1. L’offensive systématique
Depuis plusieurs de décennies maintenant, le capitalisme canadien a lancé une vaste offensive contre les classes ouvrière et populaires visant à augmenter le taux de profit des entreprises, à bloquer la progression du pouvoir d’achat, à diminuer les allocations de chômage, à rendre de plus en plus inéquitable le système d’imposition, à favoriser la privatisation de secteurs du système de santé et de la fonction publique. Cette offensive visait également à développer la flexibilité du travail et à affaiblir le mouvement syndical dans son ensemble.
Cette offensive visait une nouvelle répartition des revenus entre les classes. Elle s’est combinée à une offensive contre la nation québécoise visant non seulement la négation de son droit à l’autodétermination, mais également à nier la réalité même de la nation québécoise. Après leur victoire à l’arraché au référendum de 1995, cette offensive s’est concrétisée tant par la loi sur la clarté que par l’utilisation systématique de son pouvoir de dépenser pour occuper les champs de compétence du Québec.
Depuis les événements du 11 septembre, cette offensive s’est inscrit dans les volontés de Washington d’instaurer un état de guerre permanent "contre le terrorisme" et de réduire pour ce faire les droits démocratiques et d’instaurer une série de lois répressives à cette fin. Ottawa, comme les autres pays occidentaux, s’est rallié à ces objectifs et a été conduit à participer aux efforts de guerre de Washington, particulièrement en Afghanistan.
2. Une résistance erratique
Malgré d’imposantes mobilisations, le mouvement syndical et les autres mouvements sociaux ne sont pas parvenus à bloquer cette offensive. Ces mobilisations se sont souvent matérialisées dans un cadre régional. Ainsi, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique ont connu d’imposantes mobilisations syndicales et populaires mais qui ne sont pas parvenues malgré leur ampleur, ces mobilisations à bloquer les plans de la bourgeoisie. Les mobilisations pan canadiennes contre la guerre et contre les politiques de réarmement (le bouclier anti-missile) a empêché un ralliement trop ouvert à Washington, mais n’a pas bloqué la participation canadienne à la globalisation militaire.
Si les attaques contre le Québec ont marqué des points avec la victoire au référendum de 1995, le gouvernement fédéral et ses alliés ne sont pas parvenus à faire reculer de façon significative les sentiments indépendantistes au sein de la population québécoise.
Il n’en reste pas moins que l’ensemble de ces mobilisations ont nourri une désaffection envers les institutions politiques et leurs représentant-e-s tant au niveau fédéral qu’au niveau des provinces.
3. Une crise politique durable de l’État canadien
Cette crise revêt plusieurs formes. C’est une crise qui combine une crise de légitimité des institutions étatiques, une crise de direction politique et une crise liée à la question nationale du Québec.
Cette crise de légitimité a été nourrie par le scandale des commandites. Ce scandale a montré l’ampleur de la corruption frappant l’administration fédérale et à quel point, les politiciens et les amis du régime pensaient pouvoir tous se permettre avec les deniers publics. La chute de la participation aux élections est une autre illustration que la légitimité des institutions politiques est en nette régression.
Le Parti libéral du Canada a vu sa base s’effriter au Québec. Le Parti conservateur ne parvient pas à construire une base importante au Québec malgré une certaine remontée car il défend une position régionaliste qui reste avant tout définie par le rejet de la réalité nationale du Québec et de son droit à l’autodétermination. L’intermède Mulroney semble fort lointaine. La bourgeoisie canadienne ne parvient donc pas à construire un véritable parti pan canadien ayant un enracinement significatif dans toutes les régions du pays. Cette situation nourrit une instabilité gouvernementale. Si la prochaine élection devait déboucher, encore une fois, sur un gouvernement minoritaire, ce qui est tout à fait possible, le situation d’instabilité gouvernementale deviendrait une caractéristique de la gouvernance au Canada.
La social-démocratie canadienne (le NPD) n’arrive pas à se définir comme une alternative au niveau canadien. Cette incapacité repose principalement sur son chauvinisme qui l’empêche de reconnaître réellement et de façon militante le droit du Québec à l’autodétermination. Le ralliement de Jack Layton à la Loi sur la clarté est une nouvelle illustration de ce chauvinisme qui le rend incapable de se construire une base significative au Québec. Ce destin historique de troisième parti conduit le NPD à agir d’abord et avant tout comme un groupe de pression sur le PLC.Ceci l’a conduit à accorder son soutien à un gouvernement complètement corrompu dans le seul espoir de pouvoir donner une crédibilité à cette prétention de parti disposant de la balance du pouvoir.
Le Bloc québécois est passé d’un parti devant siéger une courte période à Ottawa à un parti bien installé dans les institutions fédérales. Comme l’a affirmé son chef, le Bloc a soutenu 80% des projets de loi présentés par le PLC. S’il manifeste et instrumentalise la crise de l’État canadien sur la question nationale, il n’offre aucune perspective autre que celle de son auto-perpétuation. Ces conditions matérielles d’existence le conduiront à défendre de plus en plus clairement une perspective associationniste dans le cadre de l’État canadien et devenir un instrument favorisant le glissement de l’ensemble du mouvement souverainiste vers des positions autonomistes dans la prochaine période.
Les élections fédérales constituent un moment de condensation de ces crises et elles démontrent tant la désaffection de la population face aux institutions parlementaires que l’incapacité de tous les partis de dépasser ces crises. Les forces ouvrières et populaires et les progressistes dans leur ensemble se retrouvent donc sans alternative au niveau de l’État canadien.