« La sénatrice pétiste critique le gouvernement Lula, dit que le PT doit s’expliquer devant la société et parle de quitter le parti » (Veja)
Veja - Vous avez beaucoup critiqué les décisions du PT au gouvernement. Quels sont actuellement vos rapports avec le parti ?
Heloísa Helena - Je me suis fait une promesse pour la nouvelle année, que je vais vous révéler. Un de mes amis m’a dit : « Ló, cette vague est trop grande pour toi, la popularité du président est immense, toute la presse lui est favorable, tu ne peux pas résister à cette vague. Plonge et tiens-toi tranquille ». Je lui ai dit :« d’accord, je plonge. Mais que faire si en plongeant je me retrouve face à face avec le requin blanc de ma conscience ? » Alors, ma promesse de la nouvelle année est celle-ci : je ne plonge pas.
Veja Que ressent-on lorsque l’on a son propre parti pour adversaire politique ?
Heloísa Helena- C’est très triste, très angoissant. Je sais tout ce que j’ai consacré au PT. Il est facile aujourd’hui de se promener avec la petite étoile sur la poitrine, d’être un néoluliste [néo-Lula] et un néopétiste [néo-Pro-PT], maintenant que le président est une pop star et que la presse apporte un large soutien au gouvernement. Mais moi qui ai été matraquée, qui ai eu ma maison mitraillée, mes dents cassées. Ce parti n’appartient
Veja - Vous avez discuté avec le ministre José Dirceu à l’occasion de l’ approbation de la nomination du président de la Banque Centrale, Henrique Meirelles. Vous restez en conflit avec lui ?
Heloísa Helena- Beaucoup de gens m’ont dit qu’ils ont été dégoûtés quand il s’est référé à moi, à la télévision, en parlant de « cette fille ». Donc, en ce qui concerne ce garçon, qui est très qualifié, je dirai seulement que j’espère qu’il parviendra à faire honneur à la trajectoire de sa vie. Maintenant, tout le monde le sait dans le PT : il est très facile de me convaincre par des arguments !
Mais les coups, la force, c’est le pire des tactiques pour tenter de me convaincre. Et quand la force veut s’imposer sans l’appui de la structure du parti, ou pire encore, quand l’instance du parti n’est convoquée que pour légitimer l’action du gouvernement, c’est encore plus difficile.
Veja - Vous pensez quitter le PT ?
Heloísa Helena - Je vais utiliser toute ma capacité de lutte et de travail pour, entre autres choses, aider le PT à se rappeler nos discours enthousiastes d’opposition au gouvernement de Fernando Henrique Cardoso.
Mais je ne suis pas masochiste et j’ai toujours su qu’être sénatrice est une condition passagère. Le jour où pour être dans la politique, je devrai m’asseoir à une table avec des voleurs que l’on tolère, avec ceux qui font tout ce qui est condamné dans le Code pénal, et malgré cela sont reçus avec des sourires et en fanfare dans les salons de la haute société, ce jour-là j’irai manger de la craie dans les salles de cours.
Je retournerai, heureuse, enseigner à l’Université fédérale d’Alagoas. Pour moi, c’est chaud ou c’est froid. Le tiède, ça me fait vomir. De plus, ma relation d’amour et d’identité n’est pas avec le sigle. Lorsqu’il ne représentera plus que cela, même si je pleurerai en embrassant l’étoile du PT, tout ce qui pour moi deviendra alors un souvenir du passé, je m’en irai.
Veja - Beaucoup de gens vont s’en réjouir.
Heloísa Helena - Je sais bien. Au train où vont les choses, je vais peut-être même finir par me transformer pour eux en un souvenir amer. Mais les partis naissent et meurent. Parfois, ils restent en vie du point de vue de la législation électorale, mais ont été enterrés dans leur raison d’exister. J’espère que le PT ne deviendra pas très vite un souvenir historique. Nous le saurons cette année. C’est l’année la plus importante dans l’histoire du Parti des travailleurs.
Veja - Pourquoi ?
Heloísa Helena - C’est l’année où nous allons discuter les budgets, la politique sociale, si nous allons ou non faire cet excédent qui est voulu par les parasites du FMI. Et ce sera également l’année de trois batailles essentielles : la flexibilisation de la législation du travail, l’altération de la législation sur les retraites, et l’autonomie de la Banque centrale. Et en ce qui concerne ces trois questions, il n’y a pas de concession possible. En tout cas de ma part, il n’y en aura aucune.
Veja - Vous êtes opposée au projet d’unification des régimes de retraite avancé par le gouvernement. Comment, à votre avis, peut-on garantir l’avenir du système des retraites ?
Heloísa Helena - Cela me met vraiment en colère lorsqu’ils commencent à parler de l’avenir des retraites, parce que cela masque un secret du gouvernement lui-même, qui ne reverse pas au système sa contrepartie. Et qui détourne - de façon illégale, immorale et officielle - des ressources qui devraient lui revenir. Cette histoire d’avenir du système des retraites est une petite chanson cynique et mensongère.
Veja - Vous considérez-vous intransigeante, ainsi que vous classifient vos collègues du PT ?
