Introduction
1. Les espoirs que l’on avait fondés à Doha quant à la fixation par la 4e Conférence ministérielle de l’OMC de l’ordre du jour d’un véritable cycle de négociations concernant le développement, sont en train de s’envoler. En effet, l’une après l’autre, les dates limites ne sont pas respectées, tandis que l’on assiste à un ralentissement de la croissance économique mondiale. Et, pendant ce temps, l’incidence que l’accession de la Chine à l’OMC exerce sur d’autres pays en développement en termes de pression constante pour réduire les normes fondamentales du travail[1] et, trop souvent, pour accentuer la misère et l’exploitation (particulièrement des travailleuses) généralement dans les zones franches d’exportation, continue de s’aggraver. Les droits à la sécurité alimentaire et à des soins de santé adéquats dans les pays en développement sont loin, et c’est peu dire, d’être assurés, en particulier pour les personnes les plus démunies du monde et, une fois encore, ce sont les femmes qui en sont les plus affectées.
2. Si l’on veut que les négociations actuelles à l’OMC aboutissent à un résultat qui puisse être profitable aux travailleurs et travailleuses, en particulier dans les pays en développement, les promesses non tenues, faites à Doha, doivent être résolues et les préoccupations des pays en développement doivent être traitées en priorité avant que l’on ne passe à la discussion du reste de l’ordre du jour de Doha. Les membres de l’OMC doivent reconnaître que le commerce n’est qu’un des éléments des trois piliers du développement durable ratifiés lors du Sommet mondial du développement durable en 2002. La réduction de la dette, la démocratie, la protection de la pauvreté, l’éradication de la pauvreté et un emploi décent (dont le respect des droits fondamentaux des travailleurs) doivent être simultanément réalisés dans le cadre d’un ordre du jour plus vaste, à large portée, pour parvenir au développement et à des conditions de vie plus élevées pour chacun et chacune, conformément aux objectifs inscrits dans le préambule de l’Accord de l’OMC. D’autre part, les accords de l’OMC ne doivent pas saper les droits des gouvernements démocratiques à mener leurs propres politiques en matière d’éducation, de bien-être social et d’investissements public.
Démocratie, transparence, consultation et réforme de l’OMC
3. L’OMC doit être réformée d’urgence et rendue plus transparente et démocratique afin que les déséquilibres du pouvoir qui sont clairement apparus lors des récentes conférences ministérielles de l’OMC soient corrigés et que l’on établisse une cohérence avec les objectifs convenus par le biais du système des NU, tels que consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et dans d’autres instruments convenus à l’échelon multilatéral, tels que la Déclaration de l’OIT relatives aux principes et droits fondamentaux au travail. Le poids des NU et de ses institutions spécialisées, dont l’OIT, doit être renforcé par rapport à celui de l’OMC. Une coordination et un lien plus étroit entre l’OMC et d’autres institutions internationales, dont l’OIT, avec un statut réciproque d’observateur, doivent être établis avant ou lors de la 5e Conférence ministérielle de l’OMC.
4. Les négociations à l’OMC doivent progresser en prenant dûment en compte les capacités de gestion des pays plus petits et plus pauvres et les membres de l’OMC appartenant au monde en développement doivent renforcer leur coopération et coordination. Une transparence accrue ainsi qu’une aide financière plus importante sont nécessaires pour assurer que tous les membres de l’OMC (en particulier les moins développés) puissent prendre pleinement part aux négociations en cours, ainsi qu’à toutes les activités et procédures de l’OMC. Des engagements formels à fournir une telle assistance, doivent être pris au plus tard lors de la 5e Conférence ministérielle de l’OMC. Les processus de négociation interne de l’OMC doivent être justes, transparents et prévisibles afin d’assurer la participation effective de tous ses membres.
