Urgence pour les quartiers
Tiré de Rouge n° 2202, 19/04/2007
En 2005, le gouvernement a répondu au soulèvement des quartiers populaires par la répression. La politique à mettre en place, favorisant les services publics, est tout autre.
La révolte des quartiers durant l’automne 2005, a permis de faire émerger la situation d’abandon et de discrimination que subissent les habitants de nombreux quartiers et cités populaires. Des années de politiques libérales ont conduit à cette situation : démantèlement des services publics, comme l’illustrent la réduction drastique de moyens pour l’Éducation nationale, généralisant l’échec scolaire, ou la suppression de nombreux centres de santé de proximité ; dégradation de l’habitat et ségrégation urbaine ; licenciements et fermetures d’entreprises dans les villes et cités ouvrières. Ces quartiers sont des zones de non-droits sociaux et d’insécurité sociale !
Dans les villes classées « zone sensible » urbaine, le taux de chômage est le double du chiffre national (20,7 %). Le fait d’être jeune, immigré ou femme, accroît les risques de chômage dans ces quartiers : 36 % des garçons et 40 % des filles y sont sans emploi ! Dans de nombreux quartiers populaires, les enfants n’ont jamais vu leurs parents avoir un véritable travail. Les zones franches créées dans ces quartiers ne bénéficient jamais aux habitants des quartiers, mais elles favorisent les entreprises qui bénéficient de multiples exonérations de charges sans obligation d’embaucher des salariés sur place. Les discriminations y sont multiples, particulièrement celles concernant l’embauche et l’accès au logement. Les contrôles au faciès, souvent plusieurs fois par jour, y sont courants, et ils sont insupportables pour tous les jeunes « issus de l’immigration » ou originaires des DOM-TOM.
Pour lutter contre l’exclusion et les discriminations, il faut un véritable plan d’urgence pour les quartiers, autour de plusieurs axes. D’abord, il faut y faire revenir et y développer les services publics, notamment d’éducation, de santé, de logement et culture. Concernant l’éducation, la LCR est opposée à la remise en cause du principe de la carte scolaire. Il faut donc se donner les moyens de le maintenir, en créant les conditions sociales, matérielles et pédagogiques, qui le rendent possible. Le manque de reconnaissance que subit la jeunesse des cités et des banlieues trouve une de ses bases dans la ghettoïsation urbaine et scolaire.
En attendant, il n’y a pas de raison que l’école accentue la ségrégation. Ainsi, l’écart des crédits alloués par les collectivités locales aux écoles primaires varie d’un à sept en fonction de la richesse de la commune. Il faut « donner plus à ceux qui ont moins ». Cela veut dire développer les zones d’éducation prioritaires (ZEP) et les moyens en personnel mis à leurs disposition. Passer de 22 à 17 élèves permet de réduire de près de 45 % l’inégalité en maths à l’entrée en CE2. Doubler les moyens financiers consacrés aux ZEP représente 500 millions d’euros, soit 0,9 % du budget de l’Éducation nationale.
Mettre l’emploi au centre
Concernant le logement, la seule application de la loi SRU apporterait un changement important, en multipliant le nombre de logements sociaux. Nous sommes pour l’inéligibilité des maires qui ne respectent pas cette loi. Construire rapidement le million de logements sociaux qui manquent, dans le cadre d’un service public du logement, permettra, au-delà du fait de la réponse apportée aux 3,2 millions de personnes sans abri ou souffrant du mal-logement, de répondre aux discriminations à l’obtention d’un logement. La ségrégation est accentuée par le fait que, le plus souvent, les bassins d’emplois sont loin des lieux d’habitation des salariés. Ce phénomène s’accentue avec la spéculation immobilière et les politiques urbaines qui consistent à envoyer les plus modestes loin des lieux d’activité et des centres-villes. Au-delà du rapprochement des personnes de leur lieu de travail, il faut mettre en place la gratuité des transports en commun et développer des liaisons tram-train afin d’en finir avec l’isolement et la ségrégation urbaine. Concernant la santé, il faut réimplanter des centres de santé de proximité qui permettent l’accès aux soins pour tous et toutes et garantissent une réponse adaptée aux besoins.
Deuxièmement, il faut mettre en place une politique qui mette au centre l’emploi, la formation qualifiante et diplômante. Il faut interdire les licenciements, créer les emplois nécessaires à l’amélioration et à l’extension des services publics, comme par exemple un service public de la petite enfance ou celui du quatrième âge. Cela représente 1 million d’emplois. Il faut également une allocation mensuelle d’autonomie de 800 euros pour les jeunes, qui leur permette de se former et d’étudier sans avoir à travailler à côté.
Enfin, il faut le rétablir et augmenter les subventions aux associations de terrain et aux politiques de prévention, notamment par le développement de lieux d’accueil pour les jeunes. Dissoudre les brigades anticriminalité (BAC) est une mesure d’urgence, afin d’arrêter le traitement policier des quartiers.
Un plan d’urgence pour les quartiers nécessite des décisions fortes de la part du gouvernement, afin que chacun ait un emploi durable, un salaire augmenté de 300 euros net, un logement de qualité. Changer la vie dans les quartiers ne peut se faire qu’avec le concours actif de la population, à travers les associations de terrain.
Anne Leclerc