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Pourquoi Bush ment-il au sujet de l’IRAK ?

samedi 15 février 2003

Par John Pilger

Les projets du président George Bush d’envahir l’Irak n’ont rien avoir avec l’élimination des « armes de destruction massive », avec un prétendu terrorisme ou avec l’objectif d’en finir avec les violations des droits humains. Un attaque contre l’Irak est la première phase d’une stratégie visant à accroître le contrôle américain sur les ressources pétrolières.

Un document écrit, il y a plus deux ans déjà et révélé seulement récemment, par les hommes qui entourent maintenant Bush, résume de façon prophétique la grande stratégie de Washington de dominer l’humanité et les ressources du monde. Cependant, ce que les États-Unis ont besoin pour gagner le soutien du public à sa mise en place, ce sont des événements catastrophiques et catalyseurs, comme un nouveau Pearl Harbor.

Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont fourni ce « nouveau Pearl Harbor » décrit comme la chance d’une époque. Les extrémistes qui ont exploité les événements du 11 septembre viennent de l’ère de la présidence de Ronald Reagan, quand des groupes d’extrême-droite et des « think tanks » ont été établis pour venger la défaite américaine au Vietnam. En 1990, un point a été ajouté à leur agenda, celui de nier l’existence « d’une possibilité de paix » suite à la guerre froide.

Le Projet pour un nouveau siècle de l’Amérique (PNAC) a été élaboré avec l’American Enterprise Institute, l’Hudson Institute et d’autres équipes qui ont partagé les vues de l’administration Reagan et de l’actuel régime Bush.

Un des « inspirateurs » de Bush, c’est Richard Perle. J’ai fait un entrevue avec Perle quand il conseillait Reagan et quand il parlait de la « guerre totale ». De façon erronée, je l’ai considéré comme un fou. Il a récemment utilisé ce terme en décrivant la guerre des États-Unis contre la terreur.

Perle est un des fondateurs du PNAC. Les autres initiateurs de ce projet sont Dick Cheney, maintenant vice-président des États-Unis, Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense, Paul Wolfowitz, conseiller à la défense, Lewis Libby, le chef de cabinet de Cheney, William Bennett, le secrétaire à l’éducation de Reagan et Zalmay Kalizad, l’ambassadeur de Bush en Afghanistan. Ce sont les chevaliers du terrorisme américain.

Le rapport du PNAC publié en 2000, « Reconstruire la défense de l’Amérique : Stratégie, forces et ressources pour un siècle nouveau » était le brouillon des visées américaines même dans son intitulé. Il y a deux ans, il recommandait une croissance des dépenses d’armement de 48 milliards ce qui permettrait à Washington de combattre et de gagner des guerres sur de nombreux terrains. Et c’est ce qui est arrivé. Il affirmait que les États-Unis devraient développer des armes nucléaires de destruction des bunkers et faire de la guerre des étoiles une priorité nationale. Et c’est ce qui est arrivé. Il affirmait, que dans l’éventualité où Bush prendrait le pouvoir, l’Irak devrait devenir une cible. Et c’est ce qui est arrivé.

La possession alléguée par l’Irak « d’armes de destruction massive » était présentée, comme une bonne excuse, ce qu’elle est effectivement. Alors qu’un conflit non résolu avec l’Iraq fournirait une justification immédiate », le rapport du PNAC affirme : « le besoin de la présence d’une force américaine substantielle dans le Golfe transcende l’enjeu que représente le régime de Saddam Hussein ».

Comment cette grande stratégie a-t-elle été appliquée ?

Une série d’articles dans le Washington Post, signés par Bob Woodward et basés sur de longues entrevues des membres importants de l’administration Bush révèlent comment les événements du 11 septembre ont été utilisés.

Le matin du 12 septembre 2001, sans preuve aucune de qui étaient les pirates de l’air, Rumsfeld a demandé que les États-Unis attaquent l’Irak. Selon Woodward, Rumsfeld a eu une rencontre du cabinet où il a été affirmé que l’Irak devrait être la principale cible de la première phase de la guerre contre le terrorisme. L’Irak a été temporairement écarté parce que Colin Powell, le secrétaire d’État, a persuadé Bush que « l’opinion publique devait être préparé avant qu’une attaque contre l’Irak soit possible ». L’Afghanistan a été choisi comme une option plus facile.

Si l’estimation de Jonathan Steele dans le Guardian est correcte, quelque 20 000 personnes en Afghanistan ont payé de leur vie le prix de ce débat.