5. L’OMC doit également s’ouvrir à la participation extérieure et aux questions sociales pertinentes. Une assemblée parlementaire de l’OMC est nécessaire pour assurer des contacts directs avec les représentants élus. Un processus consultatif formel doit être établi pour assurer que syndicats, organisations non gouvernementales et autres éléments représentatifs de la société civile puissent présenter leurs points de vue aux comités de l’OMC et discuter de questions d’intérêt mutuel avec les ministres du commerce et avec le conseil général de l’OMC, ainsi qu’à l’échelon national. Les préoccupations environnementales et sociales doivent être pleinement incluses dans tous les mécanismes et structures de l’OMC et la portée du mécanisme d’examen des politiques commerciales doit être élargi de manière à inclure les préoccupations environnementales, sexospécifiques et sociales pertinentes, et notamment le droit de chacun(e) à la sécurité alimentaire et au respect des normes fondamentales du travail avec la pleine participation de l’OIT. les membres de l’OMC devraient déjà commencer à inclure ce type de préoccupations dans les rapports qu’ils présentent aux réunions du mécanisme d’examen des politiques commerciales de l’OMC.
6. En raison de son pouvoir sans précédent, la procédure de règlement des différends doit être ouverte à l’information et à la participation publique. Dans les cas pertinents, tels que ceux relatifs aux incidences en matière de santé, de travail et d’environnement, l’OMC doit associer les institutions onusiennes compétentes dans les domaines en question. Les syndicats et d’autres groupes de la société civile concernés par tout processus de règlement des différends doivent pouvoir participer directement aux procédures, et avoir le droit de soumettre des dossiers à titre d’amicus curiae. Les experts qui jugent tout cas de différend ne doivent pas seulement être des spécialistes en commerce mais doivent également inclure des personnes qui ont des références diverses, représentant les organisations de travailleurs, les organisations environnementales et de développement. Il serait nécessaire que l’opinion publique soit rapidement informée des résultats et conclusions des procédures de règlement des différends.
Faire progresser les priorités en matière de développement
7. Le non-respect des dates butoirs fixées à Doha compromettent la crédibilité du système commercial multilatéral. Un effort majeur pour stimuler le développement durable des pays en développement est nécessaire dans chaque domaine du système multilatéral, notamment une réduction nettement plus importante de la dette, une augmentation substantielle de l’aide au développement (notamment l’assistance technique et le développement des aptitudes en matière de commerce), et une réforme fondamentale des politiques d’ajustement économique du FMI et de la Banque mondiale.
8. Au cours des négociations de l’OMC, il est nécessaire d’aboutir d’urgence à un accord sur toute une série de questions pour lesquelles les pays en développement réclament une action, à savoir :
· Une décision dans le cadre des discussions des ADPIC pour définir les problèmes de santé d’une manière suffisamment large pour que tous les pays en développement puissent accéder à des traitements médicaux à bas coût, en cas de problèmes de santé. ;
· Des décisions concernant un traitement spécial et différencié pour permettre aux pays en développement d’obtenir une plus grande flexibilité dans leur mise en œuvre et interprétation des différents accords de l’OMC, lorsque cela est favorable à leur développement économique et social, de telle sorte que les dates butoirs pour la mise en œuvre du Cycle d’Uruguay soient étendus à tous les pays en développement sur une base multilatérale ;
· L’évaluation des obstacles non tarifaires aux exportations des pays en développement afin d’assurer qu’il y ait des critères raisonnables pour la protection des consommateurs et de l’environnement avec la participation des institutions onusiennes spécialisées ainsi que des syndicats et d’autres groupes de la société civile concernés, et qu’une assistance technique soit fournie pour que les pays en développement puissent parvenir à ce type de normes ;
· La disponibilité d’un financement international pour soutenir une aide en matière d’ajustement de l’emploi, en particulier si des postes de travail sont perdus en raison de la libéralisation du commerce ;
· Des progrès dans les négociations des tarifs industriels afin d’assurer un meilleur accès au marché aux pays en développement (en traitant la question des pics tarifaires et de l’escalade tarifaire dans leurs domaines d’intérêt), en particulier pour les pays les moins avancés et un engagement continu de la part des pays industrialisés à respecter leurs propres critères de mise en œuvre aux termes du Cycle d’Uruguay, parallèlement à une avancée en matière de respect des normes fondamentales du travail, afin que les travailleurs des pays en développement bénéficient d’un meilleur accès au marché.