Heloísa Helena - Ce n’est pas une question d’intransigeance, ni d’idée fixe. Je ne respecte l’idée fixe que chez les gens qui ont des problèmes de santé mentale. La question est tout autre. Voyez : nous avons participé à un référendum contre le paiement de la dette extérieure. Nous avons approuvé une résolution qui condamne avec véhémence l’accord avec le FMI et ses conséquences - et cela dans la Rencontre Nationale du PT, c’est-à-dire la plus haute instance de la démocratie du parti.
Nous avons exigé une commission parlementaire d’enquête afin d’identifier les banquiers qui ont fait des profits de 1000 % grâce à des délits d’initiés. Comment pouvons-nous maintenant laisser ces gens, qui ont participé à ce processus depuis les structures de la Banque centrale, rester en place à la direction de la Banque centrale ?
Soit nous devons nous excuser humblement auprès de ces personnes que nous avons accusées, de leurs familles et de la société, soit nous devons ouvrir des procédures d’enquête à l’intérieur même de la structure du gouvernement.
Veja - Est-ce que vous vous référez à Tereza Grossi (directrice de la fiscalité de la Banque centrale sous la gestion de Arminio Fraga, qui a été mise en congé de son poste après avoir été suspectée dans le scandale de la Banque Marka) ?
Heloísa Helena - Quelle justification y a-t-il à protéger Mme Tereza Grossi ? La présomption d’innocence est une nécessité. Mais ceci dit, les gens ne peuvent pas accepter non plus cette farce. Ou bien nous faisions de la démagogie politique, en amusant la galerie lorsque nous disions cela à la tribune du Congrès, et aussi quand nous demandions que l’on vote pour nous pendant la campagne électorale, ou bien nous devons maintenant nous expliquer.
Parce que ce que l’on n’a pas le droit de faire, c’est de s’approprier les mouvements sociaux pour obtenir des voix, et ensuite adapter son discours à ceux qui l’écoutent. Cela, je ne l’accepte pas et ne l’ accepterai jamais.
Veja - Pensez-vous que Lula a trahi le programme de gouvernement ?
Heloísa Helena - Je préfère ne pas répondre à cette question. Je ne crois pas juste de tout concentrer sur lui.
Veja- Avez-vous parlé au président après sa prise de fonctions ?
Heloísa Helena - Non. Et je peux comprendre qu’en tant que président, il ait beaucoup de tâches pour cela. Mais je ne crois pas que ce qui se passe soit la faute de Lula, ce n’est pas un problème de malveillance individuelle. Ce qui se passe, c’est une inacceptable démonstration de faiblesse du parti, le fait de ne pas s’approprier un moment historique aussi beau pour rendre viables les profonds changements dont le Brésil a besoin et que le PT avait promis dans son programme. C’est très triste de le dire, mais je pense que la peur a vaincu l’espérance.
Veja - Quel type de réactions provoque ces critiques ?
Heloísa Helena - Il y a des gens qui disent que je suis en train de prêcher dans le désert. Je sais bien que ce n’est pas le cas. Mais même si je n’étais accompagnée que de moi-même, je serais en bonne compagnie. Beaucoup de gens qui m’aiment m’ont conseillé de ne pas donner cet entretien, de cesser de parler et de mettre en cause mon parti. Pour moi, ce serait beaucoup plus facile de rester tranquille, en cachant ce que je pense. Je serais en train de partager les biens du pouvoir dans mon Etat, de nommer tel directeur à la tête de je ne sais quelle institution.
Non seulement je n’ en suis pas, mais j’ai su qu’ils disaient çà et là que figurer sur une liste de recommandation de Heloísa Helena était le plus sûr moyen de rester en dehors du gouvernement.
Electoralement, tout cela est très mauvais pour moi. Parce que la posture et toutes ces choses symboliques comptent beaucoup en politique.
Veja - Egalement dans le PT ?
Heloísa Helena - Bien sûr. J’ai parlé du cynisme et de la dissimulation de ceux que j’ai appelé les néopétistes, mais c’est injuste. Comment pourrais-je critiquer ces gens qui de façon opportuniste se déclarent pétistes de portefeuille, alors que très souvent vous voyez le pouvoir séduire des personnes au sein de votre propre parti ?
Veja - Comment s’exerce cette séduction ?
Heloísa Helena - Le pouvoir est quelque chose de terrible. Les gens devraient s’entraîner tous les jours pour résister à sa séduction. Vous êtes à l’aéroport et vous vous retrouvez dans une salle pour VIP, vous êtes invité à faire des voyages à l’étranger, vous avez toute une structure d’adulation qui se monte autour de vous, toutes les possibilités qui s’ouvrent à vous à cause de votre fonction. C’est pourquoi à la maison je dis à mes fils : ne vous mettez pas dans ces histoires de salle VIP ou de « je suis le fils d’une sénatrice ». Je vis dans un appartement fonctionnel, où le canapé est là pour tout le monde. C’est pourquoi mes fils n’ont pas le droit d’y mettre leurs chaussures.
(...)
* On trouvera ci-après la plus grande partie de l’entretien réalisé par Veja,. Cet hebdomadaire est très diffusé au Brésil. L’entretien a été publié dans son numéro 1787 du 29 janvier 200 (il peut être consulter sur le site : veja.abril.com.br/290103/entrevista.html.
Le lecteur pourra y trouver des parties de l’entretien qui concerne la vie privée de Heloisa Helena.
(tiré du site A l’encontre)