À de nombreuses reprises, le 11 septembre a été décrit comme une « opportunité ». Dans le dernier New Yorker d’avril, le reporter d’enquête Nicholas Lemann a écrit qu’un des principaux conseiller de Bush, Condoleezza Rice, lui a affirmé qu’elle avait téléphoné aux principaux membres du Conseil national de sécurité pour le demander de « réfléchir sur comment capitaliser sur cette opportunité »qu’elle a comparé à celle de 1945-47, au début de la Guerre Froide.

Depuis le 11 septembre 2001, Washington a établi des bases militaires près des principales sources de pétrole, spécialement en Asie centrale. La compagnie de pétrole UNOCAL construit un pipeline en Afghanistan. Bush a rejeté le Protocol de Kyoto sur les émissions de gaz à effets de serre, il a rejeté le rôle de la Cour criminelle internationale dans les poursuites contre les criminels de guerre et il a rejeté le traité sur les missiles anti-ballistiques. Il affirmé qu’il utiliserait des armes nucléaires contre des États non-nucléaires « si cela était nécessaire ». Sous la couverture d’une propagande sur des armes de destruction massive qui seraient possédés par l’Irak, le régime Bush a développé de nouvelles armes de destruction massive qui ont miné les traités internationaux sur la guerre biologique et chimique.

Dans le Los Angeles Times, l’analyste militaire William Arkin a décrit une armée secrète mis sur pied par Rumsfeld, similaire à celle mise de l’avant par Richard Nixon et Henry Kissinger et que le Congrès a décrété hors la loi. Des services ultra secrets coordonnaient le travail de la CIA, des actions militaires secrètes, des travaux de renseignement et de désinformation. Selon un document préparé par Rumsfeld, la nouvelle organisation, connue sous le pseudonyme orwellien de « Proactive Pre-emptive Operations Group » ou P2OG, provoquerait des attaques terroristes quand des « contre-attaques » des Etats-Unis seraient nécessaires contre des pays qui accueilleraient des terroristes ».

En d’autres termes, des personnes innocentes seraient tuées par les Etats-Unis. Cela rappelle l’Opération Northwoods, le plan présenté au Président John Kennedy par des dirigeants militaires pour une fausse campagne terroriste -avec des bombes, des détournements d’avions, des écrasements et des morts américaines - une justification pour une invasion de Cuba. Kennedy l’a rejeté. Il a été assassiné quelques mois plus tard. Maintenant Rumsfeld a fait renaître Northwoods, mais avec des ressources inespérées en 1963 et avec aucun rival global invitant à prendre certaines précautions.

Vous devez garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une farce mais que des hommes réellement dangereux comme Perle, Rumsfeld et Cheney ont un pouvoir considérable.

« Notre position » est le nom de code du mensonge. Comme journaliste je n’ai certainement jamais connu un mensonge aussi généralisé qu’aujourd’hui. Nous pouvons rire de l’inanité du dossier irakien du premier ministre britannique John Blair ou des mensonges ineptes du Secrétaire des affaires étrangères Jack Straw affirmant que l’Irak a développé la bombe nucléaire. Mais les mensonges les plus insidieux, justifiant une attaque contre l’Irak et reliant ce pays aux terroristes qui se cacheraient un peu partout dans Londres sont diffusés comme des « nouvelles ». Ce ne sont pas des nouvelles, c’est de la désinformation.

La corruption des journalistes et des diffuseurs en fait de simples ventriloques tout à fait nuls. Une attaque contre une nation de 22 millions de personnes souffrantes est présentée par les commentateurs libéraux comme le sujet d’un séminaire, comme des pièces que l’on déplace sur une carte, comme les vieux impérialistes étaient habitués de le faire.

L’enjeu pour ces derniers n’est pas d’abord d’en finir avec la brutalité de la domination impérialiste mais avec le "mauvais" Saddam Hussein. Ils n’acceptent pas que leur décision de joindre le parti des bellicistes scelle le sort de millions d’IrakienNEs innocents condamnés à attendre leur condamnation à mort par l’Amérique. Leur double standard ne fonctionne pas.

Nous ne pouvons accepter de soutenir une piraterie meurtrière au nom de l’humanisme. Cependant, l’extrémisme du fondamentalisme américain auquel nous faisons face est assez clair, et depuis longtemps, pour que ceux qui ont un cœur bien placé ne l’accepte pas.

Merci à Norm Dixon et Chris Floyd.

(traduction La Gauche)
(tiré du site GreenLeft Weekly)