Par LCR-Web, Pierre-François Grond, François Coustal le Mardi, 22 Juin 2010
Partout en Europe, les capitalistes sont à l’offensive avec la complicité des gouvernements, qu’ils soient de droite ou de « gauche ». Sous prétexte de mesures de « rigueur » budgétaire ou « d’assainissement » des finances publiques afin de respecter le Pacte de stabilité de l’UE – qui vient d’être renforcé avec l’accord de ces mêmes gouvernements des Etats membres - une vague sans précédent d’attaques s’abat contre les salaires, les conditions de travail, les retraites et les services publics. « Le choix est assumé de résoudre la crise globale du capitalisme par un nivellement brutal des populations européennes aux niveaux sociaux du marché mondial. Dit autrement, il s’agit de démanteler les acquis des travailleurs accumulés depuis des décennies de luttes du mouvement ouvrier, pour pouvoir les aligner sur ceux des autres pôles du monde capitaliste. »
La riposte du mouvement ouvrier commence enfin à se dessiner, au travers d’une série de grèves générales qui auront lieu cette semaine. En France, les principaux syndicats appellent à une grève et à des manifestations ce jeudi 24 juin contre la réforme des retraites. En Italie le syndicat CGIL organise une grève de 24 heures dans le secteur public et de 4 heures dans le privé le vendredi 25 juin contre les mesures d’austérité de Berlusconi. En Grèce, les syndicats appellent pour le 29 juin à la 6e grève générale depuis le début de l’année, en particulier cette fois-ci contre les réformes des pensions et du code du travail.
A l’initiative d’euro-députés de la GUE/NGL, une série de mobilisations aura également lieu dans plusieurs pays cette semaine, en solidarité avec les travailleurs-euses grecs, portugais, italiens et espagnols, dont une manifestation à Bruxelles le samedi 26 juin. La crise institutionnelle, les élections anticipées et les négociations pour composer un nouveau gouvernement font que la Belgique entrera un peu plus tard dans cette valse macabre des plans d’austérité. Mais ce n’est qu’une question de temps. L’UE et le patronat augmentent la pression pour que la formation du nouveau gouvernement se fasse le plus rapidement possible, afin d’entamer sans délai les mesures d’une « rigueur budgétaire » évaluée à 22 milliards par an jusqu’en 2015 par le Bureau du Plan.
Face à ces attaques, qui sont coordonnées à l’échelle européenne, la préparation d’une riposte unitaire et coordonnée à cette échelle également devient donc urgente pour le mouvement ouvrier. Le 29 septembre prochain, à l’occasion du sommet des ministres des finances de l’UE (Ecofin) sous présidence belge, la Confédération européenne des syndicats (CES) organise une euro-manifestation dans les rues de Bruxelles. La FGTB et la CSC mobilieront pour cette échéance. Les syndicats espagnols appellent à une grève générale dans leur pays à cette occasion. Le 29 septembre pourrait et devrait ainsi constituer le coup d’envoi d’une vaste contre-offensive coordonnée à l’échelle du continent : vers une grève générale européenne. (LCR-Web)
Union européenne : austérité généralisée
Sous la menace d’une baisse de la note des agences de notation concernant la capacité des États à rembourser leurs dettes, les gouvernements annoncent des coupes claires sans précédent dans les dépenses publiques.
En Grèce, le gouvernement « socialiste » du PASOK, sous la houlette du FMI et de l’UE, a mené l’attaque contre les services publics de santé et d’éducation, la baisse puis le gel des salaires des fonctionnaires, la « simplification » des licenciements dans le privé et l’augmentation de la TVA qui frappe principalement les couches populaires. Et, pour faire bonne mesure, une réforme des pensions et une nouvelle vague de privatisations.
Au Portugal, un premier plan d’austérité organisait la diminution du nombre de fonctionnaires, le gel de leurs salaires et le plafonnement de certaines prestations sociales. Un second plan vient d’être annoncé, axé sur l’augmentation de l’impôt sur le revenu et le relèvement de la TVA.
En Espagne, le gouvernement « socialiste » de Zapatero, a lancé un plan d’austérité draconien de 50 milliards d’euros d’ici fin 2013. Les salaires des fonctionnaires, selon le niveau, seront abaissés de 5 à 15%, puis gelés les années suivantes et 13.000 postes seront supprimés. La revalorisation des pensions est également gelée et diverses primes sont supprimées, une réforme du code du travail vise à étendre la précarité, à faciliter les licenciements et à fragiliser les conventions collectives du travail. L’allongement de l’âge de la retraite est également prévue.
En Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateur, allié aux libéraux-démocrates, n’a pas tardé à mettre en place la promesse électorale d’un énorme plan de réductions budgétaires visant à rassurer les financiers de la City. Les 7,2 milliards d’euros d’économies vont se traduire par la suppression de milliers d’emplois publics. L’aide donnée pour chaque nouveau-né est supprimée, les crédits aux collectivités territoriales, aux provinces autonomes (Écosse, Pays de Galles, Irlande du Nord) et aux universités sont réduits. Et ce n’est qu’un début, car ces mesures ne représentent que 4% d’un déficit de 12% du PIB et des mesures plus drastiques sont prévues fin juin et à l’automne, dont l’augmentation probable de la TVA
La chancelière allemande a présenté un plan d’économies de 80 milliards d’euros en quatre ans qui sert aussi à faire pression sur les autres États pour qu’ils suivent la même voie. La prime versée aux salariés les plus modestes pour faire face aux coûts du chauffage est également supprimée. Les fonctionnaires sont aussi touchés avec la suppression de 10.000 postes et le gel de la prime de Noël.
