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Jérusalem : le “pétage de plombs” ?

mardi 6 avril 2010, par NACHIRA Cinzia


Paru en Suisse dans l’Anticapitaliste n° 20 du 4 mars 2010.


Les frictions entre Israël et la nouvelle administration étasuniene sont tout sauf une surprise. Y compris la brutalité avec laquelle elles se font jour...

Lors des bombardements sur Gaza au tournant des années 2008 et 2009,Tzpi Livni, ancienne cheffe du gouvernement israélien et criminelle de guerre, avait annoncé de manière on ne peut plus claire le fait que la politique israélienne serait constellée d’action “folles”. “Il faut qu’ils sachent qu’on peut pèter les plombs”, avait-elle affirmé.

Elle sait de quoi elle cause puisque, en 22 jours et sous sa responsabilité directe on a assassiné 1400 palestiniens ont un nombre intolérable d’enfants !

Aujourd’hui, Mme Livni est la représentante “modérée” de “l’opposition” à un gouvernement qui est le plus jusquauboutiste, xénophobe et raciste de l’histoire israélienne.

La brutalité du nouveau gouvernement et celle de ... “l’opposition”

Il n’est dès lors pas surprenant que dans ce cadre, le ministre israélien de l’Intérieur, Elie Yshai, représentant de la droite religieuse, ait contribué à tendre les rapports avec les USA. C’est durant le voyage dans la région du vice-président John Biden qu’il a annoncé la construction de 1600 nouveaux logements dans la colonie de Ramat Shlomo, à Jérusalem Est. Cette annonce a été faite quelque jours après que l’inauguration en grande pompe après restauration d’une synagogue du 17e siècle à quelques centaines de mètres de la mosquée d’Al Aqsa avait suscité, début mars, des affrontements entre palestiniens et armée israélienne.

On peut convenir avec Gédéon Lévy, une des rares voix du journalisme israélien restées lucides. Dans un éditorial publiée par Haaretz le lendemain, il remerciait le ministre d’avoir déchiré la nappe de brouillard qui aurait du couvrir d’un halo doré la visite de Biden en Palestine.

Des agenda qui ne coïncident pas

A un an du retrait annoncé des troupes d’Irak, l’administration US a un besoin urgent de faire baisser les tensions autour du dossier palestinien. Depuis des mois, l’administration Obama essaie de revenir au “climat d’Oslo”. C’est pour cette raison que Biden devait mettre sur pied une “négociation indirecte”, vue l’impossibilité d’entâmer des négociations réelles.

Il n’en fallait pas plus pour satisfaire Obama, Biden et Clinton.En échange d’une position intransigeante sur l’Iran de leur part, ils se seraient contentés d’une promesse israélienne de gel des istallations à Jérusalem Est, ce qui, bien que insuffisant, aurait suffi pour forcer l’autorité nationale palestinienne d’Abou Mazen à accepter les négociations.

Au contraire, le remue-ménage produit par Yshai a provoqué une crise dont nous ne pouvons prévoir les issues mais qui confirme le fait que, aujourd’hui, les agenda des Etats-Unis et d’Israël ne coïncident pas.

C’est dans ce sens que, dans un discours tenu à l’université de Tel Aviv, John Biden a précisé que “le vieil ami d’Israël que je suis est tenu de faire entendre sa voix”. Concrètement, cela ne signifie pas que les USA sont prêts à remettre en cause la colonisation de la Cisjordanie -qui se poursuit sans entraves-, la construction du Mur de séparation et encore moins le siège de Gaza.

De plus, 200’000 colons vivent déjà à Jérusalem et dans sa périphèrie. Cela signifie, ainsi que l’a redit Netanyahu ces derniers jours durant son voyage aux Etats-Unis, que son gouvernement revendique le droit de construire à Jérusalem parce qu’il considère la ville comme”la capitale éternelle de l’Etat juif d’Israël”. Fort de ce principe, Moshe Dayan, le général qui conquit la partie Est de la ville, franchit la porte de Damas, l’un des point d’accès à la vieille ville de Jérusalem, en 1967. En 2010, ce principe jamais abandonné en 43 ans d’occupation reste la boussole du gouvernement Netanyahu.

Nouvelle Intifada ?

Certes, l’ANP d’Abu Mazen, toujours plus délégitimée, essaie de mettre à profit cette crise pour retrouver un semblant de crédibilité auprès de son peuple. Il est aussi clair que la population palestinienne dans son ensemble n’est plus disposée à attendre plus longtemps. Les affrontements qui, dans la nuit du 20 au 21 mars, se sont soldés par l’assassinat en moins de douze heures de quatre adolescents palestiniens près de Naplouse, en sont la preuve.

Reste à savoir si ces affrontements mèneront à une nouvelle Intifada. C’est trop tôt pour faire des pronostics. On peut cependant être certains que les jeunes palestiniens, qui représentent la moitié de la population, ont perdu patience.

Il faut par contre à mon avis exclure une dynamique comme celle qui produisit la première Intifada, en 1987. La décomposition interne des structures de direction politique des palestiniens, celles l’ANP d’un côté, mais aussi du Hamas de l’autre, les prive de la capacité de coordonner la lutte et d’assurer une extension en profondeur de la révolte.

Or, sans une implication étendue de la population palestinienne, il est difficile d’imaginer à moyen terme des pas en arrière israéliens.

Cinzia Nachira


NACHIRA Cinzia
* Paru en Suisse dans l’Anticapitaliste n° 20 du 4 mars 2010.