Faire avancer les droits des travailleurs et travailleuses à l’OMC
9. La protection des droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses contre des gouvernements ou entreprises sans scrupules qui cherchent à tirer du commerce international un avantage indu en violant les normes fondamentales du travail, est une absolue priorité. En outre, le respect des normes fondamentales du travail est essentiel pour parvenir à un développement économique durale, équitable et démocratique.
10. Avant ou pendant la 5e Conférence ministérielle de Cancún, les mesures suivantes devront par conséquent être prises :
· Tous les membres de l’OMC doivent renouveler et démontrer leur engagement à soutenir les normes fondamentales du travail ;
· Une réunion des ministres du commerce et du travail doit être organisée pour la première fois, avec la participation des syndicats et des organisations d’employeurs ;
· Les membres de l’OMC doivent reconnaître que les traités des Nations unies priment sur les règles commerciales et doivent par conséquent mettre à jour les accords de l’OMC (dont l’Article XX du GATT et l’Article XIV de l’AGCS), de manière à incorporer les normes en matière de droits humains, et notamment les normes fondamentales du travail ;
· Pour permettre un examen complet de la relation entre commerce, emploi et normes fondamentales du travail, l’OMC avec l’entière et égale participation de l’OIT doit établir une structure formelle pour traiter des questions du commerce et des normes fondamentales du travail. Un tel organisme doit également traiter des questions sociales plus larges, liées au commerce, comme l’incidence des politiques commerciales sur les femmes et l’octroi d’une aide d’ajustement pour les travailleurs déplacés en raison des activités commerciales. Il est clair que de telles discussions ne doivent pas aboutir à une discrimination arbitraire ou injustifiée ;
· Comme indiqué au paragraphe 5 ci-dessus, les normes fondamentales du travail doivent être incluses dans les examens des politiques commerciales de l’OMC ;
· Il est nécessaire de convenir que le conseil général de l’OMC octroie une attention sérieuse aux recommandations, une fois publiées, de la Commission mondiale de l’OIT sur la dimension sociale de la mondialisation ;
· À des fins de clarification, une déclaration est nécessaire afin de reconnaître que l’affaiblissement des normes fondamentales du travail reconnues à l’échelon international dans le but d’augmenter les exportations, comme c’est le cas dans les zones franches d’exportation (ZFE), constitue une incitation illégitime à l’exportation, qui fausse les échanges commerciaux, et qui n’est pas autorisée aux termes des règles de l’OMC .
Sauvegarder les services
11. Les services publics ainsi que d’autres services d’intérêt général reflètent des objectifs de politique publique démocratiquement déterminés et il est essentiel que ces objectifs ne soient pas ébranlés par une concurrence du secteur privé aux termes des disciplines de l’OMC. Les gouvernements doivent préserver leur pleine responsabilité et obligation dans ce type de services.
