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Congrès du Mans du Parti socialiste français

Ils ont passé les amendements dans la machine... Ils ont perdu leurs couleurs d’origine...

par Gérard Filoche, Démocratie et socialisme

mardi 22 novembre 2005

Passez notre amour à la machine,
Faites-le bouillir,
Pour voir si les couleurs d’origine,
Peuvent revenir.
Allez à la machine !

Alain Souchon

Lors du congrès du Mans du Parti socialiste, il y a eu une très forte résistance militante à la prétendue « synthèse ». Ne serait-ce que dans les rangs des 140 délégués de la motion 5 (NPS-AS, 25 % des voix) : 80 % d’entre eux étaient contre ce replâtrage de façade...

Parmi les membres du Bureau national sortant, Arnaud Montebourg, Thierry Mandon, Christian Paul, Marc Dolez, Gérard Filoche étaient contre cette prétendue « synthèse »

Le vote dans la délégation de la motion 5 (Nps-As) de la commission des résolutions a donné : 14 pour, 6 abstentions, 5 contre.

Nous voulons ici contribuer à analyser, à tirer le bilan de ce qui s’est passé et à redessiner un espoir pour poursuivre le combat plus indispensable que jamais pour ancrer à gauche le parti socialiste.

Le congrès du Parti socialiste du Mans aurait pu donner une image à la fois de rassemblement et de clarification : la notion de « rassemblement » a soudain été privilégiée, au forcing, derrière une synthèse bâclée, creuse, et donc peu crédible et peu mobilisatrice. On nous a dit « ce qui compte c’est de donner une image d’unité aux Français ». Mais les Français ne sont pas dupes des images d’Epinal factices.

Alors ce qui sort logiquement comme image dominante, c’est que le Parti socialiste continue comme avant, autour de la même direction de François Hollande.

Ni le bilan du 21 avril 2002, ni celui du 29 mai 2005 ne sont tirés.

Bien sûr, il fallait, il faut l’unité des socialistes et l’unité de la gauche, nul ne le nie, tous les militants le souhaitent, mais pour y parvenir ce sont des questions de fond qui se posent, pas d’image... Le congrès du Mans n’a pas fait d’inventaire et n’a lancé aucun message fort, clair : ou va t on, nul ne le sait, la confusion est plus généralisée qu’avant.

Du coup, la méthode Coué de l’unité artificielle n’y fera rien. Tout au plus, les cartes sont brouillées, les militants en colère, dubitatifs, déçus, attentistes ou inquiets, la politique qui va être menée est plus incertaine que jamais, la guerre des présidentiables est le seul horizon, et une partie de ceux, qui, dans la minorité avaient réussi à imposer un peu de clarté, d’idées de fond, semblent avoir bradé précipitamment leurs atouts...

Heureusement, tout est loin d’être noir car beaucoup de militants et un certain nombre de dirigeants résistent encore...

Alors que les profits du capital n’ont jamais été aussi élevés, le congrès du Mans n’a pas dit avec force qu’il fallait les redistribuer. La France est au bord de l’explosion sociale, la misère met le feu aux banlieues, le Parti socialiste a failli hésiter, avant, finalement, in extremis, de voter contre l’état d’urgence de Villepin-Sarkozy, les services publics sont démantelés, les cheminots acculés à la grève comme les traminots de Marseille, il y a des centaines de conflits sociaux, pour l’emploi et les salaires, de Carrefour à Hewlett Packard, mais ce n’est pas cela qui a percé en 72 heures dans les débats du congrès... il y a eu un hold up, un détournement de congrès, ce qui l’a emporté, c’est une « image » de « synthèse » sans fond.

Il n’y a même pas eu une idée claire contre les licenciements abusifs et boursiers, même pas une idée claire sur la façon de reconstruire de vraies 35 h sans perte de salaire et avec embauches correspondantes, même pas une affirmation forte sur le retour à la retraite à 60 ans à taux plein, même pas un mot clair sur le retour à la santé gratuite (contre la loi Douste Blazy et ses terribles effets), sur la défense de la Sncm, de la Sncf, et même sur l’augmentation des salaires, le vague est là.

