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En réponse au "plan de match pour bloquer l’ADQ" de L’Aut’Journal : L’Union des Forces Progressistes exige une réforme préalable du mode de scrutin
lundi 22 juillet 2002
Dans l’édition de juillet-août 2002 de l’Aut’Journal, l’éditorial de Pierre Dubuc propose un plan de match pour bloquer l’ADQ qui comprend rien de moins qu’une alliance des progressistes avec le PQ. Celle-ci reposerait sur un engagement ferme de réformer le mode de scrutin et libérerait un certain nombre de comtés "prenables" soit pour l’UFP, soit pour des candidatures indépendantes de prestige. Le mouvement syndical et populaire serait alors enclin à appuyer cette alliance et le tout, en plus d’éviter une victoire électorale de l’ADQ, paverait la voie à un référendum gagnant.
Il y a belle lurette que le PQ soigne plutôt sa droite
Le PQ a largement investi le créneau néolibéral, principalement au cours des deux derniers mandats. Ce qui a eu pour effet d’écarter de ses rangs des centaines de progressistes ou encore de les pousser, déçus, à les déserter. Au point même de placer le PLQ dans l’ombre ! Le PQ n’est pas le parti progressiste que certains aimeraient voir. Nous dénonçons d’ailleurs le pseudo-progressisme de ce parti, les tentatives de séduction, les belles paroles des deux côtés de la bouche de ses dirigeants, cherchant à plaire aux capitalistes de New-York et à récupérer du même coup le forum social mondial de Porto-Alegre. Quelques exemples : la politique du déficit zéro et ses conséquences sur la santé, l’éducation, et les services sociaux ; la réforme avortée du code du travail, qui renforce la capacité des employeurs de procéder par sous-traitance ; une politique mièvre sur la question linguistique, particulièrement le français langue de travail ; l’accord de M. Landry pour l’avènement du dollars US ; le libre échangisme tout azimut qui rend le PQ particulièrement aplaventriste devant la ZLÉA (un observatoire pour faire bonne figure, ça ne leurre personne) ; une politique fiscale conservatrice qui évite de discuter de l’essentiel : le très faible fardeau fiscal des entreprises, etc.
Le PQ est le premier responsable de sa baisse de popularité et du fait qu’il s’est usé comme vieux parti. Il a trahi son propre programme, qui a porté l’espoir d’un peuple et il lui a tourné le dos une fois au pouvoir. Jamais n’a-t-on vu depuis Duplessis un parti renier autant sa propre base, (les petites gens, le préjugé favorable aux travailleurs disait-on, les régions, etc.) et mépriser autant ceux qui avaient mis tant d’espoir entre ses mains. Le PQ a largement contribué à dégoûter les gens de la politique. Non, le PQ ne peut pas faire partie de la solution.
Plutôt que nous allier au PQ, il faut continuer plus que jamais, à la veille des élections, de le démasquer et d’accentuer la rupture avec celui-ci.
L’opération charme prévue à l’automne pourrait bien plutôt renforcer le néolibéralisme du PQ
L’opération de maquillage "progressiste" que veut lancer le PM Landry à l’automne via les consultations sur la réforme du mode de scrutin, le projet de loi anti-pauvreté et le renouvellement de la plate-forme du PQ, etc., pourrait bien être compromise par la crise interne dans ce parti et la montée d’un courant franchement néolibéral autour de Facal, Legault, Boisclair - des jeunes ! Ou encore si jamais un nouvel emballage progressiste est imposé par la vieille garde qui tient - tant par nostalgie que par calcul interne et électoral - à conserver la réthorique social-démocrate (Landry, Marois etc.), celui-ci sera marqué d’une division au sein du parti et il ne sera pas perçu comme crédible par la population. Après deux mandats consécutifs au pouvoir, il est incontournable que la population va juger ce parti à ses actions durant ces deux mandats plutôt que sur ses promesses à la veille des élections. L’éminence de la défaite électorale ne fera qu’attiser les tensions au PQ. Si une défaite de l’aile ouvertement néolibérale n’est pas impossible, et que des défections de ténors de ce courant s’en suivent, repositionnant alors différemment le PQ, il nous semble plutôt probable que le courant néolibéral majoritaire soit plutôt tenté, au gré des "vents dominants", de faire alliance avec l’ADQ, bien davantage qu’avec les progressistes de l’UFP.
