(Adapté d’un texte d’Alex Callinicos)
font-family:Arial'>Les prises de position unilatérales du gouvernement
américain sont devenues de plus en plus centrales à la situation internationale
depuis le début de l’administration Bush. Dès son élection, le président américain
a dénoncé le protocole de Kyoto sur le réchauffement de la planète. Mais c’est
bien sûr depuis le 11 septembre 2001 que cette tendance s’est accélérée.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Le premier anniversaire des attentats à New York et
Washington a été marqué par la publication d’un nouveau document stratégique
national américain. Il commence ainsi : « Les États-Unis possèdent aujourd’hui
une force et une influence sans précédent dans le monde » et s’achève sur
l’affirmation suivante : « Nos forces seront suffisamment fortes pour dissuader
nos adversaires potentiels d’essayer d’égaler ou dépasser la puissance des
États-Unis. »
font-family:Arial'> Cet aveu brutal que les États-Unis cherchent (comme
l’écrit le journaliste conservateur Anatol Lieven) « une domination unilatérale
sur le monde à travers une supériorité militaire absolue » contredit l’idée
très répandue que la mondialisation économique serait accompagnée de nouvelles
formes de « gouvernance mondiale » qui rendraient caduque la concurrence
séculaire entre grandes puissances.
font-family:Arial'> La théorie marxiste de l’impérialisme considère les conflits
militaires et diplomatiques entre pays comme des composantes d’un processus
plus général de concurrence capitaliste. Comme l’a expliqué Boukharine pendant
la Première guerre mondiale, deux processus - celui de la concurrence géopolitique
entre États et celui de la concurrence entre capitaux - qui, jusqu’au XIXe
siècle étaient relativement autonomes, ont eu tendance à fusionner.
L’industrialisation
croissante de la guerre ne permettait plus aux grandes puissances de dominer
sans une solide base économique capitaliste. D’autre part la concentration
et l’internationalisation des capitaux avaient tendance à transformer la concurrence
économique en combats géopolitiques. Chaque grand capital demandait le soutien
de son État.
font-family:Arial'> C’est cette théorie qui explique le mieux la volonté
guerrière de Bush. Certes, les États ne déclenchent pas des guerres pour des
raisons uniquement économiques. La guerre en Afghanistan avait avant tout des
motivations politiques : l’affirmation de l’hégémonie mondiale des États-Unis,
même si l’accès aux réserves énergétiques de la région était un facteur
secondaire. Durant toute l’histoire de l’impérialisme, les grandes puissances
ont agi pour des motivations complexes alliant intérêts économiques et
géopolitiques.
font-family:Arial;color:red'>Après la guerre froide.<span
style='font-family:Arial'>
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> La force actuelle des États-Unis résulte, bien sûr, de
la fin de la guerre froide s’achevant sur la défaite sans combat de l’URSS. Les
USA ont émergés comme leader militaire mondial incontesté. Leurs accès à de
nouvelles régions de la planète se sont élargis.
Arial'>
font-family:Arial'> Mais ils font néanmoins face à deux groupes
d’adversaires potentiels. À l’intérieur du bloc occidental, le Japon et
l’Allemagne, soumis politiquement aux États-Unis, deviennent pourtant des concurrents
économiques sérieux. Libérés des contraintes de l’unité antisoviétique, ils
pourraient commencer à contester l’hégémonie américaine. L’intervention
autonome de l’Allemagne en Yougoslavie contre la politique US (qui aurait voulu
sauvegarder l’unité de la Yougoslavie) en fournit un exemple.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Le second groupe est extérieur au bloc occidental. La
Russie reste une grande puissance, disposant de milliers de têtes nucléaires.
La Chine constitue une menace encore plus sérieuse. La croissance économique
rapide qu’elle a connue depuis sa conversion au stalinisme de marché dans les
années 1980 lui a fourni les ressources pour dominer dans une des régions les
plus instables du monde. L’analyste américain John Mearsheimer écrit :<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'>« Une autre façon de montrer la puissance potentielle de la
Chine est de la comparer aux États-Unis. Le PNB des États-Unis est de 7
900 milliards de dollars. Si le PNB par tête de la Chine rattrapait celui
de la Corée du Sud, le PNB du pays atteindrait près de 10 660 milliards
de dollars. Si le PNB par tête de la Chine atteignait la moitié de celui du
Japon, son PNB national serait de 2,5 fois plus élevé que celui des États-Unis…
»
font-family:Arial'> D’autres au sein de l’administration Bush sont plus
sceptiques sur le potentiel chinois de contestation de l’hégémonie américaine.