Y a t il eu le choix promis entre le « socialisme d’accompagnement » et le « socialisme de transformation » ? Non, bien sûr.

Le Smic à 1500 euros a été intégré dans la résolution finale ... pour 2012 sans même préciser si c’est en brut, en net, à euro constant... 2012, dans 7 ans ( !).

Le texte de la motion 1 ( Hollande ) qui avait obtenu 53 % était visiblement en difficulté. On pouvait s’attendre à ce que la frêle majorité soit donc sur la défensive, et à ce que les idées fortes de la motion 5, pressionnent au maximum , préparant les autres débats à venir pour 2006 et 2007...

En un mot, le vote des militants annonçait un basculement possible et proche. Ce qui aurait alors donné une « unité » de qualité...

Mais ce changement possible, visible, proche, a été stoppé en plein vol par une « synthèse » à contre pied, à contre temps, à contre emploi. Au lieu de pousser l’avantage de la gauche du parti, un certain nombre des dirigeants de celle-ci ont cru bon de nouer accord, précipitamment, en divisant leuir propre courant, avec la majorité, dans de très mauvaises conditions : ils ont accepté que tous les amendements de la motion 5 (Nps-As) qui ont été intégrés, soient « blanchis », désossés, essorés dans la machine à « synthétiser » : par exemple, la Banque centrale européenne reste « indépendante » mais sera « contrôlée », contradiction dans les termes pour ne pas en changer le statut réellement... Tout est à l’aune de cet exemple et tous ceux qui vont se pencher sur le texte final, le constateront, hélas.

La proposition de la motion 5 qui consistait à ce que la puissance publique se donne les moyens juridiques de contrôler et de suspendre les licenciements boursiers abusifs, (Michelin, Lu, Danone Hewlet-Packard...) a été détournée en promesse de « dissuader les entreprises » (sic) qui licencient aux seules fins de répondre aux exigences financières, et on n’ira pas plus loin qu’une référence hésitante à la timide « loi de modernisation sociale » qui avait été adoptée par défaut en janvier 2002.

Vincent Peillon, lui, affirmait, à la différence complète des arguments d’Henri Emmanuelli, que tous les amendements de la motion 5 avaient été repris, et que c’était une « victoire politique » sur le fond : mais là, c’est aussi indéfendable, car quiconque lira le texte, sérieusement sur le fond, ne pourra pas le croire une seconde.

Et chacun, informé, constatera que le retrait par rapport à des textes majoritaires du Ps de 1996, et bien moins « gauchi » que bien d’autres adoptés par le parti depuis dix ans... Il n’y a aucune avancée, pas d’engagement, ni priorité, ni arête, rien de nouveau sous le soleil, l’équilibre du texte est banal, sans relief, ce qui devait être précis ne l’est pas ou plus, juste quelques tournures pour donner l’apparence de l’apparence du change.

Y croira qui veut ne pas lire.

Qui peut croire que le retour aux 35 h sera possible par une « négociation nationale interprofessionnelle » sans recours à la loi, et qui peut évoquer une loi sans dire ce qui la différenciera des deux lois de 1998 et 2000 sur les 35 h ?

En fait les amendements issus de la motion 5 ont été lessivés, moulinés, vidés de leur substance, de leur précision et leurs symboles politiques aussi bien sur les questions sociales que sur la question de la 6° République. Il n’y a, dans le résultat, même pas d’esprit de changement, seulement d’arrangement. Le « gauchissement » parfois évoqué par la presse est un faux semblant.

Ceux qui aiment, savent lire, et croient à l’importance ces textes, des idées, sincèrement comme arme supérieure de définition collective et démocratique d’une ligne politique, vérifieront tout cela dans le texte final.

Sans parler des « actes », demain, qui seront contradictoires lorsque Dsk prônera encore une Tva sociale ou lorsque Laurent Fabius s’y opposera... faute d’avoir tranché sur une véritable orientation.