12. la Conférence ministérielle de Cancún doit adopter les mesures suivantes :
· en prenant appui sur les déclarations récentes faites par les membres de l’OMC, comme l’Union européenne, la 5e Conférence de l’OMC doit amender les termes de l’accord de l’AGCS afin d’exclure formellement les services publics (et surtout l’éducation, la santé et les services publics essentiels), notamment aux échelons sousnationaux des gouvernements, et les activités du secteur public qui sont socialement profitables, de toutes autres négociations au titre de l’AGCS ;
· Un échéancier et une date limite doivent être fixés pour la réalisation, conformément à l’Article XIX de l’AGCS), d’une évaluation complète du commerce des services, d’une manière générale et sur une base sectorielle, à effectuer à la fin du cycle actuel de négociations ;
· Pour protéger efficacement la capacité des gouvernements à réglementer et mettre en oeuvre des mesures nationales de réglementation, conformément au préambule de l’AGCS, sans qu’elles puissent être remises en question, l’Article VI.4 de l’AGCS doit être supprimé ou révisé et une déclaration explicative doit être adoptée, stipulant que les préoccupations sociales et environnementales priment sur le principe de « libre commerce » et que de tels règlements ne feront pas l’objet de tout « test de nécessité » par le biais du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Les tentatives faites pour limiter les réglementations (même lorsqu’elles sont totalement non discriminatoires) en matière de qualifications, normes techniques et prescriptions en matière de licences, comme discuté dans le groupe de travail de l’AGCS sur la réglementation nationale, constituent une sérieuse menace à la réglementation des gouvernements et il est essentiel que la Conférence ministérielle de Cancún élimine les obstacles non nécessaires, afin que les réglementations gouvernementales ne puissent faire l’objet de toute remise en question potentielle par les négociations de l’AGCS ;
· L’article XXI de l’AGCS doit être amendé de manière à inclure une clause explicite qui permette aux gouvernements de retirer ou de modifier leurs engagements dans le cadre de l’AGCS, afin qu’ils puissent améliorer leurs services publics, sans aucun risque d’une remise en question aux termes des règlements de l’OMC (empêchant ainsi des fournisseurs étrangers de services d’utiliser l’OMC comme instrument pour maintenir l’accès au marché) ;
· L’Article I.3 (b) de l’AGCS sera clarifié pour établir de manière totalement explicite que « l’exercice du pouvoir gouvernemental » permet, sans risques d’une remise en question juridique, aux membres de l’OMC d’exclure la concurrence des services publics et des services d’intérêt général ;
· en ce qui concerne le "Mode 3" de l’AGCS sur la « présence commerciale » (par exemple investissement), les négociations et engagements dans le cadre de l’AGCS incorporent les éléments indiqués dans la section ci-dessous sur l’investissement ;
· en ce qui concerne le "Mode 4" (à savoir le mouvement temporaire transfrontières de personnes physiques), les négociations et engagements dans le cadre de l’AGCS assureront : le respect des normes fondamentales du travail et de la législation nationale du travail (en incorporant ces normes) et le respect par toutes les parties des conventions collectives existantes en regard de tous les travailleurs concernés ; la protection de la main-d’oeuvre migrante contre toutes formes de discrimination et la remise de leurs contributions au système de sécurité sociale et d’assurance ; et la pleine participation de l’OIT ;
· Dans les médias, les négociations et engagements dans le cadre de l’AGCS ne doivent pas mettre en péril les mesures nationales prises pour protéger la diversité culturelle et l’identité culturelle des pays membres de l’OMC ;
· Les réglementations souhaitables, nécessaires pour assurer la disponibilité continue de services de commerce de détail de qualité et pour soutenir les plus petites entreprises qui seraient incapables d’entrer en concurrence avec les grandes entreprises dans un environnement déréglementé, ne doivent pas être démantelées par le biais des négociations de l’AGCS ;
· Les négociations dans les secteurs tels que les postes et télécommunications ne doivent pas mettre en péril la fourniture de services universels à des prix uniformes et raisonnables ;
· La Conférence ministérielle de Cancún prendra une décision pour mettre fin aux conditions de « secret » dans le cadre desquelles les négociations de l’AGCS se sont déroulées, en publiant les détails des « demandes d’accès » et « d’offres » en cours de négociation.
Investissement à l’OMC
13. à l’ordre du jour de Cancún figurent des discussions qui, espèrent certains gouvernements, aboutiront à l’ouverture de négociations à l’OMC pour créer un cadre multilatéral sur l’investissement. Le statu quo concernant l’investissement étranger direct (IED) est un obstacle au développement durable. Un régime international est en train d’émerger, fondé sur des accords d’investissement bilatéraux et régionaux qui favorisent de manière disproportionnée les investisseurs, établissant fermement leurs droits sans aucun mécanisme contraignant qui fasse contrepoids et régisse leurs responsabilités. Dans l’entre-temps, la déréglementation économique nationale et la libéralisation a entraîné une croissance explosive des zones franches d’exportation qui exempte les investisseurs étrangers du respect de la protection des droits des travailleurs et de l’environnement et qui offre souvent des occasions d’échapper à la fiscalité ou encore créent des échappatoires au règlement. Les règles en matière d’investissement multilatéral peuvent en principe aider les gouvernements à éviter de s’engager dans une concurrence destructrice pour attirer un IED peu abondant.
