Le sceau approuvant le référendum présidentiel vénézuélien qu’ont apposé ce lundi l’Organisation des Etats américains (OEA) et le Centre Carter pour la Paix étasunien ouvrira la voie à une nouvelle étape de la " révolution bolivarienne " d’Hugo Chávez.
Dans son premier discours ce matin [16 août 2004], après la publication du premier communiqué des résultats qui a comptabilisé presque 59 pour cent de votes valides en faveur du NON à la révocation du mandat du gouvernement, Chávez a annoncé que le Venezuela s’acheminerait résolument vers le dépassement des injustices économiques et sociales héritées du " néolibéralisme sauvage " et vers la réconciliation nationale.
De nouveau légitimés au pouvoir, ses partisans disposeront désormais d’une force renouvelée pour imposer au parlement des projets de restructuration du Pouvoir judiciaire, d’établissement d’une police nationale (au lieu des polices municipales et des polices des états), et une loi de responsabilité sociale des médias.
Chávez a indiqué, en outre, qu’il se proposait d’institutionnaliser les brillantes " missions " d’éducation, de santé et de développement économique et social qu’il a mises en œuvre pour pallier l’inefficacité de l’appareil d’état vénézuélien.
Le secrétaire général de l’OEA, César Gaviria, et l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter (1977-1981) ont pressé l’opposition d’accepter les résultats partiels diffusés par le Conseil national électoral (CNE) et qui attribuent au OUI à la révocation un peu plus de 41 pour cent , parce qu’ils concordent avec les décomptes parallèles des observateurs, y compris ceux de l’organisation d’opposition Súmate.
La déclaration conjointe de Gaviria et Carter, en conférence de presse, a surpris les troupes de l’opposition qui jusqu’alors voyaient en eux des alliés, et a provoqué des réactions de fureur et des insultes lors d’une manifestation féminine improvisée devant l’hôtel où logent les délégations.
Prenant un important virage stratégique, avant même l’annonce des observateurs, le principal parti d’opposition, la sociale-démocrate Action démocratique (AD) a dénoncé une " fraude gigantesque " de la part du CNE, mais il a souligné qu’il allait recourir exclusivement à la lutte politique pour la combattre.
Manifestant une réaction insolite de la part de gens qui se considèrent des vainqueurs lésés, le leader de l’AD, Henry Ramos Allup, a dit qu’au lieu de protester contre la fraude, l’opposition consacrerait le lundi [16 août 2004] à recueillir des documents pour en faire une présentation légale pendant la semaine.
" Permettez-nous un peu de penser ", a dit Ramos aux journalistes d’opposition perplexes.
Les partisans de Chávez célébrant la victoire de leur "comandante". (Venpres)
L’AD a ainsi marqué sa différence avec les autres opposants, qui ont lancé des appels répétés à un coup d’Etat militaire et à la violence pour en finir avec le gouvernement de Chávez. Parmi ces dirigeants se trouve Carlos Andrés Pérez, l’un des chefs historiques de l’AD qui fut président du Venezuela de 1974 à 1979 et de 1989 jusqu’à sa destitution en 1993 pour corruption.
Pour sa part, le président Chávez a annoncé que la victoire à cet " examen " de la moitié de son mandat de six ans constituait un record mondial en matière de " démocratie participative et de premier plan ".
" Ce gouvernement garantit la stabilité du Venezuela comme aucun gouvernement ne pourrait le faire ", a dit Chávez.
D’autre part, il a ajouté que le Venezuela garantissait à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) la stabilité du marché des hydrocarbures.
Dans un message aux Etats-Unis, il a déclaré qu’il " formait des vœux pour que cette victoire, cette leçon de démocratie, de citoyenneté, de civilité et d’amour de la paix, permette au gouvernement de la plus puissante nation de la Terre de réfléchir et désormais de respecter le peuple du Venezuela ".
Portant un nouveau coup à l’opposition, un porte-parole du département d’Etat étasunien a réitéré ce lundi sa confiance totale dans la mission d’observation dirigée par Carter, sur le jugement de laquelle, a-t-il annoncé, il baserait sa position à l’égard des élections.
Carter et Gaviria n’ont laissé aucune place au doute sur les points qu’ils ont vérifiés. " Le Venezuela tout entier devrait accepter les résultats du Conseil électoral, sauf preuve tangible de fraude. Pour notre part, nous n’en avons reçu aucune ", a dit Carter.
Carter a révélé que les décomptes rapides de l’organisation électorale d’opposition Súmate concordaient avec ceux des observateurs et du CNE, et il a signalé qu’il avait exprimé sa position en privé aussi bien aux dirigeants de l’opposition qu’aux patrons des médias privés.
Súmate, en conférence de presse, a confirmé que ses résultats concordaient avec ceux qui donnent la victoire à Chávez, mais elle a exprimé des doutes à propos du processus électoral même, basé sur le vote électronique, et opéré par une entreprise étasunienne spécialisée.
Les porte-parole de Súmate ont demandé aux observateurs internationaux de prendre en charge les bulletins qui devront concorder avec les résultats électroniques, une demande qui n’a aucune chance d’aboutir.
Cependant Gaviria a écarté toute possibilité de fraude électronique, vu que le système " est conçu de manière à rendre impossible la manipulation du résultat final ", et il a fait remarquer que la transmission des données avait été assumée par l’entreprise privée de télécommunications CANTV, dont les cadres sont ouvertement favorables à l’opposition.
Après l’accalmie matinale de ce lundi que Chávez a déclaré férié après une journée électorale de presque 24 heures consécutives, les rues de Caracas ont peu à peu commencé de se remplir de monde dans l’après-midi, la majorité pour fêter le triomphe de Chávez, les autres pour répudier Carter et Gaviria.
Source : IPS, 16 aôut 2004.
Traduction : Hapifil, pour RISAL.