Accueil > Notre dossier de l’heure > NON à la guerre de l’empire ! > La signification de l’arrestation de Saddam

La signification de l’arrestation de Saddam

dimanche 21 décembre 2003, par James Petras

Les mass media les plus importants des États-Unis et de l’Europe ont repris les célébrations de la Maison Blanche entourant l’arrestation de Saddam Hussein. Il est à prévoir que les masses occidentales soutiendront cette "victoire" - comme la perspective d’une fin rapide et victorieuse de la guerre coloniale. En Irak, néanmoins, la colère monte dans tout le pays à mesure que les États-Unis et les troupes à son service multiplient leurs violations de milliers de demeures, le minage de maisons de "terroristes supposés" comme forme de punition collective et les descentes indiscriminées contre des centaines de jeunes dans des incursions nocturnes. Les arrestations arbitraires et injustes, la destruction de maisons, la construction de murs de fils barbelés autour de hameaux et l’assassinat quotidien d’enfants et de civils sont des préoccupations beaucoup plus importantes pour le peuple irakien que l’arrestation de Saddam Hussein. Pour Washington, faire un procès à Saddam pour violation des droits humains est un jeu très dangereux, car des crimes de la même nature que ceux dont il est accusé sont perpétrés par l’administration coloniale anglo-étatsunienne.

L’arrestation de Saddam Hussein, à l’inverse de ce qu’affirment les mass médias étatsuniens, ne porte pas un coup à la résistance populaire mais il constitue un important revers à la crédibilité des motifs de l’occupation coloniale (de même que l’échec à découvrir des armes de destruction massive a détruit le prétexte impérialiste de la guerre). Tous les arguments pour l’occupation et la violente répression étatsunienne de millions d’IrakienNEs tournaient autour de la menace du "retour de Saddam Hussein." On nous avait dit qu’il avait "volé des millions de dollars" et qu’il "finançait un réseau de terroristes baasistes et d’ex-spécialistes militaires" pour attaquer les forces de "libération étatsuniennes."

La découverte de Saddam dans une hutte d’un hameau, enterré dans un trou de 3 mètres sans moyens de communication et sans installation sanitaire élémentaire, a montré un fugitif qui se cache pour assurer sa survie individuelle, et non la main secrète qui dirige un mouvement de résistance d’envergure nationale.

Son arrestation est le résultat du geste d’un délateur et il n’a pas été le résultat des capacités d’enquête des soldats étatsuniens qui le traquaient ni des conseillers du Mossad. Il n’y a pas eu d’offensive générale lancée par ses fidèles suite à son arrestation - seulement les douzaines d’attaques "habituelles" et deux bombardements importants de la résistance islamique. Le caractère limité des fonds retrouvés aux mains de Saddam démontre le mensonge affirmant que les actions de la résistance étaient financées et dirigées par l’ex-président. En bref, l’arrestation de Hussein et son état physique indiquent clairement qu’il ne jouait virtuellement aucun rôle de direction et qu’il n’était qu’un symbole pour certains secteurs du Parti baassiste, qui a leur tour, ne sont qu’une petite minorité dans la résistance.

Il y a beaucoup de raisons de penser que l’arrestation de Saddam renforcera la résistance à l’occupation étatsunienne. Parce qu’en premier lieu, les États-Unis restent le seul et principal ennemi pour beaucoup d’Irakiens, unissant les nationalistes laïques, les islamistes, la gauche et les autres qui ont pu avoir des divergences d’opinion sur la direction de Saddam dans le passé. Deuxièmement, la découverte d’un Saddam "isolé" renforce l’hypothèse que la résistance est un mouvement décentralisé, libre de développer ses propres initiatives, sans contrôle d’un centre. En troisième lieu, la pauvreté entourant Saddam suggère que "l’appareil baassiste" n’a pas été opérationnel et a été incapable d’assurer une sécurité à l’ex-dictateur. En quatrième lieu, l’isolement de Saddam souligne le fait que la résistance nationale actuelle n’est pas un mouvement "restaurationniste" mais un mouvement de rénovation de la souveraineté nationale et qu’elle vise à établir un système électoral viable de façon indépendante des dirigeants choisis par l’empire.

Que se passera-t-il vraisemblablement si Saddam est jugé ? Il pourra présenter des preuves certaines de ses rapports durables et intimes avec le gouvernement des États Unis jusqu’à la première guerre du Golfe. Il pourrait citer comme témoins principaux Bush père, Rumsfeld, Baker et les dirigeants israéliens des années 80. Il pourrait fournir des détails additionnels et démontrer l’absence d’armes de destruction massive, plantant de nouveau le clou dans la litanies des mensonges de Washington et d’Israël pour justifier la guerre. Mais Saddam souffrira peut-être d’une maladie imprévue et fatale durant son interrogatoire et son emprisonnement et il ne sera peut-être pas capable de fournir des preuves qui pourraient nuire aux aspirations présidentielles de Bush.

Le plus probable c’est que la logique de la résistance anticoloniale polarisera encore plus la société irakienne, c’est un grand danger pour les États-Unis. A mesure que la résistance se renforcera, ses attaques contre les collaborateurs locaux, et spécialement contre la police, se seront moins l’oeuvre de "volontaires" et plus par l’infiltration de militants de la résistance, par l’infiltration d’agents doubles dans les forces de sécurité. La riposte en dehors de l’Irak sera aussi révélatrice d’une plus grande polarisation. (...)

L’arrestation de Saddam et la montée de la résistance anticoloniale augmente la probabilité qu’un candidat démocrate à la présidence prétende que le but de l’intervention était la capture de Saddam et que c’est le moment de convoquer des élections au plus tôt et de retirer les troupes. Il est probable que cela toucherait de larges secteurs de l’électorat sensibles aux coûts politiques et économiques croissant de l’invasion, à la corruption et aux vols des contractants de guerre.

Il est typique des mass médias américains de faire une propagande exagérée sur les "victoires", comme celle de l’arrestation de Saddam, durant quelques jours, pour monopoliser l’attention du public et stimuler une euphorie artificielle, et après, quand la réalité reprend ses droits ; la réalité de la longue lutte des Irakiens pour leur libération nationale et la réalité de l’allongement de la liste des soldats des États-Unis morts ou blessés. L’opinion publique américaine cherchera alors un coupable à accuser et à dénoncer.

(Traduction La Gauche)
(Extraits)