Certains des dirigeants de la gauche du parti ont pourtant cru, (sans même en débattre loyalement avec les autres), que c’était le meilleur chemin... Sachant qu’ils allaient braver les militants, et une partie de la direction, sachant qu’ils bradaient le fond du débat politique, ils ont expliqué « que ce n’était pas le problème du contenu du texte », mais qu’il fallait « rassembler » - coûte que coûte, à tout prix ! Pourquoi maintenant ? Pourquoi si vite ? Pourquoi comme cela ? Pourquoi au prix de la division du courant ?

Mais d’abord, pourquoi tout le parti, tout le congrès s’était-il auparavant livré à l’exercice sérieux qui consiste à écrire des motions, à les discuter et à les voter si, d’un seul coup, ce n’était plus qu’une parodie, si on pouvait jeter tout cela pour un « plat de lentilles » et des amendements de pacotilles ?

Dans la motion 5, Henri Emmanuelli, en disant, samedi 19 novembre, qu’il n’avait pas lu, lui-même, les amendements (qui d’ailleurs n’ont pas été travaillés ni défendus collectivement, que les délégués n’avaient même pas en main) et que ce n’était pas la question, car la question n’était pas leur contenu, mais l’exigence, et l’urgence du rassemblement : il a désespéré ainsi les 1000 militants qui l’écoutaient. A quoi bon tout ça ?

Le slogan de la motion 5 était : « notre candidat c’est le projet » . Mais une partie des dirigeants de cette motion 5 (Nps-As, 25 % des voix) ont « abandonné le projet pour la synthèse »... Maintenant il ne va plus être question que de départager des candidats (qui se moquent bien de cette synthèse) sans clarification sur le projet.

L’urgence de cette prétendue « synthèse » a surgi, apparemment dans les 72 dernières heures : il fallait impérativement « rassembler les socialistes ». Quelle découverte ! Qui pouvait être contre ? C’était évident ! Le fond politique était devenu subsidiaire. Le fond était devenu secondaire. Ce n’était plus un problème de fond.

Or, pour gagner contre la droite, ce sont des problèmes de fond qu’il faut résoudre et qui conditionnent l’unité des socialistes aussi bien que l’unité de la gauche tout entière.

La preuve que cette urgence de synthèse a été créée artificiellement : si elle était si forte que cela, on s’en serait sûrement aperçu plus tôt !

Pourquoi au dernier moment, brutalement, ce changement de cap de quelques une des dirigeants comme Henri Emmanuelli, Benoît Hamon et Vincent Peillon ? Ils ont abandonné les formes organisées, collectives, du combat de la motion qu’ils avaient créée et du rassemblement militant qu’ils avaient construit acvec d’autres, piétinant même, au passage, de nombreux militants sincères : et ce, dans des conditions théâtrales non démocratiques, avec une façon de procéder si brutale qu’elle a choqué, sur place des centaines de militants de la motion 5 qui étaient verts de rage, de désespoir, qui pleuraient, figés, accablés, sur place de cet énorme gâchis et de la façon quasi terroriste avec laquelle on leur imposait, au forceps, cette prétendue « synthèse » dont ils ne comprenaient ni le contenu, ni l’urgence, ni la nécessité...
La motion 2 (« rassembler à gauche », Laurent Fabius) l’avait annoncé : la synthèse, elle la ferait si... la motion 5 la faisait, sinon elle ne la ferait pas !

Peillon prônait depuis le début, « la synthèse générale ou pas du tout ». C’est donc dans la motion 5 (Nps-As) que tout s’est joué. Les spécialistes des comptages de voix, estimaient que 43 % des 138 délégués de la motion 5 étaient d’origine « Alternative socialiste » (« Emmanuellistes », « Force militante », « D&S »...), que 29 % des délégués étaient proches d’Arnaud Montebourg (C6R, etc...), 13, 5 % proches de Benoît Hamon (Nouvelle gauche...) et 13, 5 % proches de Vincent Peillon.