Mais en tout cas l’expansionnisme US se renforce et tente d’étendre sa
domination à toutes les régions du monde.
font-family:Arial'> Le succès géopolitique principal de l’administration
de Clinton a été de préserver l’hégémonie américaine en Europe et en Asie. La
conjoncture économique a beaucoup facilité sa tâche. Pendant la majeure partie
des années 1990, l’économie US a connu un boom qui s’accélérait, alors que
l’économie allemande stagnait et que celle du Japon traversait la récession la
plus grave qu’a connue un grand pays capitaliste depuis les années 1930.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Ce regain de puissance économique américain fut
accompagné par les interventions militaires de Clinton. Les bombardements de la
Serbie par l’OTAN en 1995 et en 1999 soulignèrent la dépendance de l’Union
européenne à la direction politique et militaire des USA, même pour gérer les
crises dans sa propre arrière cour.
font-family:Arial'> L’extension de l’OTAN vers l’Est, réalisée pendant la
guerre des Balkans en 1999, avait trois fonctions. Elle consolidait la position
dominante des États-Unis, légitimait la pénétration de l’Asie centrale par
l’OTAN et lançait une nouvelle tactique d’encerclement de la Russie, redoutée
de nouveau par les Américains, car finalement peu susceptible de se transformer
en démocratie libérale prospère, source de débouchés marchands majeurs.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> L’administration Clinton poursuivait ses objectifs de
domination tout en construisant des alliances avec d’autres puissances.
Brzezinski, ancien conseiller stratégique de Jimmy Carter, expliqua très bien
les motivations de l’administration américaine. Dans son livre, Le grand
échiquier, il expliqua que les États-Unis suivaient une politique de « diviser
pour mieux régner » :
font-family:Arial'>« À court terme, il est de l’intérêt de l’Amérique de
consolider et de perpétuer le pluralisme géographique actuel en Eurasie. Cela
permet de manœuvrer et de manipuler afin d’empêcher qu’une alliance hostile aux
États-Unis ne surgisse… À moyen terme [dans une vingtaine d’années] il faudrait
graduellement remplacer ceci par une tentative de faire émerger des partenaires
plus importants… qui, poussés par une direction américaine, sauraient
éventuellement former un système plus coopératif de sécurité dans la région
eurasienne. »
font-family:Arial'> Ainsi promouvoir l’extension de l’OTAN et de l’Union
européenne faisait partie d’une stratégie pour conserver l’hégémonie américaine
en Eurasie. Comme l’a écrit un conservateur américain :<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'>« Les Américains préfèrent agir avec le soutien et
l’approbation d’autres pays si c’est possible. Mais ils ont la force d’agir
seul si besoin est. »
font-family:Arial'> Les États-Unis ont ainsi démarré la guerre des Balkans
en 1999 sans en référer au conseil de sécurité des Nations unies.<span
style='font-family:Arial'>
Avant cela,
Clinton avait lancé une campagne de bombardement contre l’Irak en 1998 avec le
seul soutien de l’Angleterre et du Koweït.
font-family:Arial'> C’est l’arrogance de l’État américain à l’étranger qui
a fait écrire à Samuel Huntington, loyal serviteur de l’État américain :<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'>« Les États-Unis se retrouvent de plus en plus seuls dans le
monde. Les USA dénoncent régulièrement différents ’États voyous’ mais dans les
yeux de bien des pays, l’Amérique devient la superpuissance voyou ».<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial;color:red'>La doctrine Bush : « la contre-attaque préventive
».
font-family:Arial'> La superpuissance voyou s’est désormais déchaînée. Les
attentats du 11 septembre ont permis à Bush d’aller bien plus loin dans la
stratégie d’intervention unilatérale américaine. Son mépris s’est clairement
révélé par son attitude envers l’OTAN. Celle-ci a déclaré le 12 septembre 2001
– pour la première fois de son histoire - que les attentats contre les
États-Unis constituaient « une attaque contre tous les États membres ».