Or, nous interprétons en bonne partie cette attirance de l’électorat pour l’ADQ par un "raz-le-bol" envers le tandem PQ-PLQ imposé par la logique de notre mode de scrutin. La population veut quelque chose d’autre, un autre paradigme quel qu’il soit, du moins dans un premier temps. N’allons pas nous allier au PQ, nous pourrions perdre notre propre crédibilité. Nous avons ce "quelque chose d’autre" à offrir et le défi des progressistes est d’en faire la démonstration sur le terrain comme le dirait notre camarade Paul Cliche.
On demande encore aux progressistes de "ne pas diviser le vote"
Ce sont les libéraux et le PQ qui ont pavé la voie à l’ADQ. Le bipartisme est une créature de notre mode de scrutin injuste et déficient. Il faut rompre non seulement avec ces partis, mais aussi avec ce mode de scrutin en refusant de jouer le jeu qui consiste à considérer son vote perdu si on ne gagne pas ses élections. Il faut éduquer les gens à voter aussi pour leurs convictions.
Cette notion de "diviser le vote" ou "vote utile" est indissociablement liée aux comportements électoraux induit par le mode de scrutin actuel. Voter "pour le moins pire" , a reculons, en se bouchant le nez signifie que l’électorat ne dispose pas d’un véritable choix. Or depuis sa fondation, le PQ promet de réformer le mode de scrutin. Ce qu’il n’a pas fait et ce malgré ses engagements et les milles signaux envoyés par la société civile. Que la direction péquiste cesse de plaider sa propre turpitude et assume. Ils seront d’ailleurs les prochaines victimes, sur le plan de la députation, de l’effet de distorsion de ce mode de scrutin.
C’est certes très dur de voir s’effondrer un parti dans lequel on a tant investi à la faveur d’une déconfiture électorale. Pour les militantes et militants de la base, c’est sans doute l’amertume et la déception. D’où l’acharnement de la direction péquiste à tenter de nous faire porter, en bouc-émissaires, le chapeau...la gauche qui divise le vote souverainiste et progressiste. C’est la faute de la gauche, etc.
Leur tentative de "culpabiliser" la gauche, en invoquant l’argument de la division, est dérisoire. Le résultat des dernières partielles démontrent que le PQ est tout a fait capable de perdre seul les élections aux mains de l’ADQ même lorsqu’il n’y a pas de candidature progressiste...
Il y a quelque chose de profondément antidémocratique dans le discours de la direction péquiste qui semble refuser, à la gauche, sa légitimité d’exister. On divise... Il faut prendre acte que la société québécoise est une société pluraliste et qu’il est plus que temps que la gauche s’assume sur le terrain politique. On n’a pas a demander la permission pour exister...à moins qu’on veuille nous ramener au duplessisme, à l’ère des frileux consensus tricotés par les élites conservatrices ou modernes.
Par ailleurs, même le plus fidèle électorat péquiste, voire son propre membership, développe certains réflexes protestataires comme en témoignent par exemple les résultats de la dernière partielle dans Joliette : 829 bulletins rejetés. Un nombre très élevé comparativement aux autres circonscriptions en élection le même jour. Explication : vote protestataire de militants péquistes déçus par le sort fait à M. Chevrette par le premier ministre.
En fait, techniquement parlant, on peut penser qu’une bonne partie du vote progressiste se recrutera au sein d’un électorat qui, dégoûté de la politique traditionnelle, développerait un réflexe abstentionniste. La machine péquiste est de plus en plus incapable de mobiliser. Et pour cause.
Les progressistes doivent compter sur leurs propres bases
Le mirage porté par l’ADQ pourrait se dissiper si nous alertons la population à son programme et si la gauche est sérieuse, crédible et visible. L’UFP doit s’efforcer d’être le meilleur critique du programme adéquiste. La direction péquiste, sera soit du même discours de droite, soit trop divisée pour le faire jusqu’au bout.
