La politique menée depuis un an par Lula est loin de satisfaire l’ensemble de son parti. Des militants des courants de gauche du PT se sont réunis pour proposer des alternatives à la politique menée par le gouvernement brésilien.
Mercredi 21 avril, des syndicalistes de différents secteurs de la Centrale unique des travailleurs (CUT, une des principales centrales syndicales brésilienne, très combative) et de militants de la gauche du Parti des travailleurs (PT) ont organisé un séminaire dont les thèmes étaient le bilan de la situation du PT et les alternatives à la politique du gouvernement. Ils font partie de l’avant-garde du mouvement ouvrier brésilien.
Le séminaire a été initié par quelques dirigeants syndicaux (Jorginho et Bernadete, membres de l’exécutif de la CUT, et Waldemar Rossi, membre de la Pastorale ouvrière de l’Eglise catholique), qui ont invité, pour une discussion informelle, des militants de plusieurs courants de la gauche du PT, sans demander l’accord officiel des directions de ces courants. Il est apparu nécessaire à ces militants d’aller de l’avant dans les combats contre la direction du PT et le gouvernement Lula, sentiment qui s’est amplifié après la réunion de la direction nationale du PT la semaine précédente. Face aux critiques du gouvernement Lula, et surtout de sa politique économique, le document présenté par le "camp majoritaire" du PT et adopté dans une des dernières réunion de la direction du PT (contre les voix de la gauche) se concluait par la position de la "défense ostensible" du gouvernement Lula, en particulier de sa politique économique.
Cela signifie que non seulement le parti ratifie la politique néolibérale du gouvernement Lula, mais qu’il l’engage à accomplir des réformes antisociales dans d’autres secteurs non encore touchés : l’université, le monde du travail, à partir de la modification d’abord des lois syndicales, puis du code du travail...
Opposés à la collaboration de classe
Ce séminaire naît ainsi d’un ras-le-bol des années de glissements politiques dont l’aboutissement arrive au moment où le parti se prépare, une fois de plus, aux élections municipales.
Les exposés ont abordé les problèmes à surmonter dans le parti et devant la classe ouvrière, et la politique de collaboration de classe du gouvernement. Entre autres, ont pris la parole João Machado, dirigeant de Démocratie socialiste (courant de la IVe Internationale dans le PT), Gilberto Maringoni, journaliste et militant du courant Articulation de gauche, et Plinio de Arruda Sampaio Jr, l’un des animateurs du journal Bresil de fato (organe des secteurs de la gauche, dont le Mouvement des sans-terre) et militant du PT. Ce dernier a proposé la constitution d’un espace de débats destiné à la base du parti, ouvert aux secteurs critiques du PT et à tous ceux qui en sont déjà parti. Cet espace serait organisé autour des Noyaux de réflexion, d’Action socialiste et d’un site Internet. Il ressemblerait tous ceux qui se positionnent pour une "claire option socialiste, pour les luttes contre le capital, pour les paysans, contre les inégalités de genres, pour les droits des Indiens, contre la domination impérialiste [...]".
Cent vingt personnes ont participé aux débats ; elles venaient de plusieurs villes de l’Etat de São Paulo. Une majorité de dirigeants syndicaux, de militants expérimentés qui ont participé de la création du PT et de la CUT, avec émotion, d’une voix amère, constataient le degré de déformation du parti et de la majorité de la direction de la CUT.
Transformer le système ou le gérer
D’autres participants issus du mouvement des étudiants, des dirigeants des tendances de gauche du PT, des professeurs universitaires, etc. étaient unanimes sur les déformations créées par des années de politique gestionnaire du PT. Ils se retrouvaient autour de constats communs : depuis les années 1990, le parti fait systématiquement de meilleurs scores aux élections municipales que lors des autres scrutins. Dans quelques cas - dont Porto Alegre - il a pu développer une expérience de transformations importantes dans les formes de gestions, dans la participation populaire et a même établi un lien très important avec les luttes antilibérales à travers le monde, par le biais des Forums sociaux mondiaux. Mais dans d’autres cas, il s’est limité "à gérer des villes, sans questionner une seule fois le système".
La proposition du départ immédiat du gouvernement des militants de la gauche du parti, posée d’abord par João Machado, a été reprise par de nombreux militants. L’organisation d’une conférence dans le PT à la fin de l’année, pour faire le bilan de la politique du gouvernement et de la situation du PT lui-même, a été proposée comme un des axes de la tactique de ce rassemblement. Il y a aussi eu la proposition des luttes communes avec les militants de la gauche sociale en général, dont ceux qui agissent au sein du mouvement pour un nouveau parti, formé à partir des militants exclus du PT (parmi eux, la camarade de DS, Heloisa Helena). Une des luttes proposées est le rejet de la proposition de "réforme syndicale", présentée à partir d’un accord entre le gouvernement, des représentants patronaux et la majorité de la direction de la CUT.
Unité de la gauche du PT
Les militants des tendances de gauche du PT - Démocratie socialiste, Articulation de gauche, Mouvement d’unité socialiste, Forum socialiste - ont partagé la même analyse, heureux de pouvoir se rencontrer pour une nouvelle lutte, devant une immense tâche. Les participants ont signalé l’importance d’une autre initiative récente, le séminaire "Nous voulons un autre Brésil", organisé au mois de mars à l’initiative d’un groupe de députés du PT.
Le séminaire était uniquement à l’initiative des militants et des dirigeants des tendances de gauche du PT, mais sans l’accord de l’ensemble de ses directions. Il ne constituait donc pas un espace de décisions mais d’échanges et de présentation de propositions. Les majorités des directions de ces tendances, bien que présentant des positions en divergence avec celles du gouvernement et de la direction du PT sur plusieurs questions (par exemple, sur la politique économique), ne sont pas d’accord, pour le moment, pour mener des batailles plus dures contre la direction du parti ou contre le gouvernement...
Béatrice Whitaker
Rouge 2063 06/05/2004