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La Zone de Libre-échange de l’Amérique centrale (ALCAC) et la démocratie

dimanche 23 février 2003

Au début du mois denier, le délégué au Commerce des États-Unis, Robert Roellick, a eu une rencontre avec les ministres des affaires extérieures du Costa Rica, du El Salvador, du Guatémala, du Honduras et du Nicaragua pour amorcer des négociations officielles de la Zone de Libre-Échange de l’Amérique centrale (ALCAC), un traité qui élargirait à l’Amérique centrale les réductions des barrières douanières dans le sens de l’ALENA. La première rencontre des négociateurs de l’ALCAC a eu lieu à San José, Costa Rica, le 27 janvier dernier.

Zoellnick et les autres représentants de la Maison Blanche aimeraient croire que leurs efforts pour ouvrir les marchés de tout l’hémisphère serviraient à « renforcer la Démocratie » à l’étranger.

Portée par une vague de sentiments patriotiques, ils se voient eux-mêmes comme les « marchands de la liberté ».

Mais, il y a un problème dans cette rhétorique : l’ALCAC donne un exemple parfait d’un accord de « libre-échange » qui, en réalité, mine les libertés démocratiques.

La Maison Blanche assure que l’ALCAC obligerait les nations centro-américaines à « une plus grande ouverture et une plus grande transparence ». Ironiquement, les négociations elles-mêmes pour l’accord de libre-échange sont rien de moins que transparentes. Malgré les demandes des groupes vigilants, les premières versions de la proposition de l’ALCAC n’ont pas été rendues publiques ni en Amérique centrale ni aux États-Unis, ce qui ne permet pas une discussion ouverte ni les débats.

La nature antidémocratique des négociations de l’ALCAC cachent les problèmes plus importants. Les défenseurs du « libre-échange » maintiennent secret leurs positions dans les négociations parce qu’ils ont beaucoup à cacher. Si elle est mis en place, l’ALCAC érodera les normes démocratiques clés, telles les droits des travailleurs et des travailleuses et la capacité de légiférer sur les protections environnementales.

Les fonctionnaires de l’Administration Bush assurent que les réformes du marché produiront de « meilleures conditions de travail ». Néanmoins, l’expérience syndicale des maquiladores existants dans les zones de libre-échange d’Amérique centrale suggère le contraire. Dans le contexte guatémaltèque, l’organisation des droits humains, Human Rights Watch a publié une information au début de cette année qui révélait que « les efforts pour former des syndicats dans le secteurs des maquiladores s’affrontaient à une résistance dévastatrice de la part de l’industrie dans son ensemble et dans la plupart des cas, à la négligence gouvernementale. Les efforts des syndicalistes ont été attaqués par des licenciements massifs, par l’intimidation, par des représailles aveugles contre toutes les travailleuses et tous les travailleurs et par des fermetures d’usine.

Comme l’ALCAC menace d’affaiblir les lois du travail , exigences du systèmes des avantages préférentiels (GSP) de l’ère Clinton et la loi de l’Association commerciale du bassin caribéen, elle favorisera les efforts de la part des propriétaires d’entreprises visant à éliminer la liberté d ’association et le droit de former des syndicats. C’est pour cela que non seulement l’AFL-CIO (la centrale syndicale américaine) s’oppose à l’ALCAC, mais aussi un large éventail d’organisations syndicales centro-américaines.

L’ALCAC met aussi en péril la sauvegarde des lois environnementales existantes. Des dispositions comme celle du chapitre 11 de l’ALENA donnent aux entreprises de droits de poursuite contre les gouvernements qui imposeraient des lois protégeant l’environnement qui pourraient affecter les profits futurs, sur la base que ces lois constitueraient des barrières douanières injustes. En 1998, Ethyl Corporative a traîné le Canada devant les tribunaux à cause de son interdiction pour raison de santé publique du MMT, un addition au combustible. Le Canada a décidé d’éliminer son règlement et a payé 13 millions de dollars à Ethyl Corporation plutôt que de perdre sa cause et de devoir payer 251 millions en dommages. L’État de Californie a subi une attaque pour l’interdiction du MTBE, un contaminant de l’eau qui était dangereux pour la santé humaine et animale.

L’ALCAC élargira-t-il la portée de la disposition du chapitre 11 de l’ALENA ? Probablement. Mais comme les négociations sont secrètes, nous ne le saurons qu’à la dernière minute.

Pire encore, quand l’accord sera soumis au vote, nos législatures ne pourront faire d’amendements pour éliminer de telles offensives. En juillet passé, le président Bush a obtenu que la Chambre des représentants l’autorité d’utiliser la « voie rapide (fast track) » pour les négociations commerciales contre l’objection de 212 représentants. Le projet de loi requiert que le Congrès accepte ou rejette l’ensemble des politiques commerciales. Comme la expliqué la représentante Sandy Levin (démocrate du Michigan) cela reste « au congrès un rôle minime alors que la politique commerciale est plus que jamais liée aux autres sphères de la politique nationale ».

Dans une autre hâte calculée, les ministres du commerce veulent terminer les négociations de l’ALCAC en décembre 2003, avant qu’aient lieu de nouvelles élections en Amérique centrale qui pourraient voir apparaître de nouveaux leaders opposés au pacte. La préoccupation clé est le El Salvador ou les intentions de privatiser les services publics - comme les soins de santé et les services de base-ont discrédité largement le régime de droite. Si les SalvadorienNEs élisent un président de l’opposition en mars 2004, la Maison Blanche aimerait que le nouveau gouvernement soit lié par un pacte commercial qu’auraient adoptés les dirigeants expulsés du pouvoir.

La vérité c’est que l’ALCAC ne favorisera pas la démocratie. Et la démocratie ne pourra être sauvé que par l’échec de l’ALCAC.


Mark Engler, est un commentateur de Foreign Policy in Focus (www.fpif.org) et a travaillé auparavant avec la Fundacion Arias para la Paz et le Progreso Humano à San José, Costa Rica).