14. Le mouvement syndical international reconnaît par conséquent la nécessité de règles multilatérales en matière d’investissement, qui gouvernent non seulement l’investissement étranger direct mais qui encouragent en outre et ne sapent pas le développement durable, des règles qui s’accompagnent de la mise en œuvre des révisions des statuts du FMI, de manière à apporter ordre et stabilité sur les marchés internationaux de capitaux et dans les flux de capitaux à court terme. De telles règles en matière d’investissement doivent s’articuler autour de la promotion et de la protection des politiques sociales, via des obligations contraignantes et applicables pour les investisseurs, couvrant les normes fondamentales du travail et le respect des dispositions incluses dans la Déclaration tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale et dans les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, ainsi que les normes environnementales et les engagements à ne pas abaisser les normes nationales du travail ou à enfreindre les normes fondamentales du travail afin d’attirer des investissements. Tout système multilatéral d’investissement doit être compatible avec le droit des gouvernements à réglementer dans tous les domaines d’intérêt public, dont l’investissement, et doit respecter la valeur des services publics et la propriété de l’Etat. Les gouvernements doivent disposer d’une liberté d’action pour mettre en œuvre les stratégies légitimes de développement économique fondées sur les besoins nationaux, en particulier pour promouvoir l’emploi décent et des communautés fortes, afin qu’elles puissent soutenir les industries et l’investissement à l’échelon national et encourager l’émergence de nouvelles et jeunes industries. Les accords d’investissement doivent exclure les clauses sur l’expropriation ou les dispositions du Traitement national (pré- ou post-établies) qui limitent la possibilité de poursuivre des stratégies de développement social et économique aux échelons local, régional et national, en particulier les priorités sociales. Les différends seront résolus uniquement par le biais de procédures transparentes de gouvernement à gouvernement, encourageant la participation pleine et active des partenaires sociaux et des groupes plus larges de la société civile.
15. Si l’on s’en réfère à ces critères, les propositions actuelles faites à l’OMC sont loin d’y répondre. Le mouvement syndical international réexaminera sa position si de nouvelles propositions émergent en faveur de notre vision d’un système multilatéral d’investissement. Néanmoins, telle que la situation se présente, nous ne pouvons soutenir les ministres du commerce à Cancún, en leur donnant le feu vert pour le lancement de négociations sur l’investissement à l’OMC.
Politique en matière de commerce et de concurrence
16. Le mouvement syndical international est extrêmement préoccupé de l’importante augmentation des fusions et acquisitions dans le monde, qui se produisent souvent suivant une définition de flux d’investissement étranger, et qui ont tendance à augmenter encore la concentration du capital à l’échelon global. Une négociation multilatérale pour contrôler les fusions internationales (en se concentrant particulièrement sur la question de l’emploi, des conditions de travail et du respect des normes fondamentales du travail) et pour augmenter le contrôle sur ces fusions serait la bienvenue, de même qu’une réglementation accrue des ententes injustifiables et des pratiques commerciales restrictives des entreprise multinationales (en particulier en ce qui concerne le commerce des produits de base qui se concentre souvent aux mains d’une poignée d’entreprises).
17. Néanmoins, toute négociation à l’OMC sur le commerce et la politique de concurrence doit permettre aux pays en développement de continuer d’appliquer un traitement différencié aux entreprises nationales (à la fois aux monopoles d’Etat et aux entreprises privées) dans la mesure où la part de marché est concernée, et doit permettre aux pays en développement membres de l’OMC de préserver leur capacité de décider s’il faut, ou non, légiférer en matière de politique de concurrence. Toute négociation ne doit pas affecter le droit des gouvernements à réglementer ou limiter la concurrence économique, et ne doit pas inclure de provision pour un mécanisme de règlement des différends Investisseurs-Etat.