Vincent Peillon et Henri Emmanuelli s’étaient ils mis d’accord, précédemment, (et quand ?) sur un tel coup de force ? Mais pourquoi ? Pourquoi, s’il était justifié, selon eux, d’agir ainsi, n’avoir pas posé la question en temps utile, n’avoir pas débattu franchement avec tous les militants ? Parce qu’ils savaient que cela ne passerait pas, parce qu’ils savaient que cela ne pouvait être admis, que ce n’était pas « juste ». Ils ont donc agi brutalement vendredi soir, samedi, dans le cours du congrès, pour empêcher qu’il y ait un vote sincère, clair, au sein de la motion 5, car plus de 80 % des délégués étaient contre cette synthèse qu’on leur imposait. Ca huait, ça criait de façon sincère, irrépressible, de façon spontanée.

Les dirigeants pro synthèse n’ont pas hésité à mêler, dans l’assemblée générale, devant 100 militants et délégués, des mises au pied du mur, de blocage des listes, de sélection des orateurs, de calcul du temps de parole à élastique, de menace individuelle et publique, comme dans un syndicat bureaucratisé en crise. Ils ont divisé le courant, écarté ceux qui les gênaient et négocié dans leur dos. Là, tout le « renouveau démocratique » tant prôné s’est éteint d’un seul coup. Finies les promesses des « nouvelles pratiques », fini les promesses fraternelles de travail en commun, fini le respect élémentaire, fini les discussions collectives, c’était le diktat brutal au forcing. Noir, c’est noir. Ou plutôt gris, c’est gris : on a vu des militants, des délégués sincères qui étaient blêmes, qui réfrénaient leur colère, qui ne disaient plus rien, tellement l’air leur manquait pour exprimer leur indignation.

Des militants nombreux, disaient : « c’est la dernière fois qu’on me fait cela, je quitte le parti », bien sûr, ceux qui refusaient la manœuvre de la prétendue synthèse, et ils étaient nombreux, dans As, de D&S, parmi les jeunes, les syndicalistes, parmi les amis d’Arnaud Montebourg, et cela traversait toutes les sensibilités, toutes les nuances, ceux-là leur répondait : « non, non, tenons bon, ne quittez surtout pas le parti, tirez fruit de cette expérience, mémorisez-là, battez-vous, cela n’empêchera pas la clarification de se faire, tôt ou tard, continuez, renforcez nos rangs, recrutez même avant le 31 décembre... »

Et pour imposer cette synthèse, tous les arguments les plus contradictoires les plus opportunistes, ont été utilisés. Henri Emmanuelli a affirmé que les 15 millions d’électeurs concernés s’en moquaient, qu’ils ne liraient pas les textes... sauf peut-être 2 millions ou 200 000 d’entre eux.. C’est cynique et faux ! Car justement, ce sont ces 2 millions ou même ces 200 000 électeurs qui les liront qui se chargeront d’expliquer aux autres, les mauvais compromis, les piéges, les confusions du texte. Les électeurs ne sont ni dupes, ni aveugles, on l’a vu le 29 mai dernier ! Ils ont su lire la constitution, ils sauront lire la synthèse... !

Et d’ailleurs, si les électeurs ne s’intéressaient pas à nos débats, aux choix précis du Ps, en matière de droit du travail, du licenciement, de lutte contre la précarité, de 35 h, de retraite, de « Sécu », à quoi bon les mener ? A quoi cela sert de faire une motion, un congrès, des réunions, de voter ?

Les mêmes défenseurs de la synthèse ont, à la fois, dit que le contenu n’était pas important, et qu’ils avaient gagné sur le contenu... Les mêmes ont dit qu’il fallait impérativement clarifier et puis qu’il fallait d’abord réaliser l’unité, que nos électeurs n’y regarderaient pas de prés... Les mêmes ont violemment dénoncé François Hollande et viennent de le sauver, lui et sa faible majorité... Les mêmes ont construit un courant qu’ils voulaient fort, et majoritaire, voire « alternatif » ancré à gauche, en vue d’alliances, qu’ils voulaient de principe, et les voilà, qui arrêtent tout... alors qu’ils étaient prêts du but et alors que la majorité, (en trichant d’ailleurs sur le décompte des voix) n’obtenaient plus que 53 % des voix -de façon douteuse.

