Accueil > Notre dossier de l’heure > NON à la guerre de l’empire ! > Sortie de crise ?

Période de transition" en Irak

Sortie de crise ?

Tom Ride

dimanche 13 juin 2004

Depuis près d’un an que les soldats anglo-étatsuniens occupent l’Irak, la date du 30 juin est annoncée comme la date magique qui permettra aux Irakiens de reprendre le contrôle de leur pays sous la "bienveillance" des troupes de la coalition...

L’évolution de la situation en Irak, notamment au sein des mouvements de résistance politiques et militaires qui se développent dans le pays, a contraint l’administration Bush à aménager ses plans. Dans la perspective de l’élection présidentielle de novembre prochain, celle-ci a un besoin urgent de faire intervenir l’ONU pour tenter de sortir de l’impasse dans laquelle les forces de la coalition sont aujourd’hui.

Le processus défini par la Maison Blanche prévoyant un retour très progressif à une souveraineté irakienne pour les années à venir (et auquel la nouvelle résolution proposée à l’ONU ne changera rien), ainsi que la conduite des troupes d’occupation sur le terrain, montrent que la fameuse "période de transition" démarrant le 30 juin n’est qu’une vaste mascarade permettant au gouvernement US de continuer à contrôler militairement, économiquement et politiquement l’Irak.

" Jusqu’au trente juin, Paul Bremer est le dictateur de l’Irak [...] rien ne se produit dans ce pays sans sa signature [...].", c’est par ces mots que l’envoyé spécial de l’ONU vient de conclure une mission de plusieurs mois pour former le nouveau gouvernement de transition en Irak. Cela n’a pas été sans mal et, bien sûr, ceux qui gouvernent l’Irak - et, en premier lieu, "le dictateur" Bremer - ont eu leurs mots à dire sur le choix des hommes qui viennent d’être nommés dans le nouveau gouvernement intérimaire. Ainsi, le nouveau Premier ministre, Iyad Allaoui, ancien baassiste chiite, déjà membre du précédent gouvernement appointé par l’administration Bush, est un homme de la CIA.

Quant au président Ghazi al Yaouar, qui est sunnite et dont le poste est avant tout honorifique, c’est un chef d’une importante tribu irakienne, ayant vécu longtemps à Londres et relativement proche, lui aussi, des intérêts étatsuniens et saoudiens.

Comme le précédent, ce gouvernement n’a été ni élu, ni composé à partir d’une assemblée constituante réunissant partis, société civile, chefs de tribus et leaders religieux. Il est le résultat des négociations certes serrées mais complètement asymétriques entre, d’une part, le dictateur Bremer et, d’autre part, l’envoyé spécial de l’ONU et le précédent gouvernement appointé par Washington ; soit une trentaine de personnes. Autant dire que sa légitimité en Irak sera aussi nulle que le gouvernement actuel.

En outre, la nouvelle Constitution ou loi fondamentale, ratifiée en mars 2004 par le Conseil intérimaire de gouvernement (1), donne la possibilité au prochain gouvernement intérimaire, non élu, pas même par un corps législatif, de signer des accords transnationaux, tout en plaçant son armée et ses forces de sécurité sous le commandement de la coalition sur place (2).

Voilà donc un "Etat souverain" dont l’armée se trouve sous le commandement d’une force étrangère de plus de 130 000 hommes et disposant de près d’une quinzaine de bases militaires sur son territoire !

Sans compter que l’ancienne administration provisoire de la coalition sera transformée en ambassade des Etats-Unis de plus de trois mille fonctionnaires... dont une grande partie continue et continuera à diriger les divers ministères, notamment ceux du Pétrole, de la Sécurité et de la Défense.

Le nouveau gouvernement a déjà bien appris son texte puisque, dès le lendemain de sa nomination, le Premier ministre Allaoui s’empressait d’annoncer que son gouvernement signerait des accords de sécurité avec les forces de la coalition dès son entrée en fonction le 1er juillet (3).

On nous assure que tout cela n’est que "transitoire" et que des élections "devraient" avoir lieux pour élire une assemblée avant le 31 janvier de l’année 2005. Celle-ci "devrait" avoir la charge d’écrire une nouvelle Constitution qui "serait", elle, soumise à un référendum fort complexe vers la fin de l’année 2005.

Si le référendum est favorable au processus, de nouvelles élections "devraient" avoir lieux pour élire enfin une assemblée souveraine qui "pourrait" former un gouvernement, au mieux, en décembre 2005. Dans le cas contraire, c’est reparti pour un tour : élection d’une nouvelle assemblée pour écrire une nouvelle Constitution, pour un nouveau référendum, etc.

Côté ONU, le nouveau scénario envisagé par les Etats-Unis n’est guère réjouissant. En fait, il s’agit surtout de repeindre les casques couleur sable des GI en bleu onusien, sans pour autant en transférer le commandement qui restera étatsunien.

Les polémiques diplomatiques engagées par la France sur le contrôle de l’armée irakienne ou sur une éventuelle date de retrait sont surtout là pour amuser la galerie, car la France vient d’annoncer qu’elle n’utilisera pas son veto à propos de la nouvelle résolution proposée par l’administration Bush. Cette résolution légitimant a posteriori l’occupation sera un beau cadeau de réconciliation offert par la France à l’équipe Bush, juste avant les élections.

Quant aux Irakiens, beaucoup l’ont déjà fait savoir, leur résistance continuera contre l’occupation quelle que soit la couleur des casques.


1. Actuel gouvernement directement nommé par l’administration Bush durant l’été 2003

2. Cf. chapitres 1,3, 4 et 9 de la loi fondamentale.

3. Le Monde du vendredi 4 juin.

Rouge 2068 10/06/2004