Près d’un million de personnes ont convergé dans les rues de Washington pour défendre le droit à l’avortement, dimanche 25 avril. Aux cris de "Mon corps n’est pas une propriété publique", les manifestantes étaient souvent très jeunes. Une nouvelle génération féministe vient peut-être d’éclore. La manifestation, sans doute la plus importante jamais organisée sur ce sujet, était la première depuis 1992. Un succès qui en appelle d’autres, pour peu que le mouvement se débarrasse de certaines illusions. Face aux manifestantes, Hillary Clinton n’hésitait pas à déclarer : "La seule manière de ne pas avoir à manifester encore et encore est d’élire John Kerry président". Sauf que c’est justement parce que les dirigeantes féministes prodémocrates ont organisé la démobilisation, pour ne pas gêner l’(in)action de Bill Clinton, que la droite chrétienne a pu reprendre l’offensive, sous Clinton puis, plus brutalement, sous Bush. C’est oublier également qu’en mars dernier, 47 élus démocrates ont mêlé leurs voix à celles des républicains pour conférer au foetus un statut légal distinct de celui de la mère.
En France, le droit des femmes à l’avortement est également menacé. Par la pénurie en personnels et en moyens organisée par les pouvoirs publics dans les centres IVG. Par l’offensive idéologique des Mattéi et consorts qui cherchent par tous les moyens - y compris sous la forme d’un amendement (Garraud) à la loi sur la sécurité routière - à conférer un statut juridique au foetus et à l’embryon. Très vigilants sur ce qui constitue une victoire majeure du mouvement féministe et dont les conséquences ont été incalculables pour l’ensemble de la population, le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac) et le Mouvement français pour le planning familial (MFPF) ont su déjouer par leurs mobilisations ces visées réactionnaires. Ce sont les mêmes qui ont organisé, lundi 26 avril, à Paris, une manifestation de soutien à celle de Washington.
En France comme aux Etats-Unis, il faudra encore et encore manifester, quel que soit le président en place, pour que le mouvement féministe impose par lui-même ses revendications.
Luc Marchauciel et Pauline Terminière
Rouge 2062 29/04/2004