Nous reproduisons ici un discours de Harold Pinter, célèbre metteur en scène et auteur dramatique britannique. Il a été prononcé lors d’une assemblée anti-guerre qui s’est tenue à Londres devant la Chambre des Communes.
On raconte que Oliver Cromwell, quand il a pris la ville irlandaise de Drogheda et réuni ses habitants sur la place principale, s’est adressé à ses officiers en ces termes : « Bien. Tuez toutes les femmes et violez tous les hommes. » Un de ses lieutenants a dit : « Excusez-moi, mon général. N’est-ce pas plutôt l’inverse ? » C’est alors qu’une voix est sortie de la foule : « Monsieur Cromwell sait ce qu’il fait. »
Cette voix, c’est celle de Tony Blair. « Monsieur Bush sait ce qu’il fait. »
Le fait est que M. Bush et toute sa bande savent vraiment ce qu’ils font et Blair, lui, à moins qu’il soit vraiment l’idiot trompé qu’il a souvent l’air d’être, sait aussi ce qu’ils font. Bush et compagnie sont déterminés tout simplement à contrôler le monde et ses ressources. Et il leur est bien égal combien de personnes ils tuent en chemin. Et Blair suit.
Tony Blair n’a pas l’appui du Parti travailliste, il n’a pas l’appui du pays, ni de la « communauté internationale » qu’on célèbre tant. Comment peut-il justifier d’entraîner notre pays dans une guerre dont personne ne veut ? Il ne peut pas. Il ne peut que recourir à la rhétorique, aux clichés et à la propagande. Quand nous avons voté pour mettre Tony Blair au gouvernement, nous ne soupçonnions pas que nous en viendrions à le mépriser. L’idée qu’il puisse avoir de l’influence sur Bush est risible. Son acceptation servile de l’intimidation par les Etats-Unis est pathétique.
L’intimidation est bien sûr une vieille tradition des Etats-Unis. Quand il s’est adressé à l’ambassadeur de Grèce en 1965, le président Lyndon Johnson lui a déclaré : « Votre parlement et votre constitution, vous pouvez vous les foutre au... Les Etats-Unis sont un éléphant. Chypre est une puce et la Grèce est aussi une puce. Si ces deux continuent à gratter l’éléphant, ils pourraient bien recevoir un grand coup de trompe, une belle rossée. »
Il pensait ce qu’il disait. Peu de temps après, les colonels ont pris le pouvoir en Grèce, avec l’aide des Etats-Unis, et le peuple grec a passé sept ans en enfer.
Quant à l’éléphant américain, il est devenu encore plus gros, il est devenu un monstre aux proportions grotesques et obscènes. La terrible atrocité de l’attentat de Bali ne change rien à l’affaire.
La « relation privilégiée » entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni a entraîné depuis 12 ans la mort de milliers et milliers de personnes en Irak, en Afghanistan et en Serbie. Tout cela dans le cadre de la « croisade morale » des Etats-Unis et du Royaume-Uni pour procurer au monde « la paix et la stabilité ».
Le recours aux munitions à l’uranium appauvri durant la Guerre du Golfe a été particulièrement efficace. Les niveaux de radiations en Irak sont effrayants. Les bébés naissent sans cerveau, sans yeux, sans organes génitaux. Quand ils ont des oreilles, des bouches et des rectums, ce qui sort de ces orifices, c’est du sang.
Blair et Bush sont bien sûr totalement indifférents à de telles réalités, sans oublier le si charmant Bill Clinton, qui sourit et séduit, et qui est venu assister au Congrès du Parti travailliste où il semble avoir été passionnément applaudi. Pour quoi ? Pour avoir tué des enfants irakiens ? ou des enfants serbes ?
Bush a déclaré : « Nous ne permettrons pas que les pires armes du monde restent dans les mains des pires dirigeants du monde. » Vous avez tout à fait raison, mon gars. Regardez-vous dans le miroir. C’est vous.
Les Etats-Unis développent en ce moment des systèmes avancés d’« armes de destruction massive » et sont prêts à les employer là où ils le jugeront opportun. Les Etats-Unis refusent d’être liés par les accords internationaux sur les armes biologiques et chimiques et refusent d’autoriser des inspections de leurs propres centres de production de telles armes.
Les Etats-Unis maintiennent des centaines d’Afghans prisonniers à Guantanamo, privés de tout recours légal en dépit du fait qu’ils ne sont accusés de rien, les maintenant captifs virtuellement pour toujours.
Les Etats-Unis exigent pour eux-mêmes l’immunité à l’égard de la Cour pénale internationale, une attitude qui paraît incroyable mais que le Royaume-Uni soutient désormais. L’hypocrisie coupe le souffle. La servilité méprisable de Tony Blair à l’égard de ce régime criminel aux Etats-Unis avilit et déshonore notre pays.
(tiré du site À l’encontre)