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Crise de l’administration Bush

La terreur des faucons

par Ahmed Shawki

mercredi 5 mai 2004

L’administration Bush a exploité la tragédie du 11 Septembre pour mieux promouvoir son projet droitier, elle a menti pour justifier sa guerre contre l’Irak, en espérant intimider et réduire au silence toute opposition. Mais dans le contexte insurrectionnel actuel contre l’occupation étatsunienne, Bush et ses faucons sont confrontés à une crise sans précédent.

Il y a un an, alors que les troupes étatsuniennes déferlaient sur l’Irak, G. W. Bush caracolait dans les sondages. Aujourd’hui, ceux-ci indiquent qu’une solide majorité de la population s’oppose à la façon dont leur administration gère l’occupation - et ceux et celles qui pensent qu’il faut retirer les troupes sont presque aussi nombreux. Comme son père avant lui, G. W. Bush espérait que la victoire militaire des Etats-Unis sur l’Irak garantirait sa réélection. Mais la résistance irakienne à l’occupation est venu contre-carrer son projet.

Il a fallu un certain temps avant que la vérité sur les mensonges de G. W. Bush filtre aux Etats-Unis. Suite à la déclaration de victoire en Irak de Bush, au printemps dernier, le Parti démocrate capitulait honteusement.

Les mensonges de Bush font à présent la une des journaux. Une enquête largement médiatisée sur les attentats du 11 Septembre a révélé que les responsables de Maison Blanche ont négligé les avertissements d’une probable attaque d’Al-Qaida - privilégiant les délires du programme de défense antimissiles dit "guerre des étoiles". D’anciens responsables affirment que l’obsession de l’administration après le 11 Septembre était de trouver un moyen d’en rendre l’Irak responsable pour lancer la guerre voulue par l’équipe de Bush dès l’instant où elle a mis les pieds dans la Maison Blanche.

Aujourd’hui, face à l’ampleur de la résistance irakienne, les grands médias commencent à spéculer sur le fait que l’Irak pourrait devenir "le Viêt-nam de Bush".

La "guerre contre la terreur" de Bush sera le thème principal de l’élection présidentielle de novembre. Mais l’arrogance des républicains provoque une colère grandissante, et pas seulement sur le dossier irakien.

Au service des trusts

Depuis son arrivée au pouvoir en 2001, la politique économique de Bush a servi ouvertement l’Amérique des trusts en accélérant le transfert de richesses des salariés vers les couches les plus aisées - essentiellement par le biais des réductions d’impôts d’un montant de 1,6 milliard de dollars au profit des plus riches.

Le président étatsunien prétend que les réductions d’impôts ont contribué à sortir l’économie de la récession. Or le "redressement" économique n’a toujours pas été ressenti par la majorité de la population : le nombre d’emplois a continué de baisser pendant la plus grande partie du mandat de Bush. Les entreprises engrangent à nouveau de gros bénéfices aux dépens du niveau de vie des travailleurs. Parallèlement, les républicains portent de nouvelles attaques contre les programmes sociaux d’Etat - y compris le système de retraites et le système de santé national Medicare.

Bush alimente également la colère avec ses projets de société réactionnaires Le droit des femmes à l’avortement est confronté aux menaces les plus graves depuis sa légalisation en 1973 (lire p.2). En début d’année, lorsque les gays et lesbiennes se sont soulevés contre les discriminations dont ils et elles souffrent en exigeant le droit de se marier, la réponse de Bush fut de soutenir un amendement à la Constitution qui interdirait le mariage entre des personnes du même sexe.

Dans un tel contexte de polarisation politique de la société étatsunienne, il serait facile pour les démocrates de monter une campagne capable de battre Bush à l’élection présidentielle. Mais ceux-ci ont choisi, dans la personne de John Kerry, le candidat le plus modéré et le moins attractif qu’on puisse imaginer. Celui-ci colle aux orientations conservatrices de Bush sur un grand nombre de sujets - quand il ne cherche pas à se positionner carrément à droite du président. Kerry critique l’invasion de l’Irak l’année dernière mais uniquement parce que Bush n’a pas obtenu suffisamment de soutiens internationaux (bien qu’à l’époque le sénateur Kerry ait voté en faveur de la guerre). A présent, celui-ci veut envoyer davantage de troupes que Bush pour renforcer l’occupation.

En présentant son programme pour faire face à la crise de l’emploi, le sénateur a même promis d’accorder des réductions d’impôts supplémentaires pour les riches - mais cette fois-ci sous forme d’allégements fiscaux pour les multinationales et les banques que celles-ci dirigent.

"N’importe qui sauf Bush"

Si des divergences existent entre Kerry et Bush - sur des questions comme l’avortement, par exemple, où Kerry soutient le droit de choisir des femmes - celles-ci masquent un accord beaucoup plus large. Cela souligne un aspect important du système politique étatsunien : les deux partis traditionnels, démocrate et républicain, représentent tous deux la classe dirigeante. Alors que le Parti démocrate prétend être le "parti du monde du travail", ce parti procapitaliste partage les objectifs de son compère républicain - qu’il s’agisse de renforcer la puissance militaire et économique des Etats-Unis à l’étranger ou d’aider l’Amérique des multinationales sur le front intérieur -, même s’il diverge parfois sur les tactiques nécessaires pour les atteindre.

Pour autant ce sont ces divergences qui importent aux yeux d’une majorité de l’électorat. Dans chaque élection, on dit aux travailleurs qu’il faut soutenir un démocrate, aussi conservateur soit-il - comme moindre mal - afin d’empêcher une victoire républicaine. Cette année, le slogan "n’importe qui sauf Bush" a touché d’autant plus fort que des millions de travailleurs détestent les républicains.

Néanmoins, la recherche d’une alternative aux deux grands partis se perçoit dans des sondages qui montrent des niveaux surprenants de soutien à la campagne présidentielle indépendante de Ralph Nader - jusqu’à 8 %. Lors de l’élection de 2000, Nader avait en effet obtenu presque trois millions de voix avec sa campagne protravailleurs, antitrust, l’alternative électorale à gauche la plus importante depuis cinquante ans. Malheureusement, la campagne de Nader cette année à été moins nette et moins clairement à gauche. Mais ce phénomène indique qu’un nombre important d’électeurs pensent mériter mieux que le choix entre deux maux presque indissociables l’un de l’autre.

Comme l’a exprimé le journaliste de gauche Steve Perry, "Ce qui est étonnant [concernant l’élection de 2004, ndlr] n’est pas qu’un président profondément irresponsable ait la possibilité de se faire réélire. Ce qui est étonnant, c’est que face à un monde politique et aux médias qui ont rarement inquiété Bush, des millions des gens ont quand même compris ce qu’il représente".

La chose la plus importante dans cette année électorale sera le développement de luttes politiques qui peut mettre sous pression tous les politiciens de Washington. L’apparition rapide d’un nouveau mouvement pour des droits civiques autour de la question des mariages homosexuels donne un exemple du potentiel ; celui pour le droit à l’avortement également. Et plus l’occupation de l’Irak deviendra impopulaire, plus nombreux seront ceux qui se joindront aux actions de protestation du mouvement antiguerre. Ils seront vite confrontés à la nécessité de continuer à organiser l’opposition, quel que soit celui des deux candidats pro-occupation qui gagnera en novembre.

Ce sont ces luttes d’en bas qui offrent le véritable espoir de construire une alternative face au projets soutenus par les républicains aussi bien que par les démocrates.

De Chicago, Ahmed Shawki