3 août 2004
QUITO - En créant dimanche [25 juillet 2004] une véritable Internationale amérindienne, les délégués de soixante-quatre peuples autochtones ont donné le meilleur coup d’envoi possible au premier Forum social des Amériques qui se tient jusqu’à vendredi en Equateur.
"Du coeur du monde, lieu du soleil droit (l’Equateur, ndlr) [...], les peuples et nationalités indigènes d’Abya Yala (Amérique, en langue kichwa, ndlr) [...] ont décidé de créer un espace permanent de liaison et d’échange, où convergeront expériences et propositions, pour que nos peuples et nationalités affrontent unis les politiques de globalisation néolibérale." L’acte de naissance de la future Internationale amérindienne, publié dimanche à l’issue du second Sommet continental indigène, est appelé à faire date. En deux pagesA4, la Déclaration de Quito brosse à grands traits une "maison commune", moins refuge ethnique que base avancée dans le combat, au côté des mouvements sociaux, contre le système politique et économique dominant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce Sommet s’est déroulé en préambule du premier Forum social des Amériques qui se tient jusqu’à vendredi [30 juillet 2004] dans la capitale équatorienne. Quatre jours durant, plus de six cents délégués de soixante-quatre "peuples et nationalités" -venant aussi bien du Canada que de la Terre de Feu- ont débattu autour d’une dizaine de tables rondes. Des discussions empreintes d’un certain mystère, des dizaines de "chamans" ayant ouvert chacune de ces réunions tenues dans un collège... catholique de Quito. Chants et danses traditionnels étaient aussi omniprésents.
S’unir, s’ouvrir
Le Forum a débouché sur une Déclaration finale, présentée dimanche au public, témoignant de la convergence grandissante au sein des principaux mouvements indigènes. Quatre ans après le premier Sommet continental de Teotihuacan (Mexique), les militants ont donc choisi de presser le pas et d’ouvrir un double chantier. D’abord, celui de leur plus forte intégration, grâce à la mise sur pied d’une "instance permanente et décentralisée". La structure aura notamment pour fonction de financer et de coordonner des actions internationales décidées par les mouvements autochtones.
Et c’est là qu’intervient le second pari, puisque la Déclaration insiste sur la nécessité de combattre de façon offensive le néolibéralisme. Car si le texte rappelle le droit imprescriptible des peuples premiers de "créer des espaces d’autonomie et d’autodétermination", il souligne également la nécessité "d’établir des alliances avec d’autres secteurs de la société, en particulier les mouvements sociaux, afin d’affronter les politiques qui nous oppriment". La Déclaration cite en particulier la participation aux forums sociaux "avec des propositions communes qui reflètent la position du mouvement indigène".
Par ailleurs, la Déclaration de Quito appelle au soutien actif du "peuple du Venezuela et du président Hugo Chavez" dans leur "défense de la souveraineté nationale" et se "solidarise" avec "la permanente lutte anti-impérialiste" des Cubains.
Mode de vie collectif
Comme les alliés, les adversaires des peuples autochtones sont clairement identifiés dans la Déclaration. Au premier rang figurent les multinationales qui "convoitent les ressources naturelles préservées" jusque-là par les indigènes, ou les "gouvernements nationaux [qui] suivant les ordres du FMI, de la Banque mondiale [...], nous ruinent avec le paiement de la dette externe et suppriment notre droit collectif à la terre, afin de la privatiser".
Un processus inadmissible -contraire à la Convention 169 de l’OIT et, surtout, aux croyances profondes des peuples amérindiens. "Les vallées et les plaines, les forêts et les déserts, les collines et les montagnes, les mers et les rivières, l’aigle et le condor, le quetzal et le colibri, le puma et le jaguar, peuvent témoigner que nos systèmes socio-politiques collectifs ont assuré la survie humaine et écologique", écrivent les délégués. Qui assurent que cet "héritage de nos ancêtres" constituera "la base sur laquelle nous construirons notre futur".
Source : Le Courrier, 27 juillet 2004.