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Le débat sur la résolution « Écologie et Socialisme »

jeudi 1er mai 2003

Ce Congrès a été le premier dans l’histoire de la IVe Internationale à adopter une résolution sur l’écologie. Ce document, dont le projet fut publié dans Inprecor il y a presque deux ans, a été l’objet de débats soutenus au sein du Comité exécutif international (CEI) et amendé en conséquence par le comité de rédaction désigné par le CEI (1).

Au cours du Congrès une commission écologie s’est réunie, avec les délégué(e)s intéressé(e)s, pour discuter de certaines propositions d’amendements. La plus importante a été présentée par les camarades de l’International socialist group (ISG, la section britannique) : il s’agissait d’un document conçu par son auteur comme alternatif au projet de résolution, mais présenté par l’ISG simplement comme proposition d’amendements. L’idée centrale du texte était que la principale, sinon la seule, question qui devrait être traitée par la résolution était le changement climatique. Cette thèse était inacceptable pour les rédacteurs du projet, mais ils étaient d’accord pour renforcer la partie de la résolution qui traite de l’effet de serre et du changement climatique, en intégrant certains passages du texte anglais. D’autres remarques de ce texte ont été aussi considérées comme utiles et pouvant être intégrées, sous une forme ou une autre, dans la résolution. Ce fut la seule proposition écrite apportée au débat, à l’exception d’une intéressante contribution de deux pages d’un camarade japonais, « Impérialisme contre Nature », qui rendait hommage aux précurseurs de l’écosocialisme William Morris et Vladimir Vernadsky, et rappelait les critiques d’Ernest Mandel envers la confiance aveugle dans l’omnipuissance de la technologie, trait caractéristique de l’idéologie bourgeoise.

Le débat en séance plénière a été ouvert par une introduction du camarade Michael, qui insista sur l’importance de la question écologique pour le renouveau du programme marxiste révolutionnaire. Le projet de résolution est une première tentative pour combler notre retard dans ce domaine, face à des problèmes qui deviennent chaque jour plus urgents, et qui menacent l’avenir de l’humanité. Il nous incite aussi à revoir certains concepts traditionnels de la théorie marxiste, comme le « développement des forces productives », à la lumière de la crise écologique présente.

Le camarade Bernard, autre co-rédacteur du projet présenté au Congrès, est intervenu sur les axes suivants : a) Le mouvement ouvrier a toujours revendiqué plus de contrôle sur la production. Les luttes écologistes donnent à cette revendication une profondeur supplémentaire en faisant d’elle une exigence démocratique de transparence. Cette exigence rend aussi la question du contrôle social plus complexe car il ne s’agit plus seulement de l’intervention des travailleurs sur leur outil de production mais d’un contrôle démocratique qui associe toute la population avec parfois des contradictions à résoudre. b) Notre courant doit s’inscrire plus nettement, en particulier dans les pays impérialistes, dans la mise en cause des aberrations productivistes propres au système capitaliste, et esquisser les traits fondamentaux d’une organisation écosocialiste de la société. Le document proposé à ce congrès est un signe très important pour engager ce travail.

La plupart des intervenants dans le débat ont manifesté leur accord avec l’esprit général du document - un événement marquant dans la réflexion de notre mouvement, selon un camarade japonais - tout en proposant des précisions, des corrections, ou des actualisations (le scandale du pétrolier « Prestige » !).

Les principales exceptions sont venues de la section hollandaise. Une camarade a même proposé qu’on abandonne le projet et qu’on consulte plus largement les sections en vue d’en rédiger un autre... Suite à un échange amical avec le rapporteur, elle a modifié sa proposition dans un sens constructif, en suggérant qu’on convoque après le Congrès Mondial un séminaire écologique international de notre mouvement, pour continuer l’élaboration. Cette suggestion a été acceptée par le rapporteur : au futur Comité International de définir les dates et modalités de ce séminaire. Un autre camarade des Pays-Bas a critiqué l’esprit général du document, et surtout de son programme d’action - à son avis une liste de bonnes intentions peu réalistes : par exemple, la proposition d’une sortie immédiate du nucléaire, qui mettrait en panne 70 % des foyers français et belges. Il a aussi attiré l’attention sur l’importance des déchets nucléaires militaires, bien plus dangereux que les civils. Enfin, à son avis, toute technologie présente des dangers intrinsèques et aucune ne doit être considérée comme une panacée.

