertement hostile, qui les a attaqué déjà plusieurs fois ? Si on veut éliminer ces armes, l’exemple devrait venir des puissances qui les possèdent à l’heure actuelle. Leur lutte pour empêcher l’Irak de développer l’arme nucléaire n’est rien d’autre qu’un combat pour préserver leur monopole sur les armes nucléaires et leur supériorité sur les autres pays. S’ils sont contre les armes nucléaires, qu’ils détruisent donc les leurs !

"VOUS ETES DES NAÏFS. Si ON VEUT GARDER NOTRE PLACE DANS LE MONDE, IL FAUT PRENDRE LES MOYENS."

Nous ne sommes pas des naïfs. Nous sommes contre l’ordre international actuel, qui repose sur l’exploitation et l’inégalité. Nous voulons un monde fondé sur la justice dans les rapports entre les peuples, non sur le droit à la domination par les grandes, puissances. Nous croyons qu’à terme, c’est la seule chance de survie de l’humanité. Ou il se forme un véritable nouvel ordre international fondé sur la reconnaissance réelle des droits des peuples et leur collaboration sur pieds d’égalité, soit l’humanité se déchire de plus en plus, jusqu’au moment où les bases de la vie sur Terre sont détruites. Lé véritable réalisme, c’est de combattre les prétentions des grandes puissances impérialistes à la domination mondiale, que ce soit seules ou avec d’autres.

"MEME SI VOUS AVEZ RAISON LA GUERRE EST DÉCLARÉE ET IL FAUT APPUYER NOS TROUPES"

C’est l’argument de Chrétien : contre la guerre jusqu’au moment où elle est déclarée, pour la guerre ensuite. Nous rejetons ce faux pacifisme. Nous sommes encore contre la guerre et pour le retrait des forces canadiennes. Nous offrons d’avance toute notre sympathie aux proches et aux familles des soldats qui tomberont à la guerre, mais la responsabilité des pertes reviendra au gouvernement qui nous a lancé dans ce conflit, et certainement pas aux mouvement qui ont essayé de l’empêcher. La seule façon d’éviter des pertes, c’est le retrait des forces canadiennes.

"MAIS VOUS PRECHEZ L’ISOLATIONNISME"

Non. Nous sommes des internationalistes, pas des isolationnistes. Nous sommes contre l’intervention de notre gouvernement dans la défense de la domination impérialiste sur le Tiers-Monde. Nous serions en faveur de l’engagement de notre gouvernement en faveur des forces qui tentent de se libérer de la domination impérialiste. Nous aurions voulu que le Canada aide massivement le Nicaragua sandiniste et le soutienne contre la guerre sale menée par les États-Unis. Évidemment, on ne peut pas s’attendre à ce que les gouvernements actuels agissent ainsi. C’est une des raisons pour laquelle nous luttons contre les gouvernements capitalistes, et pour former des gouvernements ouvriers. Mais nous voulons une politique de solidarité internationaliste, pas l’isolement.

Gauche socialiste
26 janvier 1991