18. Compte tenu des considérations susmentionnées, et à la lumière des propositions actuelles, nous ne pensons pas que les discussions en cours sur la politique de concurrence à l’OMC soient sur la bonne voie. S’il y a des arguments en faveur d’une coopération internationale en matière de politique de concurrence et de la nécessité d’empêcher les abus du marché par les entreprises multinationales, on n’a pas recommandé de négocier un accord en matière de politique de concurrence à l’OMC, compte tenu de l’accent qu’elle place sur la libéralisation du commerce.
Transparence en matière de marchés publics
19. Les négociations concernant la transparence en matière de marchés publics ont un rôle positif à jouer dans l’élimination de la corruption. Ces négociations doivent couvrir la protection des travailleuses et travailleurs employés dans le cadre de contrats publics, et notamment la protection de la main-d’oeuvre migrante, sur base de normes internationales pertinentes, telles que les normes fondamentales du travail, ainsi que la Convention N° 94 de l’OIT sur les clauses de travail (Contrats publics), dont l’objectif est d’assurer que des normes acceptables de travail soient respectées en matière de contrats publics..
20. D’autre part, il faut également entamer des négociations doivent commencer pour remédier aux défauts de l’accord existant en matière de marchés publics. Spécifiquement, l’interdiction dans le cadre de l’Accord sur les marchés publics, de l’utilisation de critères non économiques doit être supprimée afin d’autoriser les autorités publiques à inclure les objectifs régionaux et locaux de développement, d’éthique, et les objectifs sociaux dans leurs politiques d’achat. En outre, l’Accord sur les marchés publics doit inclure la référence à l’application des normes du travail quand les travailleurs sont employés aux termes de contrats gouvernementaux. Il faut examiner l’expansion de l’accord sur les marchés publics sur une base multilatérale tant que ces types de problèmes n’auront pas été entièrement traités.
Facilitation du commerce
21. Les objectifs du débat sur la facilitation du commerce concernant la minimisation de procédures douanières non nécessaires et l’accélération du mouvement des marchandises valent la peine d’être soutenus. Par ailleurs, investir dans un équipement moderne en matière de douanes et dans la technologie de l’information sera extrêmement onéreux pour les pays en développement. L’utilisation des procédures de l’OMC qui ne laisseraient d’autre choix que payer ces frais, ou être confrontés à des sanctions pour non-respect serait entièrement inadéquate dans ce domaine. En outre, les principes de l’OMC tels que « les mesures commerciales les moins restrictives » sont inappropriés dans le cadre de la facilitation du commerce, qui est une question liée de manière intrinsèque à la sécurité dans le transit transfrontières des marchandises. Il est nécessaire de veiller à ce que les compétences existantes des institutions spécialisées des Nations unies telles que l’OMI et l’OACI, qui traitent de la facilitation du commerce également dans le cadre de la réglementation de la sécurité, ne soient pas sapées par les négociations de l’OMC.
22. compte tenu de ce qui précède, il serait plus approprié que les mesures de l’OMC encouragent la facilitation du commerce à rester de nature non exécutoire. Une assistance technique à large échelle doit être fournie pour aider les pays en développement à renforcer leurs facilités en matière de commerce plutôt que des négociations qui introduiraient des disciplines de l’OMC dans ce domaine complexe et onéreux. Les discussions devraient au contraire se poursuivre au sein du groupe de travail de l’OMC sur la facilitation du commerce.
Développement durable à l’OMC
23. le développement durable doit être incorporé efficacement dans chaque aspect des activités à l’OMC. Ceci pourrait être facilité en prenant les mesures spécifiques suivantes :
· Un accord sur l’aide à large échelle à octroyer aux pays en développement pour améliorer leurs normes environnementales ;
· Une clarification des négociations sur les accords environnementaux multilatéraux (AEM) afin de parvenir à une clarification convenue selon laquelle les AEM, tels que le Protocole sur la biodiversité, priment sur les règles de l’OMC ;
· La mise en œuvre d’évaluations d’incidences de durabilité à un échelon multilatéral et national, couvrant à la fois la durabilité en matière d’environnement et de développement et les préoccupations sociales, dont les normes fondamentales du travail et l’incidence du commerce sur les femmes ;
· Le renforcement du principe de précaution pour assurer que la santé et la sécurité des consommateurs et des travailleurs ne puissent en aucun cas être menacées par les règles de l’OMC ;
· La réorientation des subventions octroyées aux pêches ayant des effets dommageables vers les domaines qui encouragent des pratiques de pêche durables et responsables, le traitement des aspects sociaux de la restructuration et l’amélioration de conditions de vie et de travail des pêcheurs ;
· Une clarification établissant que les systèmes d’éco-étiquetage, comme la certification forestière, ne doivent pas faire l’objet d’une remise en question à l’OMC.