Pourtant Bush n’a même l’a pas utilisée dans sa guerre contre Afghanistan. Le
nouveau document stratégique américain consacre seulement trois paragraphes à
l’alliance atlantique !
font-family:Arial'> Le tournant unilatéraliste reflète en premier lieu le
grave coup symbolique encaissé par les États-Unis le 11 septembre. Il était
primordial que les États-Unis organisent leur propre vengeance sans faire appel
à des « pompiers internationaux ». Après la chute de Kaboul en novembre 2001,
il est clair que l’administration Bush utilise la « guerre contre le terrorisme
» pour justifier une stratégie géopolitique bien plus agressive, pour éliminer
certaines menaces et pour intimider le monde entier.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> La première étape fut l’extension substantielle des
objectifs de guerre annoncée par Bush dans son discours « sur l’état de l’union
» en janvier 2002. En plus de s’attaquer aux réseaux terroristes, déclara t il,
« notre deuxième objectif est d’empêcher les régimes qui soutiennent le
terrorisme de menacer l’Amérique ou ses amis… par des armes de destruction
massive ». Il nomma L’Irak, L’Iran et la Corée du Nord « l’axe du mal ». Le
sous-secrétaire d’État, John Bolton, rajouta La Libye, la Syrie et Cuba,
définis comme « des États qui soutiennent le terrorisme et qui fabriquent ou
pourraient fabriquer des armes de destruction massive ».<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> En juin 2002, Bush annonça sa doctrine. Elle a été
décrite par le Financial Times anglais comme « une doctrine entièrement
nouvelle d’action préventive » :
font-family:Arial'>« La dissuasion… ne veut rien dire contre des réseaux
obscurs de terroristes qui n’ont ni des nations ni des citoyens à défendre… Et
nous ne pouvons pas défendre l’Amérique simplement par l’espoir. Nous ne
pouvons pas croire à la parole de tyrans, qui signent solennellement des
traités de non-prolifération et puis ne les honorent pas. Si nous attendons que
les menaces se matérialisent entièrement, nous aurons attendu trop longtemps.
Nous devons porter la guerre à l’ennemi, perturber ses préparations et nous
affronter aux pires menaces avant qu’elles ne surgissent… Le seul chemin vers
la sécurité est le chemin de l’action. »
font-family:Arial'> Le premier test de cette doctrine sera l’Irak. Depuis
1991, la politique américaine au Moyen-Orient a été d’isoler à la fois l’Irak
et l’Iran. Les sanctions économiques et les bombardements devaient empêcher le
régime de Saddam Hussein de se renforcer. À la fin des années 1990, cette
politique rencontra des problèmes diplomatiques. La Russie et la France
s’intéressaient de plus en plus à un renforcement de leurs liens avec l’Irak.
Pour maintenir son isolement, les États-Unis et l’Angleterre furent de plus en
plus souvent contraints de lancer des initiatives unilatérales, comme des
campagnes intenses de bombardements.
font-family:Arial;color:red'>Bush et la droite républicaine<span
style='font-family:Arial'>
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Mais d’où vient la doctrine Bush ? Pour mieux
comprendre, il faut étudier de plus de près son administration. Du point de vue
idéologique, Bush Junior est très proche de Ronald Reagan. Ce dernier a surnommé
l’Union soviétique « l’empire du mal » et avait autorisé la CIA à soutenir des
mouvements de guérillas de droite contre les régimes en place au Nicaragua, en
Angola ou en Afghanistan.
font-family:Arial'> Cheney, Rumsfeld et Wolfowitz, personnages aujourd’hui
centraux de l’administration Bush Junior, étaient marginalisés dans celle de
Bush Senior. Alors minorité, la droite dure est devenue majorité. Cette droite
est caractérisée par la croyance que la suprématie américaine peut bientôt être
remise en cause par l’émergence de nouveaux adversaires de premier plan. C’est
ce qui pousse Bush à vouloir empêcher l’émergence de tels adversaires. Un
conseiller spécial de Bush, Zalmay Khalilzad, écrit : « Il est primordial que
l’Amérique soit prête à utiliser la force si nécessaire pour empêcher
indéfiniment la montée d’un concurrent global. »
Arial'>
font-family:Arial'> Cette préoccupation est couplée à une grande confiance
dans la capacité des États-Unis de gagner, une confiance enracinée à la fois
dans la « victoire » américaine que fut la chute de l’Union soviétique et dans
les succès de la stratégie américaine en Irak en 1990 et en Afghanistan en
2001. Après avoir renversé les Talibans, la bande de Bush croit que tout est
possible.
