Cet article a paru dans Tout est à nous n°13
du 18 juin 2009
Dimanche 7 juin [en France à l’heure des élections européennes], toute la classe politique était devenue écologiste. Trois jours plus tard, le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, annonçait le début du chantier sur la « contribution climat-énergie », ou taxe carbone. Ce projet était déjà au cœur du pacte de Nicolas Hulot en 2007, et il avait fait l’objet de décisions lors du Grenelle de l’environnement. Même si une telle taxe ne serait mise sur pied qu’en 2011, ministres et experts s’agitent et organisent, début juillet, une « conférence de consensus » chargée de définir précisément en quoi consistera cette taxe. Mais on peut déjà en avoir une petite idée.
Pour Jean-Marc Jancovici, proche de Hulot, la taxe carbone doit juste rendre visible sur les prix le réel coût des produits : les prix doivent intégrer le coût induit par la quantité de carbone nécessaire à leur production. Derrière cet apparent bon sens, se cache une arme redoutable : faire payer aux consommateurs les conséquences d’un système de production et de transport fondé sur l’exploitation des ressources naturelles. Il ne s’agit surtout pas de s’attaquer à la façon dont les productions sont organisées…
Bien que les entreprises soient citées comme devant être touchées par la taxe carbone, elles bénéficieront de nouvelles baisses de cotisations sociales. Par ailleurs, les entreprises qui participent au marché européen des droits d’émissions de gaz à effet de serre seront exemptées de la taxe, malgré la faiblesse des réductions en la matière. Les travailleurs sont doublement dupés : quand les prix auront augmenté, et quand leur salaire différé aura diminué ! Une récente étude de l’université de Cambridge sur les taxes carbone des pays du nord de l’Europe illustre cette logique. Dans cinq pays, la taxe a surtout permis de relancer la croissance et de favoriser la compétitivité des entreprises grâce à la réduction des coûts salariaux. En Suède, les ménages contribuent 2,5 fois plus que les industries, et chaque augmentation de la taxe est compensée par une baisse des cotisations.
Le gouvernement français joue sur la prise de conscience de l’urgence climatique pour engranger de nouvelles recettes fiscales, afin de compenser le paquet fiscal et la baisse de la taxe professionnelle. Par ailleurs, en ne ciblant que les énergies fossiles, la taxe carbone favorise le nucléaire, dont les usages ne seraient pas taxés.
Pendant ce temps, l’Union européenne ou le sommet des seize pays gros émetteurs de carbone continuent de fixer des objectifs de réduction de gaz à effet de serre tellement bas, qu’ils ne pourront éviter les prochaines catastrophes. Les fanfaronnades de Sarkozy – investir autant dans les énergies renouvelables que dans le nucléaire – ne peuvent cacher l’incapacité d’un gouvernement capitaliste à s’attaquer réellement aux causes profondes de la crise climatique. Que Daniel Cohn-Bendit tresse des lauriers au Grenelle et à Borloo n’en est que plus désolant.
Une fiscalité écologiste n’a de sens que si elle garantit l’égalité sociale. Elle doit prendre place dans une politique globale de réduction des gaz à effet de serre, par la réduction drastique des consommations d’énergie, la sobriété énergétique et la création de services publics européens des énergies propres, ce qui nécessite des ruptures avec les modes actuels de production, de consommation et de transports.
Vincent Gay
Cet article a paru dans Tout est à nous n°13 du 18 juin 2009