C’est en s’appuyant sur la jeunesse et ses premières expériences politiques extra-électorales dans le mouvement anti-mondialisation, que l’UFP consolidera ses premières bases. Les adhérents à l’UFP signent un formulaire par lequel ils et elles affirment être en rupture avec le néolibéralisme du PQ, du PLQ et de l’ADQ. C’est sur la base de cette rupture et de ce qu’elle porte en elle d’alternatives que l’UFP trouve sa raison d’être.
Enfin, la mise en oeuvre de la proposition de Pierre Dubuc (partage archi inégal des circonscriptions) présuppose : - des tractations d’états-majors au détriment du choix des membres au sein des circonscriptions ; - que l’électorat péquiste ainsi que le modeste électorat progressiste potentiel suive les consignes de vote de ces états-majors. Rien n’est moins sûr...Les gens n’aiment pas trop ces petits "deals" politicards.
Rappelons-nous les votes de protestation évoqués plus haut, rappelons-nous même les candidatures indépendantes ou libérales qui sont surgies des rangs péquistes ou bloquistes (ce qui revient au même) en réaction aux décisions imposées par le sommet à la base sur le choix des candidats par exemple. L’UFP aspire à faire autrement la politique et à le faire maintenant dans ses pratiques démocratiques. Les beaux discours ne leurrent plus les gens, nos actions doivent traduire nos valeurs et nos principes, autrement nous faisons du vent comme les autres partis. Nous rejetons cette conception "presse-bouton depuis le sommet" de la politique. Ce serait un beau début de carrière pour l’UFP ! Cela veut dire pour les progressistes qu’il n’y aura pas de raccourci vers le pouvoir électoral. Que le pouvoir, ce n’est pas seulement être à l’Assemblée nationale à tout prix. Que le pouvoir, ce n’est pas un but en soi mais c’est pour en faire quelque chose, quelque chose qui doit être visible maintenant dans la pratique du parti, qui est un avant-goût de ce qu’on veut faire à l’échelle de la société.
Non plus "souveraineté d’abord, démocratie ensuite" mais bien "démocratie d’abord".
En conclusion, nous pourrions faire une contre-proposition à celle de M. Pierre Dubuc. Une seule. Il reste 15 mois de gouvernement péquiste avant la fin légale de son mandat. C’est court. Très court. Mais il n’est pas irrémédiablement trop tard. C’est encore possible de réformer le mode de scrutin en faveur d’une proportionnelle. Que le PQ nous arrive avec cette réforme comme une nouvelle promesse électorale, encore une fois, est à la limite une insulte à l’intelligence de la population. Le gouvernement péquiste devrait avoir le courage de poursuivre la voie tracée par le fondateur du PQ, René Lévesque. Cette réforme ne serait pas un cadeau fait à la population avant de repartir pour l’opposition. Elle est une promesse maintes fois faite, puis écartée depuis 30 ans. Le plus choquant de ces épisodes fut en 1983 alors que plus de 200 mémoires en Commission parlementaire avaient conduit à la rédaction d’un projet de loi que le caucus péquiste à refusé de présenter à l’Assemblée nationale. On revient aujourd’hui nous agiter cette réforme comme une nouvelle promesse ! Et on pense que la population n’a pas de mémoire, qu’elle se laissera berner à nouveau ! Nous l’avons dit, la population va juger le PQ sur ses réalisations des deux derniers mandats et non sur ses promesses. C’est une loi fondamentale de la politique. Mais si le gouvernement agissait avant la fin du présent mandat, la gauche unie pourrait enfin, lors des prochaines élections, être modestement représentée à l’Assemblée Nationale et la démocratie s’en porterait mieux. Même le PQ y gagnerait : l’effet de sa prochaine déconfiture électorale sur l’ampleur de sa députation serait en partie contré.
Pierre Dostie V-P porte-parole, Molly Alexander, V-P porte-parole, pour Le Conseil exécutif de l’Union des forces progressistes Le 22 juillet 2002