Un camarade français actif dans le mouvement écologique lui a répondu en insistant sur les immenses potentialités de l’énergie solaire, qui est systématiquement négligée par la technoscience capitaliste parce qu’elle est gratuite et ne peut pas devenir marchandise rentable.

Un thème de discussion abordé par quelques intervenants a été la politique des Partis Verts. Pour certains camarades allemands, indiens ou nord-américains, il aurait fallu une critique bien plus sévère des errements réactionnaires de ces forces politiques, tandis que d’autres pensaient au contraire qu’il fallait garder des ponts avec cette mouvance. En attendant que le débat puisse être approfondi, les (prudentes) formulations actuelles ont été retenues.
Certains camarades pensent que le document évite de prendre position sur des questions polémiques, comme les taxes écologiques, ou la nécessité d’un mode de vie plus austère. Selon les camarades anglais, les énergies alternatives ne sont pas la solution, il faudra réduire de manière draconienne la consommation d’énergie (jusqu’à 50 %) par les sociétés humaines. Dans leur texte il est même question d’instituer des formes d’habitat collectif - au lieu et place des actuelles maisons individuelles - pour économiser l’énergie. Ces propositions n’ont pas été intégrées par les auteurs du projet.

D’autres propositions de corrections ou amendements ont été acceptées par les rédacteurs :

 Les camarades du Liban, de l’Équateur et des Philippines ont proposé de souligner les dégâts écologiques provoqués dans les pays du Sud par les multinationales capitalistes qui détruisent les forêts, exportent à la périphérie des pesticides interdits dans les pays du centre, et envoient au Sud les déchets industriels ou nucléaires. Il faut sensibiliser l’opinion publique des pays du Nord sur ces méfaits et aussi dénoncer la biopiraterie des entreprises capitalistes - notamment pharmaceutiques - qui s’approprient et mettent sous brevet les connaissances traditionnelles des populations indigènes.

 Les camarades de l’Équateur et de l’Inde ont fait remarquer qu’il n’est pas juste d’accuser les paysans pauvres ou les indigènes de détruire les forêts en ramassant du bois pour se chauffer. Ce sont les communautés indigènes, en Amazonie ou en Inde, qui protègent l’environnement, et agissent comme gardiennes du patrimoine naturel de l’ensemble de l’humanité, en luttant contre les dégâts causés par les multinationales.

 Un camarade de l’État Espagnol (Madrid) a souligné la nécessité de formuler un programme écologique adapté à notre intervention syndicale, autour des axes suivants : a) le rapport entre santé des travailleurs et environnement : les productions toxiques nuisent aussi bien aux ouvriers qu’à la nature ; b) le contrôle ouvrier sur la production, pour imposer des techniques non polluantes ; c) la reconversion écologique de l’industrie, des transports et de l’agriculture comme politique créatrice d’emplois. Il ne s’agit pas de garantir les postes de travail actuels - centrales nucléaires, usines d’armement - mais de garantir à tous un emploi, quelle que soit la restructuration nécessaire de la production.

 Les camarades d’Italie ont réclamé d’inclure dans les revendications la question de l’eau ; objet de luttes sociales de masse aussi bien dans les pays du Nord (Espagne) que du Sud (Bolivie), c’est une question cruciale. Il s’agit de combattre aussi bien la privatisation que la pollutions des sources. C’est une question clé du mouvement altermondialiste, qui a déjà trouvé une première forme d’expression dans le Forum Mondial pour l’Eau.

 Les camarades grecs ont proposé d’ajouter une section sur les problèmes de l’environnement urbain : le rôle de la privatisation des services publics dans la dégradation de l’espace urbain ; l’expansion incontrôlée des villes, leur « bétonisation » ; la disparition des espaces verts et la destruction des bois et des forêts par les routes et autoroutes.

 Les camarades de Hollande et du Pays basque ont insisté pour que le document mette en valeur la question des destructions de l’environnement provoquées par les guerres, et notamment par les expéditions militaires impérialistes contre l’Irak, la Yougoslavie, etc. Il faut prendre aussi en considération le problème monumental posé par les déchets nucléaires militaires.

Dans sa conclusion, le rapporteur à répondu à certaines critiques et rappelé que le projet de résolution « Écologie et Socialisme » ne vise pas à clore le débat mais à l’impulser : il n’est pas la fin mais le début d’un processus...
Le document amendé a été approuvé à l’unanimité moins une voix et une abstention.
ML

1. Les camarades Bernard, Laurent et Michael (rapporteur) de la Commission écologie de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, section française de la IVe Internationale) ont centralisé l’écriture et les modifications du projet de résolution.