font-family:Arial'> Ces croyances sous-tendent l’impatience qui
caractérise l’administration Bush et sa volonté d’éviter les procédures perçues
comme longues et bureaucratiques. Leur mépris pour les Nations unies en
constitue un exemple frappant. John Bolton représente bien cette attitude :<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'>« Les Nations unies n’existent pas. Il y a une communauté
internationale qui peut être dirigée par la seule puissance qui reste, et c’est
l’Amérique, quand cela nous arrange et quand nous pouvons les convaincre de
suivre. »
font-family:Arial;color:red'>Impérialisme et libéralisme<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> En raison de sa vision du monde, l’administration Bush
croit qu’une rare occasion s’est présentée depuis le 11 septembre : elle pourra
utiliser la supériorité militaire américaine pour améliorer la position à long
terme du capitalisme US. Les États-Unis cherchent bien plus que la défaite des
réseaux de Ben Laden. Dans le document officiel sur la sécurité nationale, on
peut lire : « Nous sommes conscients du possible renouvellement d’anciennes
formes de concurrence entre grandes puissances. Plusieurs grandes puissances
potentielles sont en transformation interne - notamment la Russie, l’Inde et la
Chine. »
font-family:Arial'> Le même document lance un avertissement sérieux à la
Chine :
font-family:Arial'>« Les dirigeants chinois n’ont pas encore pris les
prochaines décisions fondamentales concernant la nature de l’État. En cherchant
à développer une capacité militaire avancée… la Chine emprunte une voie
dépassée qui, finalement, ne ferait qu’entraver sa poursuite de grandeur
nationale… »
font-family:Arial'> Au fond, seuls les États-Unis auraient le droit de
développer « une capacité militaire avancée ». La commission républicaine sur
la défense insiste : « Nous ne devons pas avoir honte de la supériorité
nucléaire américaine ; au contraire, elle sera un élément clé pour préserver la
direction américaine d’un monde plus complexe et plus chaotique. »<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Après de telles déclarations, il n’est guère
surprenant que la Russie et la Chine craignent que le retrait du traité sur les
défenses antimissile et la mise en place du système de « la guerre des étoiles
» soit conçu pour permettre les États-Unis de pouvoir frapper les premiers avec
leurs armes nucléaires. Se référant aux systèmes antimissiles, Wolfowitz a
déclaré qu’« enfin, les États-Unis peuvent développer des défenses contre les
missiles sans être contraints par un traité vieux de 30 ans signé avec un pays
qui n’existe plus. »
font-family:Arial'> Ailleurs, la « guerre contre le terrorisme » a permis
aux États-Unis de mettre en place une série de bases militaires en Asie
Centrale - une nouvelle région pour eux, et d’envoyer à nouveau ses troupes aux
Philippines, d’où elles avaient été retirées au cours des années 1990.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'> Le maintien de la domination mondiale américaine ne
constitue pas le seul objectif de la grande stratégie de l’administration Bush.
Elle cherche également à imposer le modèle anglo-américain de capitalisme
libéral au monde entier. Dans son introduction au document Stratégie
nationale de sécurité, Bush affirme : « Les grandes luttes du vingtième siècle
entre la liberté et le totalitarisme ont fini par une victoire décisive pour
les forces de la liberté, et par un unique modèle durable pour la réussite
d’une nation : la liberté, la démocratie, et le libre marché. » C’est en effet
un type tout particulier d’internationalismequi laisse la liberté aux peuples
de choisir « l’unique modèle durable » - le capitalisme libéral.<span
style='font-family:Arial'>
font-family:Arial'>(Ce texte est une synthèse et une adaptation de la première
partie d’un article d’Alex Callinicos parut en anglais dans le numéro 97
d’International Socialism, trimestriel du SWP britannique. Des informations sur
cette publication se trouvent en ligne au http://www.swp.org.uk/ISJ/ISJ.HTM)<span
style='font-family:Arial'>
(tiré du site de Socialisme
international, revue timestrielle publiée par desmilitantEs de la Ligue
Communiste Révolutionnaire)