Emmanuelli et Peillon, sentant la faiblesse et la contradiction, de leurs arguments, ont alors dit que « cela ne signifiait pas la fin des débats », qu’on « allait continuer »... Continuer quoi ? Qui ? Nps ? Mais 80 % des militants étaient contre la synthèse, et si elle s’est imposée quand même, quel sens cela a ? Si on « continue », à quoi sert cette synthèse ? Inversement si la synthèse est un bon choix, pourquoi « continuer » Nps ? Henri Emmanuelli a tenté aussi d’expliquer que si nous n’étions pas d’accord, « demain », on ne serait pas contraints, on « sortirait » de cette synthèse : mais qui peut le croire ? Et quel sens cela aurait-il sinon de nous ridiculiser ? Demain l’échéance électorale se rapprochera, et on nous fera serrer les rangs autour du candidat quel qu’il soit, il sera moins temps que jamais de « clarifier ». Ensuite, pourquoi faire cette prétendue « synthèse », si c’est pour faire des « clashs » toutes les cinq minutes, ou rompre dans six mois : on se fera traiter au mieux d’inconséquents, au pire de girouettes. Qui croit qu’à l’approche de la présidentielle, dans 6 mois, un an, il y aura possibilité de se dire en désaccord avec quoi que ce soit, les appels à l’unité et au silence dans les rangs, se feront de plus en plus pressants, il n’y aura plus de débat : le congrès du Mans était la dernière station-service avant le désert pour les idées et maintenant tout va se jouer entre « présidentiables ». Fini le « projet », place au choix des candidats...

D’ailleurs, on l’a vu aussitôt, tous fraîchement sorti et blanchis par la nuit du congrès, dimanche 20 au soir, à l’émission « Ripostes » sur la 5, avec Henri Weber, Vincent Peillon, Pierre Moscovici, Elisabeth Guigou, ça sonnait faux quand ces orateurs mimaient l’accord, dans des efforts cousus de fil blanc, tout en précisant qu’ils « conservaient des divergences », que le « projet n’était pas écrit » et qu’ils pouvaient le remettre en cause demain : à quoi sert ce jeu de rôle en forme de yoyo ?

On a entendu, toujours, sur « Ripostes » Elisabeth Guigou faire une autocritique rare dans sa bouche, sur le fait que dans la deuxième partie du gouvernement Jospin, on n’avait pas compris l’importance de la question des salaires : mais de qui se moque t elle ? C’est la preuve que sans clarification, et sans changer les dirigeants, on n’avancera pas. Car, pour ceux qui ne le sauraient pas, dans la commission des résolutions du congrès de Grenoble, en décembre 2000, un amendement de la gauche socialiste de l’époque, avait été imposé, sur l’importance de la hausse des salaires, du Smic, on en avait débattu pendant une heure et demie, et c’est Elisabeth Guigou qui l’avait refusé, en affirmant que ce n’était pas le parti qui allait lui dicter, à elle, ministre, ce qu’elle devait faire. Quel crédit attribuer aujourd’hui à ses propos ?

A Dijon aussi, en mai 2003, un appel avait été adopté à l’unanimité du congrès, pour abroger la loi Fillon sur les retraites, et surtout pour en revenir à la retraite par répartition 60 ans à taux plein : à l’unanimité ! Mais deux ans après, pour le congrès du Mans, la motion majoritaire (à 53 %) de François Hollande a « oublié » de rappeler cet engagement solennel et unanime et la prétendue « synthèse » ne fait pas avancer les choses plus clairement...

Le malaise est profond : car, en plus du désaccord sur les textes, il y a méfiance sur la direction sortante reconduite grâce à cette « synthèse ». Comment croire ceux qui, en 2003-2004, avec l’unanimité du parti, ont mis « 7 exigences » en avant, face au projet de constitution ultra-libéral de Giscard, et qui ont abandonné ces 7 exigences, pour appeler à voter ladite constitution, qualifiée soudainement et en rupture avec ces exigences, par François Hollande de « traité le plus social de toute l’histoire de l’Europe » ? Et on continue, sans clarifier ? C’est aller dans le mur...

Alors évidemment, une fois que le coup de force et la prétendue synthèse sont en place, les dirigeants qui en sont responsables, espèrent sur le poids de l’état de fait, sur les doutes et les interrogations, le « réalisme » des militants, pour leur faire baisser les bras...

