Confortablement réélu, le président des États-Unis vient de " décerner " à l’Iran la première place sur sa liste des pays constituant " les avant-postes de la tyrannie ". Depuis de nombreux mois, le programme nucléaire iranien est l’objet d’un bras de fer à trois. En matière énergétique et militaire, le régime des mollahs s’inscrit dans la politique de la monarchie des Pahlavi. À la fin des années soixante-dix, le Shah avait signé des contrats de coopération et de développement de la filière nucléaire avec des entreprises françaises et allemandes notamment. Avec la révolution et le renversement de la monarchie en 1979, les pays européens ont mis unilatéralement un terme aux accords signés. Mais Téhéran n’a jamais abandonné ses ambitions en matière nucléaire. L’environnement régional n’a fait qu’accélérer les choses. Avec l’invasion de l’Afghanistan, puis de l’Irak, par les armés US, la " mollahrchie " voit l’étau se resserrer autour d’elle. Et ce d’autant que la Turquie voisine est une alliée indéfectible des États-Unis et qu’Israël, considéré comme un État ennemi, possède l’arme atomique. Le pouvoir iranien est engagé dans une véritable course de vitesse. En effet, pour les États-Unis et l’Union européenne (UE), il est inacceptable que l’Iran puisse avoir un arsenal nucléaire. S’ils sont d’accord sur ce constat, les États-Unis et l’UE n’en divergent pas moins sur les moyens de mettre l’Iran au pas. D’ailleurs, l’intense activité diplomatique de l’UE s’accompagne de négociations économiques et commerciales avec le régime dictatorial des mollahs ; et l’éventuelle adhésion de l’Iran à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), soutenue par l’UE, est un nouveau sujet de désaccords avec les USA. Tandis que les pays européens ont des intérêts économiques majeurs en Iran - notamment dans le secteur pétrolier -, l’embargo économique décrété par les USA contre la République islamique s’est traduit par un retard d’implantation des multinationales US en Iran. L’UE veut à tout prix éviter un scénario à l’irakienne. Car en renversant le régime baasiste, les USA se sont attaqués aux intérêts européens en Irak et ont fait main basse sur les ressources irakiennes. Pour l’administration Bush et les néoconservateurs étatsuniens, la République islamique est le régime à abattre. D’autant que les mollahs de Téhéran exercent une influence importante sur les partis chiites d’Irak, en passe de remporter les élections du 30 janvier prochain. Plus globalement, voulant " remodeler " cette partie du monde, G. W. Bush voit en Téhéran un obstacle à son projet de " Grand Moyen-Orient ". En fait, la politique US à l’égard de l’Iran peut se résumer par cette phrase de Condoleezza Rice : " Le but des États-Unis est d’avoir en Iran un régime qui prenne en compte les inquiétudes que nous avons au sujet d’une politique qui est à 180 degrés opposée à nos intérêts. " Les questions des droits de l’Homme, du soutien au terrorisme ou du nucléaire ne sont que des prétextes visant à légitimer une intervention de plus. Si Bush dit n’écarter aucune option, il est peu probable que les USA se lancent dans une nouvelle guerre tant qu’ils sont embourbés en Irak. En fait, deux autres options, qui peuvent se combiner, sont discutées ouvertement par l’administration US. Celle des frappes ciblées contre les sites suspectés d’activités nucléaires et celle de la déstabilisation du pouvoir. Les opérations de renseignement menées par les commandos US sur le territoire iranien attestent du sérieux de la menace. D’où la mise en garde de l’État iranien contre toute intervention militaire. Les mollahs ne s’y trompent pas. En fins tacticiens, ils n’hésitent pas à reprendre un discours nationaliste pour ressouder autour du régime mal en point, un peuple qui dans son immense majorité rejette toute intervention impérialiste.
(tiré de Rouge)