Une année s’est écoulée depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001 à New York et Washington. Dès les lendemains de ces événements, nous, organismes de défense des droits humains, organismes syndicaux, populaires et de solidarité internationale, groupes de femmes, nous nous sommes mobilisés pour signifier notre solidarité avec les victimes innocentes de ces gestes horribles, manifester notre rejet total du terrorisme et appeler tous les gouvernements, en particulier celui des États-Unis, à ne pas répondre par la guerre aux défis posés par le terrorisme.
Un Appel à la mobilisation des solidarités lancé par l’AQOCI en septembre 2001 et signé par plus de 400 groupes québécois disait Non à la guerre ! Non au terrorisme ! La tragédie du 11 septembre 2001 aux États-Unis a engendré, sur toute la planète, une onde de choc et un lourd sentiment d’inquiétude, inspirés d’abord par l’horreur des attentats, puis par l’annonce des préparatifs d’une riposte militaire. Cette dernière, dirigée contre un ennemi non encore identifié, nous fait craindre le pire pour des populations civiles Il s’est installé une polarisation dangereuse où l’Occident et le monde arable et musulman -un milliard et demi d’humains - seraient en conflit1. "
Nous avions malheureusement raison Tout au long de l’année qui s’est écoulée, nous avons assisté à une dégradation accélérée de la situation dans le monde, entre autres par le recul des droits et libertés fondamentales suite à l’adoption de lois anti-terroristes, les interventions militaires et les bombardements en Afghanistan, la multiplication des " discours guerriers ", l’augmentation des budgets militaires et des mécanismes de sécurité souvent au détriment de la démocratie.
Piloté de main de fer par les États-Unis, le monde glisse dangereusement dans une logique guerrière et répressive que l’on nous présente comme une fatalité et qui plongera le monde dans des confrontations encore plus violentes et ne pourra qu’alimenter et entretenir le terrorisme.
Refuser la dérive du monde
Nous pensons qu’il faut mettre un terme à cette dérive et redéployer nos énergies vers la construction de nouvelles solidarités. C’est le but que s’est fixé la concertation " Comprendre et Agir pour une Paix juste "
En octobre 2001, nous nous étions collectivement engagés " à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contribuer à mettre un terme à toute logique guerrière, à la haine qu’elle suppose et au racisme qu’elle génère, notamment en informant nos concitoyens et concitoyennes du danger qui nous menace et de l’urgence de nous mobiliser pour une paix juste. "
Une année de travail en commun, au cours de laquelle nous avons tenu plusieurs activités de réflexion et de discussion, nous a permis d’approfondir notre compréhension du terrorisme, des conflits armés et des moyens de les prévenir. Nous avons ainsi identifié :
Les visions du développement induites par la mondialisation néolibérale comme génératrices de pauvreté, d’exclusion sociale à grande échelle et de polarisation à l’intérieur des sociétés et entre les sociétés. Ces visions sont génératrices de conflits violents et toute stratégie cohérente de lutte pour la paix est incompatible avec la poursuite de ce processus ;
L’unilatéralisme des grandes puissances, en particulier le comportement impérial des Etats-Unis, le mépris pour le droit international et pour les institutions internationales, la propension à user et à abuser de la supériorité militaire pour imposer des visions et des intérêts au reste de la planète, sont des sources de rancoeur confinant souvent à la haine et des appels à la confrontation violente. Il est impossible de bâtir une stratégie cohérente de paix sur la base de ces attitudes ; Le recul des droits et libertés fondamentales. Les mouvements terroristes naissent et se développent là où les libertés sont restreintes et où les garanties démocratiques sont amoindries. Nous sommes très préoccupés par le fait que, paradoxalement, c’est en adoptant à toute vapeur des lois dites antiterroristes, des lois restrictives pour les droits et libertés et porteuses de dangers réels pour nos sociétés, que nos gouvernements prétendent défendre ces droits et ces libertés ; La désignation des réfugiés et des immigrants comme les boucs émissaires de l’insécurité : cette thèse était principalement portée par les mouvements xénophobes de droite ou d’extrême droite. Il est effarant de la voir présider désormais à la redéfinition des politiques gouvernementales en matière d’immigration et de protection des réfugiés .
Le gouvernement canadien doit se dissocier des attitudes belliqueuses
Nous appelons le gouvernement canadien à réaffirmer son indépendance diplomatique, à se dissocier clairement des initiatives militaires unilatérales des États-Unis et à promouvoir une approche de la question de la paix et de la sécurité basée sur la justice et le droit.
Nous l’appelons notamment à persister dans son refus actuel de participer à l’agression américaine qui se profile en Irak et de promouvoir par tous les moyens une solution négociée à cette crise. La paix et la sécurité au Proche Orient et dans le monde passe aussi par une solution juste du conflit israélo-palestinien basée sur le droit international et la fin de l’occupation. Le Canada devrait rompre avec sa politique actuelle de complaisance vis-à-vis d’Israël et promouvoir des actions de la communauté internationale vers cette solution.
Nous appelons le gouvernement canadien à réviser en profondeur les lois adoptées à la hâte au lendemain des événements du 11 septembre et qui introduisent des notions potentiellement destructives pour notre système de droits et libertés. Nous appelons le gouvernement canadien à renoncer à l’harmonisation de sa politique avec les États-Unis en matière d’immigration et d’accueil des réfugiés : cette harminosation constituerait un recul par rapport à nos pratiques actuelles et par rapport aux normes internationales.
Nous appelons enfin le gouvernement canadien à aborder les questions de développement international dans une perspective inspirée de la justice sociale et de la lutte à la pauvreté plutôt que des stratégies inhumaines et technocratiques mises de l’avant par les institutions financières internationales.
1 (Extrait de "Un appel à la mobilisation des solidarités, Non à la guerre ! Non au terrorisme !")
Conférence de presse le 10 septembre 2002
Membres de la Concertation " Comprendre et agir pour une paix juste "
Artistes pour la paix
Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
Association québécoise pour une Taxation des Transactions
financières pour l’Aide aux CitoyenNEs (ATTAC-Q)
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Centre de formation populaire (CFP)
Centre Justice et Foi (CJF)
Fédération des femmes du Québec
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ)
Ligue des droits et libertés
Mouvement d’éducation populaire autonome et communautaire du Québec (MEPACQ)
Objection de conscience
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)