Mais si les militants se laissaient faire, cela reviendrait à mettre à bas, des années, sinon un décennie de bataille pour construire une gauche de ce parti solidaire, démocratique, militante, collective, sur un programme solide de transformation sociale...

Ce serait renoncer à ce que ce parti tire jamais les leçons du 21 avril et du 29 mai et d’autres leçons de son siècle d’histoire...

Et on ne peut pas avancer ni construire du solide sans ces leçons et sans ce programme. Le Ps n’a aucune chance d’être le moteur de la transformation sociale, s’il n’a pas les relais dans les syndicats, dans la jeunesse, dans le mouvement associatif et social : seule une gauche socialiste forte en son sein peut ancrer tout ce parti a gauche, sans scission ni compromission... Les jeux d’appareil et de personnes ne pourront remplacer une telle gauche socialiste : tous les dirigeants, même les plus prestigieux, ou les plus solides, qui ont fait ces choix individuels, (et on va le voir encore, hélas, très vite) ont été happés, blanchis, recentrés, dés lors qu’ils ont rompu avec une base militante active, organisée, démocratiquement capable de peser... Un poste de « n°2 » au secrétariat ne vaudra jamais un fort courant de gauche à 25 ou 30 % des voix capable de peser sur la majorité...

Pourtant on essaye de nous susurrer, déjà, pour embrouiller et compenser les doutes militants sincères et profonds, qu’il y aurait des pseudo accords secrets, des « n° 2 », des « secrétariats à la rénovation », des partages de tâches et de postes avantageux , et à la fin, vous allez voir, on nous dira : « la direction tourne », elle se « gauchit », etc. Mais qui peut croire en cette méthode tout à fait contraire à tout ce qui a été écrit en faveur de la « rénovation » du parti ? Est-ce comme cela qu’on peut gagner, y a t il un rapport entre la fin poursuivie et les moyens utilisés ? Où disparaît dans ce tour de passe-passe, l’exigence démocratique comme méthode constructrice du renouveau ?

On nous a dit, pour faire « évènement » que c’était « historique », qu’il n’y avait pas eu de synthèse depuis plus de 20 ans dans le Ps ! C’est dérisoire : serait-ce à dire que dans les 20 dernières années, aucune situation n’avait été aussi exigeante que celle d’aujourd’hui ? Nous avons gagné les élections en 1997 sans synthèse. Nous avons perdu les élections de 2002 sans synthèse. Nous n’avons pas fait synthèse en plein mouvement de grève nationale sur les retraites de mai 2003. Nous avons gagné les élections de Mars et Juin 2004 sans synthèse ! Faire synthèse, sans accord, après le 29 mai, est limite surréaliste. Le parti fonctionnait et pouvait fort bien fonctionner sans ce faux arrangement de façade nocturne précipité. Si c’était possible depuis 20 ans de vivre sans synthèse, sans artifice de cette sorte, aucun élément nouveau plus sérieux n’imposait une telle « synthèse » au Mans, précisément à ce congrès...

François Hollande avait 82 % des voix au congrès de Brest en 1997, et il n’y a pas eu synthèse, le même premier secrétaire avait eu 74 % des voix en 2000 au congrès de Grenoble, et il n’y avait pas eu synthèse alors que nous étions au gouvernement et... à la veille de la présidentielle. Au congrès de Dijon, en 2003, François Hollande avait eu 63 % des voix et il n’y avait pas eu synthèse : pourquoi faire synthèse quand François Hollande n’a plus que 53 % des voix et qu’il est contesté ?

Pourquoi choisir le moment où la gauche du parti n’a jamais été aussi forte pour... faire une synthèse qu’elle n’avait pas fait dans les combats précédents où elle était plus faible ? Pourquoi choisir une tactique de démobilisation, de désarmement idéologique alors que les clivages et les enjeux politiques, sont plus vifs, après le 29 mai ? Ne pouvait-on poursuivre l’exercice de débat et de vérité, tout en prenant nos responsabilités pour combattre frontalement et gagner contre la droite ? Sans cette prétendue synthèse, tout était et restait plus clair : il suffisait d’organiser la vie du parti, en tenant compte de la proportionnelle, de la diversité de ses sensibilités, avec un souci d’inclusivité dans sa direction et à tous les niveaux entre toutes nos composantes.