Agriculture
24. Les niveaux actuels de subventions à l’agriculture dans de nombreux pays industrialisés imposent des frais très élevés, qui privent souvent les agriculteurs les plus pauvres de subventions et qui gonflent, au contraire, les revenus des entreprises agricoles importantes et prospères. En outre, la subvention des exportations agricoles a déprimé artificiellement les prix dans de nombreux pays en développement, entraînant la destruction de fermes, de plantations et d’emplois ruraux.
25. Par conséquent, le mouvement syndical propose :
· L’élimination de toutes formes de subventions agricoles à l’exportation ;
· La réduction et la réorientation d’autres subventions agricoles en faveur d’un développement rural sain par le biais de l’éradication de la pauvreté rurale, l’amélioration des conditions d’emploi et la promotion du bien-être animal et de la durabilité écologique ;
· L’amélioration d’un accès stable et prévisible des pays en développement aux marchés agricoles des pays industrialisés et ;
· De solides droits à un traitement spécial et différencié pour les pays en développement afin qu’ils disposent de la flexibilité nécessaire pour promouvoir la production agricole nationale, en particulier pour la consommation nationale, l’éradication de la pauvreté, la réforme foncière et la sécurité alimentaire et pour prendre d’autres mesures jugées nécessaires pour améliorer les conditions de vie des fermiers, en particulier ceux à bas revenu et n’ayant que très peu de ressources ;
· L’octroi d’une assistance technique aux pays en développement plus faibles, afin de veiller à ce que leur production agricole nationale pour la consommation interne, et les exportations puissent en bénéficier.
Conclusions
La Conférence ministérielle de Cancún aura lieu alors que l’OMC se trouve à un moment critique. De nombreux engagements pris lors du Cycle de négociations de Doha n’ont pas été à ce jour respectés et cet échec a entraîné une crise de confiance entre les pays industrialisés et les pays en développement membres de l’OMC alors que, parallèlement, la crédibilité et la légitimité de l’OMC dans l’opinion publique générale, dont le mouvement syndical, continuent d’être largement mises en question. Le mouvement syndical mondial demande aux membres de l’OMC de prendre des actions décisives à la Conférence ministérielle de Cancún et durant sa période préparatoire, afin de réformer l’OMC de manière à ce qu’elle remplisse ses engagements envers les pays en développement, traite des priorités essentielles sur les plans social et du travail et crée un système commercial mondial équitable qui puisse établir un équilibre entre les forts et les faibles dans le processus de mondialisation, aide à conduire à une expansion du commerce mondial et favorise des conditions de vie meilleures dans les pays en développement et dans les pays industrialisés.
[1] Les normes fondamentales du travail sont des droits humains fondamentaux pour tous les travailleurs, hommes et femmes, quel que soit le développement du pays. Ces normes couvrent la liberté syndicale et le droit de négociation collective ; l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession ; l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ; et l’abolition effective du travail des enfants, y compris dans ses pires formes. Les salaires minimums n’ont jamais fait partie de la proposition de protéger les normes fondamentales du travail à l’OMC.
[1] Cette déclaration a été ratifiée par le groupement « Global Unions » qui inclut les Confédération internationale des syndicats libres (CISL), les Fédérations syndicales internationales (FSI) et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC) ; la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération européenne des syndicats (CES). les Fédérations syndicales internationales comprennent l’UNI, la FITBB, l’UITA, la FIOM, l’ISP, l’IE, la fitthc, la FIJ, l’ITF et l’ICEM
avril 2003