Le rejet massif de la ZLÉA et d’une base militaire américaine en sol brésilien
L’organisation d’une telle consultation est titanesque dans un pays-continent pour le Brésil. Avec 7 jours de votation dans plus 41 758 urnes éparpillées dans les principaux lieux publics d’un territoire de près de 10 millions de kilomètres carrés, cette démonstration de la force des mouvements progressistes du Brésil en dit long sur l’énergie disponible pour barrer la route à la ZLÉA et à création d’une base militaire aux frontières de l’Amazonie.
Trois questions étaient posées à l’ensemble de la population. Le Brésil doit-il signer l’Accord de libre-échange des Amériques ? Le Brésil doit-il continuer à participer aux négociations sur la ZLÉA ? Le gouvernement brésilien doit-il remettre une partie de notre territoire - la base d’Alcântara - au contrôle des États-Unis. Dans les trois cas, plus de 95 % de la population a répondu non.
Dans un contexte ou le Parti des Travailleurs risque de gagner les élections présidentielles, le résultat donne de l’eau au moulin à l’opposition nationale et continentale à une intégration économique axée sur le commerce au détriment des droits sociaux et de l’environnement. Au Brésil, la ZLÉA est devenue en l’espace d’un an la nouvelle bannière qui regroupe la gauche organisée : en clair, ce projet économique est présenté comme la fin de la souveraineté nationale si chère au peuple brésilien, et comme un Plan d’ajustement structurel (PAS) permenant et sans retour.
Intégration économique et militarisation des Amériques
Alors que l’opposition à une nouvelle guerre américaine contre l’Irak se développe tant chez les gouvernements que chez les populations, le rejet populaire de la création d’une base militaire de l’armée états-unienne à Alcântara est une épine dans le pied dont George Bush se serait certainement passé. Le passage de cette base du nord du Brésil des mains nationales vers celles de l’Oncle Sam, s’inscrit dans une stratégie manifeste des États-Unis d’encercler militairement la forêt amazonienne. Avec le Plan Colombie et des bases installées en Équateur et en Bolivie, Washington vise un double objectif. D’une part contrôler militairement une zone très instable qui compte notamment le gouvernement nationaliste de Chavez au Venezuela, les dernières guerrillas actives en Amérique latine en Colombie et un des mouvements autochtones les plus forts, en Équateur. D’une autre part, la présence des militaires dans cette région vise à sécuriser l’approvisionnement en ressources naturelles (pétrole, eau, bois, ressources génétiques) de l’économie américaine. À cet effet, tout un système de surveillance par satellites a aussi été créé, ce qui fait de l’Amazonie la forêt la plus sécurisée au monde.
Avec ce référendum, les mouvements sociaux du Brésil démontrent clairement le lien existant entre l’intégration économique et la militarisation des Amériques. Présenté comme la solution aux guerres nationalistes qui avaient stupidement divisé les pays lors des siècles passés, il est de plus en plus évident que la ZLÉA sera militaire ou ne sera pas. Alors que l’opposition grandit et que le néolibéralisme démontre ses lacunes avant l’heure, il est de plus en plus évident que le modèle sera imposé de force. Si l’arme de la dette ne fonctionne pas, la bonne vieille solution militaire n’est certes pas exclue pour "stabiliser la région", comme en font foi les bombardements masqués en Colombie et les mouvements de troupe au Guatemala.