On l’a vu depuis 10 ans, la poursuite des débats n’empêchait pas l’action commune contre la droite. Débat et unité d’action ne sont incompatibles. Dans tous les cas, c’était à la direction sortante reconduite à 53 % d’organiser la vie du parti en tenant compte du vote des militants et de ce congrès rapproché, de sanction, qu’elle avait convoqué hâtivement... Elle devait faire les gestes forts pour réaliser l’unité d’action sans prétendre gommer ni étouffer des différences idéologiques évidentes. Cacher le débat d’idées crée malaise.

D’autant que ce choix conforte le scepticisme cynique des médias tout comme celui plein d’espoir des militants, des sympathisants socialistes, des électeurs qui voulaient un changement exactement contraire à cette prétendue synthèse... Ils savent, eux, qu’il faut que le Ps change vraiment et ne fasse pas semblant...

A Fouras, fin août, le Nps (Peillon, Montebourg, Hamon) avait voté pour une « majorité alternative ancrée à gauche », et à Périgueux, le 11 septembre, « Alternative socialiste » (Emmanuelli, Dolez, Filoche, Masseret) avait voté la fusion avec le Nps. Cette fusion s’est faite finalement, et elle a fonctionné, permettant d’obtenir 25 % des voix, soit autant que les mêmes forces (Nouveau parti socialiste, Nouveau monde, Force militante) lors du referendum interne avaient obtenu en faveur du « non » le 1er décembre 2004. La motion 5 (Nps-As) était donc la deuxième motion dans le Parti socialiste au soir du vote des militants le 9 novembre 2005. Cette influence grandissait dans le parti et seule cette force collective permettait de garantir le progrès des idées du renouveau et de l’ancrage à gauche.

Alors pourquoi cette volte-face de certains des dirigeants pourtant les plus connus ? Emmanuelli en soutenant Peillon qui était pour, sans surprise, depuis le début, a fait basculer en faveur de cette prétendue synthèse. Il a la principale responsabilité de l’affaire. Montebourg, Dolez, Filoche l’ont refusé.

Nps-As était un courant ascendant, cette « synthèse » valait-il de le diviser ? Les idées de Nps-As, de la gauche de ce parti progressaient, pourquoi les brader dans des amendements secondaires et édulcorés ? Il y avait une confiance qui s’instaurait, 25 000 militants y croyaient, pourquoi échanger cela contre de la confusion ? Croit-on qu’on va mieux défendre les idées de la gauche socialiste et rénovatrice, que ce soit sur la 6° République ou sur le plan social, grâce à cette « synthèse » ? Arnaud Montebourg, s’est attaché au « symbole » de la 6° République, tandis que la synthèse décortiquait peu à peu le projet de son contenu... Marc Dolez et Gérard Filoche, se sont attachés aux question sociales et démocratiques, qui étaient, elles aussi « passées à la machine à synthétiser » et dépouillées de leur force... Des compromis, il en faut, bien sûr, mais pas au point de rendre exangues et de diviser ceux qui les passent !

Le résultat est en contradiction avec la méthode qui consistait à construire un courant et une motion « alternative ancrée à gauche » en vue du congrès du Mans.

De « dehors », et pour la gauche, depuis le 21 avril 2002, encore plus depuis le 29 mai 2005, la gauche du Ps, point de repère et d’espoir, était lisible : on en a entendu des militants syndicaux, le 4 octobre, dans les cortéges, qui disaient à Emmanuelli, Peillon, Montebourg, Filoche : « tenez bon, gagnez dans ce parti, on compte sur vous ». Lorsque le vote du 9 novembre a été rendu public, nombreuses étaient les réactions extérieures, à gauche, dans les associations, les syndicats, certaines de déception, mais surtout de soutien : « vous avez presque la majorité, vous tenez le bon bout » : comment justifier que les militants de la gauche socialiste rentrent du Mans avec une « synthèse » essorée et une direction reconduite ?

