Le 12 décembre 2003, Paul Martin devient officiel-lement le premier ministre du Canada. Si on se fie à l’histoire du personnage, son accession au pouvoir n’annonce rien de bien pour la majorité de la popu-lation canadienne. Car, en fait, qui est donc Paul Martin ?
Un accumulateur calculateur
Paul Martin a fait ses classes chez Power Corpo-ration durant les années 1960 et 1970. Président de la Canada Steamship Lines à l’âge de 35 ans, il a diversifié ses avoirs et a élargi sa fortune. Aujour-d’hui, cette dernière est estimée à 700 millions de dollars. Il a récemment cédé la responsabilité de ses entreprises à ses fils et à sa femme. C’est là s’ache-ter une respectabilité à peu de frais. Il est vrai que Paul Martin n’a jamais été très pointilleux sur ces questions.
Un ancien ministre des finances insensible au sort des plus démunis et démunies
Carriériste conséquent et fils d’une famille de poli-ticiens libéraux, Paul Martin se lance en politique en se présentant au poste de chef du Parti libéral du Canada au début des années 1990. Il est alors défait par Jean Chrétien. Mais il deviendra bientôt son ministre des finances.
Comme ministre des finances, Paul Martin s’est révélé un néolibéral insensible, n’hésitant pas à couper dans les dépenses sociales, à s’accaparer des surplus du fonds de l’assurance-chômage pour effa-cer le déficit de l’État fédéral. C’est près de 30 milliards de dollars qui ont été ainsi détournés de cette caisse. Il s’est attaqué aux revenus des chômeurs et des chômeuses et a diminué leurs possibilités d’accéder à l’assurance-chômage. Seuls 4 chômeurs et chômeuses sur 10 y ont maintenant accès. C’est un recul considérable qu’il a ainsi imposé aux plus démunis et démunies. Il a diminué les transferts fédéraux aux gouvernements provinciaux tout en faisant pression sur ces derniers pour qu’ils diminuent leurs dépenses sociales.
Le chef de la caste mandarinale outaouaise
Si son passé est garant de l’avenir, il ne faut pas s’attendre à une amélioration de la situation de la majorité de la population canadienne avec Martin au pouvoir. Comme premier ministre, Paul Martin concentrera un pouvoir énorme et il sera le maître-d’oeuvre de politiques concoctées par le Bureau du premier ministre qui concentre l’ensemble du pou-voir de l’exécutif. Il est maintenant le chef de cette caste qui veille à la centralisation des pouvoirs dans l’État canadien et son utilisation pour le plus grand profit des élites économiques.
Un défenseur inconditionnel des milieux d’affaires !
Paul Martin a annoncé les grandes lignes des poli-tiques qu’il nous prépare. Le patronat jubile déjà. Après le déficit, Paul Martin veut maintenant s’atta-quer à la dette tout en promettant des baisses d’im-pôt. Pour ce qui est de l’élargissement des services à la population, ce n’est pas sa priorité.
Un promoteur de la pauvre armée canadienne... Paul Martin a déjà annoncé qu’il va augmenter les investissements dans les dépenses militaires. Son diagnostic : les forces armées canadiennes sont in-suffisamment pourvues en effectifs, sous-financées et sous-équipées. Les dirigeants militaires et le complexe militaro-industriel canadien salivent déjà !
Un ami du président Bush
Bush, a-t-on pu lire, a applaudi à l’élection de Martin à la direction du Parti libéral du Canada. Et il a sans doute de bonnes raisons de se réjouir. En effet, Paul Martin a promis de faire du rapproche-ment politique avec l’administration américaine une de ses priorités. Des contrats militaires pour les entreprises américaines ne devraient pas nuire. Le soutien au projet de bouclier anti-missile du pré-sident américain devrait également aider à rapprocher les comparses. Le soutien à ce projet signifie la rupture avec la politique canadienne des dernières décennies sur la non-prolifération des armes de destruction massive et l’alignement sur la position américaine en cette matière. Parmi les preuves de loyauté, Paul Martin proposerait la formation d’une force policière internationale pour mettre fin à la détérioration de la sécurité intérieure irakienne sans parler de la poursuite de l’engagement en Afghanistan.
Ce rapprochement conduit Paul Martin à envisager l’exploitation des sables butimineux du Nord cana-dien afin de fournir les États-Unis en combustibles fossibles. En prenant ses distances d’avec le protocole de Kyoto, Paul Martin s’assure d’aplanir une autre divergence importante avec l’administration américaine.
Un fédéraliste centralisateur
Paul Martin est un fédéraliste centralisateur. Les grands axes de ce centralisme s’inscrivent dans la suite des principaux axes de l’Union sociale cana-dienne : reconnaissance de la légitimité du pouvoir fédéral de dépenser sans tenir compte des sphères de compétence fédérale ou provinciale ; envahis-sement des juridictions provinciales ; contrôle fédéral des politiques provinciales ; absence de droit de retrait des programmes décidés par Ottawa... C’est en suivant ces orientations centra-lisatrices que Paul Martin fait de l’intervention en éducation, en santé et en direction des municipa-lités, trois secteurs de compétence provinciale, des priorités de son action.
Un chauvin canadien
Ce centralisme s’articule à une politique de nation building dont un des principaux axes est la négation de la réalité nationale du Québec. Paul Martin a soutenu la loi sur la clarté qui nie le droit à l’auto-détermination du Québec en fixant unilatéralement la tenue d’un référendum reconnu comme légitime. Toute sa politique s’inscrit dans une politique de normalisation du Québec visant à refouler ses aspirations nationales. Paul Martin aspire à faire reculer les positions syndicales et populaires dans l’ensemble de l’État canadien. La droite canadienne (fusion de l’Alliance et des Conservateurs) se promet d’aller plus loin dans cette direction. On n’a pas à se payer d’illusions. Martin ne nous prépare rien de bon. Construire les alliances les plus larges pour résister aux offensives qui se préparent est la seule voie qu’il nous reste.