Je suis d’accord avec lui. « Cette absence est une vieille affaire ». De fait nous vivons « des temps lamentables ». Nous devons prendre en compte cette importante réalité quand nous analysons la force de la gauche au Canada et au Québec. (Au Québec, la situation n’est pas aussi extrême).
Le réveil d’un mouvement social est le meilleur outil pour renforcer la gauche. Selon moi, nous devrions diriger nos efforts en ce sens. Nous avons besoin à la fois du mouvement social et des organisations politiques.
Je pense qu’il y a beaucoup de preuves que de nouvelles organisations politiques de gauche pourraient émerger quand de puissantes expériences de mobilisation sociale auront réussi à radicaliser un grand nombre de personnes, à les inspirer, les engager, à développer leurs habiletés et leur confiance en eux et dans le mouvement. C’est ce qu’un nombre croissant de personnes ont acquis en 2000-2002 dans la lutte pour la justice globale.
Nous devrions penser la stratégie à long terme et reconnaître qu’il n’y a pas de raccourcis pour arriver à nos fins. Le meilleur espoir de renforcer ceux et celles qui veulent faire plus que de mettre le NPD au pouvoir, (d’autant plus que sa direction a clairement endossé le néo-libéralisme), c’est d’entreprendre le patient travail d’organisation de la base dans les lieux de travail, sur les campus, dans les communautés. C’est là qu’il faut semer les graines d’un futur mouvement de masse.
Un peu partout, il n’y a pas de véritables mouvements. Au mieux, il y a de petites organisations dont l’objectif est bâtir des mouvements. Pourtant le potentiel pour la construction de tels mouvements est bien présent. Nous sommes dans une période où la lutte pour la justice est nécessaire, où les Premières Nations doivent défendre leurs terres, où les non-indigènes doivent faire preuve de solidarité, où il faut mener des campagnes contre les politiques d’austérité dont celle pour que Poste Canada ne mette pas fin à la distribution du courrier de porte à porte, où il y a à faire dans tous les milieux de travail et dans les communautés.
CertainEs vont nous accuser, Derrick et moi, de pessimisme. Ils et elles soutiendront par exemple que « Le changement radical est impossible », « Notre civilisation est déjà perdue. Alors cessez de vous battre pour une société meilleure et préparez-vous à l’effondrement ». C’est vraiment démobilisant.
Nous devons absolument analyser notre conjoncture le plus intelligemment et le plus sérieusement possible même si les conclusions ne sont pas excitantes. Il faut résister à la tentation de minimiser les problèmes de peur que nous, ou d’autres, succombent au désespoir et démissionnent.
On peut opposer une vision plus optimiste : « Il n’y a jamais eu meilleur moment pour être socialiste », « La société est sur le fil du rasoir et la moindre étincelle peut déclencher la lutte », « Les choses vont tellement mal qu’inévitablement les gens vont se lever et faire ce qui s’est fait en….(choisissez le pays que vous voulez). Ce genre de discours pourrait motiver des gens et les lancer dans la lutte pour un certain temps.
On pourrait s’arrêter sur cela au mépris des preuves contraires. Beaucoup ne mettrons pas longtemps à comprendre que c’est faux. Malheureusement ils et elles se retireront et ne seront pas là pour construire de meilleures bases et poursuivre le combat. Une perspective que n’a que de faibles bases ne permettra pas quoique ce soit qui puisse rester fort.
Heureusement, deux livres doivent être édités prochainement. 1- Celui d’Alan Sears, The Next New Left : A History of the Future. 2- Celui de Richard Seymour, Against Austerity : How We Can Fix the Crisis They Made. J’espère que plusieurs liront ces livres et d’autres, discuteront sur la base de ces efforts pour réfléchir sérieusement aux problèmes auxquels nous sommes confrontéEs et pour nous projeter en avant.
Ce n’est demain que la gauche canadienne se retrouvera forte. Ce que Sears nomme « l’infrastructure de la dissidence » est très faible ici même si au Québec ce n’est aussi pire. Il faudra un mouvement rénové pour dépasser cette situation.
Dans une telle conjoncture, nous devrions mettre dans nos priorités les efforts à faire pour construire le mouvement de protestation. Il faut aussi prendre en main l’éducation politique. C’est trop important pour la laisser aux académicienNEs. Les radicaux devraient chercher de nouvelles opportunités pour collaborer sur le terrain politique. Solidarity Halifax est un exemple en ce sens.