Que va t il se passer maintenant ?
Pas de découragement, pas de querelle inutile.
La prétendue synthèse ne pourra tenir la route.

Seuls les courageux militants de la gauche du parti - et ils sont nombreux ! - qui ont des principes et qui entendent ne pas abandonner la bataille, vont maintenant protéger les fondations, les espaces et les forces accumulées depuis le 21 avril et le 29 mai. Il leur faut tirer le bilan, résister, s’organiser, sauvegarder l’essentiel, reconstruire et il n’auront pas trop de mal, car les militants sont obstinés et lucides, éclairés. Les militants socialistes, jeunes, syndicalistes, vont rapidement examiner les textes et se faire une opinion. Le réel bilan de ce congrès va apparaître très vite. Ainsi que les désaccords entre présidentiables... Au Mans même, il était possible de sentir la puissance de la force militante choquée et désireuse de résister. Ils étaient assez nombreux, les acteurs et les résistants, les syndicalistes, les jeunes, dans toute cette bataille, à estimer que rien n’est perdu, la majorité des 25 000 votants de la motion 5 n’ayant pas voté pour cela.

La gauche et la majorité des socialistes ont su dire « non », apparemment, au début, à contre courant, mais finalement de façon majoritaire, le 29 mai. Ceux qui vont à contre courant, arrivent parfois avant les autres. Des dizaines de milliers de militants ont appris à résister, à pire pression que celle d’une synthèse creuse !

Ils ne seront pas intimidés, ni découragés, ils se consulteront entre eux, après ce congrès, ils tireront l’expérience pratique ce qui s’est passé ces dix dernières années ! Il y a de l’énergie à revendre ! Et ils tiendront réunion avec tous ceux qui veulent tirer le bilan, et continuer pour de bon, sur le fond, à agir collectivement pour ancrer à gauche ce parti et rendre un service indispensable à l’unité de toute la gauche sur un vrai programme d’alternative socialiste.

Plus que jamais, il faut et ils sauront se battre de façon organisée, et collective, pour un « projet socialiste » de transformation sociale, et pour l’organisation de primaires pour un candidat unique de la gauche sur un programme commun de gouvernement si possible dés le premier tour. Pour battre la droite, en 2006-2007, il faut avoir un programme clair, pas une confusion de façade, pas une synthèse démobilisatrice à laquelle personne ne croit.

Plus que jamais il faut respecter la démocratie militante, l’élaboration collective, rassembler une gauche du parti socialiste capable de ne pas se laisser emporter par des tsunamis synthétiques, capable de tenir bon dans l’intérêt des salariés, du socialisme, de toute la gauche, capable d’être à la fois loyale et efficace.

Il n’y a pas de raison de baisser les bras. Ce qui s’est passé au Mans est révélateur mais pas destructeur. Les militants ont vu et compris. La réflexion va faire son chemin. Des dizaines de milliers de socialistes et sympathisants vont réfléchir. Les salariés, la gauche attendent qu’ils poursuivent le combat. Les leçons du 21 avril et du 29 mai doivent être tirées, elles le seront, en dépit de tous les arrangements de façade.

|---> Nous indiquons à tous ceux qui voudraient, de ce point de vue, participer à ce bilan du congrès, que nous envisageons avec Marc Dolez, et tous ceux qui souhaiteront y appeler, la date du 17 décembre à Paris, un samedi, pour nous réunir.

Nous sommes prêts, avec d’autres responsables et militants, à discuter ensemble de ces éléments de bilan, puis à faire les premières propositions d’action pour sauver et reconstruire une véritable gauche socialiste.

Que les camarades se rassemblent, discutent, tirent le bilan, signent des textes, internet le permet, les mels sont un moyen de communication et de démocratie, et nous verrons, ensemble, lors de cette rencontre nationale, comment continuer.

Gérard Filoche, Inspecteur du Travail, membre du BN du PS, pour D&S Démocratie & Socialisme
www.democratie-socialisme.org.

Lundi 21 novembre 2005