En Roumanie, les injonctions du FMI se traduiront par une baisse de 25% des salaires dans la fonction publique et une diminution de 15% des retraites et des allocations chômage. Le gouvernement Berlusconi a annoncé 24 milliards d’économies sur la période 2011-2012. Le 1er Ministre français François Fillon suit le mouvement en prônant 100 milliards de réduction du déficit public (50 milliards de réduction de dépenses et 50 milliards de nouvelles recettes) d’ici 2013.
Leçons d’une crise...
La crise actuelle agit comme un révélateur impitoyable et constitue une véritable « leçon de choses ».
Première leçon : alors que banques et multinationales sont responsables de la crise financière, les États ont massivement volé à leur secours, sans contrepartie et avec l’argent des contribuables.
Deuxième leçon : le crime (économique) paie. Renforcés par ce véritable détournement de fonds publics, spéculateurs et « marchés financiers » s’attaquent maintenant aux États les plus affaiblis et exigent de véritables plans de régression sociale.
Troisième leçon : les principaux États européens finissent par décider un plan « d’aide à la Grèce » qui vise, en fait, à garantir le remboursement des emprunts accordés par les banques européennes. En contrepartie, c’est l’austérité pour le peuple grec. Mais pas question de rogner sur le budget militaire grec : il faut bien que les entreprises d’armement, notamment françaises, continuent leur business !
Quatrième leçon : rien ne peut étancher durablement la soif de profit. Après une brève montée, les Bourses baissent à nouveau, « justifiant » un nouveau tour de vis contre les dépenses publiques.
Cinquième leçon : on ne se méfie jamais assez de l’avis des peuples. Ainsi a surgi la proposition hallucinante de la Commission européenne : contrôler les budgets des différents États avant leur vote par les Parlements nationaux ! Rarement les maîtres de l’Europe capitaliste auront signifié aussi crûment le mépris dans lequel ils tiennent assemblées élues et autres vestiges démocratiques.
Sixième leçon : pour porter ses mauvais coups, le système peut toujours compter sur le dévouement des dirigeants sociaux-démocrates. En Grèce, au Portugal et en Espagne, ce sont des gouvernements « socialistes » qui mettent en œuvre l’austérité exigée par l’Union européenne et le FMI, dirigé par le « socialiste » Strauss-Kahn.
Septième leçon : loin de jouer un rôle de solidarité et de protection, l’Union européenne et le FMI sont bien les machines de guerre contre les travailleurs et les peuples que dénoncent les anticapitalistes. L’ampleur de la crise comme la brutalité des attaques et leur dimension au moins continentale exigent évidemment des réponses à l’échelle de l’Europe.
Nivellement brutal
De l’Espagne à l’Irlande, de la Roumanie au Royaume-Uni, tous les pays entrent donc dans la même danse macabre. Il n’y a donc pas qu’une crise grecque comme annoncée par certains commentateurs, ni même un problème qui ne toucherait que les fameux PIGS – selon l’acronyme infamant utilisé par les marchés financiers pour cibler le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne – mais bien une crise financière et politique qui touche l’ensemble de l’Union Européenne (UE) et l’euro.
S’ils sont appliqués, ces plans d’austérité auront des effets sociaux et politiques dévastateurs : diminution ou blocage des salaires des fonctionnaires, baisses massives dans les dépenses publiques comme par exemple l’Éducation. Elles se traduiront par une baisse du pouvoir d’achat, une augmentation du chômage, une réduction accentuée du périmètre d’intervention des services publics ou de nouveaux reculs dans le remboursement des soins. D’ores et déjà les plans grecs et roumains sont sans précédent dans leur coût social depuis la dépression économique des années 1930.
Ces nouvelles purges démultiplient le mouvement de démantèlement de l’« État social » entamé depuis près de 30 ans. Désormais, c’est le cœur des acquis sociaux du XXe siècle, comme le système de retraites, qui est dans le collimateur du capitalisme.
Fin 2008, les bonimenteurs qui nous gouvernent avaient annoncé la fin du capitalisme sauvage, des marchés tout-puissants, des déréglementations qui avaient permis l’éclatement de la crise bancaire et financière. Dans un discours à Toulon, Sarkozy s‘était particulièrement illustré dans cet exercice visant à annoncer « que tout change pour que rien ne change ».
Un an et demi après, les marchés sauvés par l’intervention massive des États font de nouveau la loi et dictent à leurs « sauveurs » leur politique économique. Ayant accentué leurs dettes pour sauver les banques, les États sont désormais contraints de se désendetter. Les structures libérales qui permettent, par la libre circulation des capitaux dans l’UE et dans le marché mondial, la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux sont toujours en place.
Le modèle basé sur une généralisation de la concurrence est en crise. La monnaie, construite sur seize États aux politiques et aux réalités économiques divergentes également. Face au déplacement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie, la montée des pays émergents, l’UE apparaît comme le maillon faible des centres du monde capitaliste. Le rôle dévolu aujourd’hui au FMI en Europe, alors qu’il sévissait auparavant essentiellement dans le tiers monde, est révélateur de la crise.
Le choix est assumé de résoudre cette crise par un nivellement brutal des populations européennes aux niveaux sociaux du marché mondial. Dit autrement, il s’agit de démanteler les acquis des travailleurs accumulés depuis des décennies de luttes du mouvement ouvrier, pour pouvoir les aligner sur ceux des autres pôles du monde capitaliste.
On le voit, il s’agit d’un choix lourd de conséquences qui implique de comprendre les enjeux de la crise afin d’organiser à l’échelle européenne la résistance et la construction d’une alternative anticapitaliste et antiproductiviste socialiste.
D’après des articles de Pierre-François Grond et François Coustal (NPA)