La décision pourrait être lourde de conséquence. Elle devrait non seulement forcer le gouvernement fédéral à changer une fois encore sa loi électorale mais également obliger le gouvernement provincial, au Québec, à faire de même. Pour tous ceux et celles qui sont préoccupés par l’avenir de la démocratie dans notre pays, il s’agit en fait d’une victoire majeure. Une des conséquences les plus importantes de la décision de la Cour suprême devrait être d’ouvrir de manière beaucoup plus grandes les portes face à la possibilité pour les plus petits partis politiques de se coaliser.
Concrètement, la Cour surprême vient de déclarer anti-constitutionnelles les articles 24(2), 24(3) et 28(2) de la loi électorale fédérale. La décision a été rendue ce matin à Ottawa. Conformément à ce que réclamait le Parti communiste (PCC), la Cour suprême a statué que ces articles contrevenaient à la section 3 de la Charte fédérale des droits et libertés. Ces articles spécifiaient qu’un parti devait présenter, à chaque élection, un minimum de 50 candidats ou candidates pour pouvoir conserver son statut de parti enregistré.
La Cour Suprême donne 12 mois au gouvernement fédéral pour ajuster sa loi en conséquence. Pour le Parti communiste, ce délai ne pose pas vraiment problème dans la mesure où celui-ci avait déjà réussi à récupérer, au nivau fédéral, son statut de parti enregistré à l’occasion des dernières élections fédérales de 2000 (après l’avoir perdu pendant sept ans).
En poursuivant sa bataille jusqu’en cour suprême, le Parti communiste visait d’abord et avant tout à faire rayer ces clauses discriminatoires de manière à ce qu’elles ne puissent plus jamais être utilisées contre un autre parti (ou, à la limite, contre lui-même dans un plus lointain avenir). Cette victoire, remportée devant la Cour suprême, devrait favoriser le combat que vient à son tour de commencer l’aile québécoise du Parti communiste puisque le Parti communiste du Québec (PCQ) fait présentement face aux mêmes procédures de dé-enregistrement qu’avait subi le PCC au début des années 90. Il faut dire que la loi électorale québécoise ressemble en maints points à la loi fédérale ; à certains égards, elle est même plus restrictive encore.
Réagissant à cette victoire, le chef du PCC, Miguel Figueroa, a déclaré : "Ce jugement culmine une lutte de 10 ans, menée par notre Parti, pour éliminer certains des éléments les plus réactionnaires de la loi électorale au niveau fédéral ». Des suites des procédures intentées par le PCC, plusieurs modifications furent apportées à la loi électorale fédérale. Le Parti communiste est particulièrement fier d’avoir ainsi pu contribuer à faire disparaître de la loi électorale des clauses qui étaient, en fait, particulièrement rétrogrades. Parmi les gains que le Parti communiste a pu obtenir des suites de ses procédures juridiques intentées jusqu’ici, on peut noter :
– a) L’élimination des clauses prévoyant la saisie automatique des actifs d’un parti politique qui cesse d’être enregistré ;
– b) Le plein remboursement des dépots de 1 000$ (par candidat), une fois l’élection terminée ;
– c) Le droit pour une organisation de faire mettre son nom à côté de celui de ses candidats et candidates à condition que leur nombre soit de 12 ou plus ; ce droit s’applique à toute organisation, même si celle-ci n’est pas enregistré (au sens de la loi électorale).
Pour le Parti communiste, l’élimination du plancher minimum, jusqu’ici requis au niveau des candidats et des candidates, représente certes la fin d’une autre très importante bataille. Mais ce n’est pas encore la fin de la lutte plus large pour assurer une plus grande démocratisation du processus. « L’absence d’une représentation proportionnelle dans le système électoral canadien est un problème majeur et le Parti communiste appuie pleinement la lutte en faveur d’une telle réforme », a souligné Miguel Figueroa. Le Parti communiste déplore en même temps les changements récemment introduits grace au Bill C-24 qui, sous le couvert d’une soi-disante transparence qui n’est en faite qu’illusoire, renforce de manière outrageuse les privilèges que possèdaient déjà les grands partis, comme le Parti Libéral, vis-à-vis des plus petits partis.
Questionné pour sa part sur l’impact que ce tout récent jugement pourrait avoir sur la scène politique au Québec, le chef du PCQ, André Parizeau, avait ceci à dire : « Ou bien le nouveau gouvernement provincial de Jean Charest prendra acte de cette décision de la Cour suprême et acceptera lui aussi de modifier en profondeur sa propre loi électorale, ou alors le PCQ n’aura pas le choix que d’invoquer devant les tribunaux ce jugement pour forcer ce gouvernement à faire ces changements »
Le Parti communiste est bien déterminé à défendre non seulement son droit d’existence mais également à lutter pour l’élargissement des droits démocratiques de tous et chacun, dans un contexte où ceux-ci sont justement de plus en plus attaqués.
Le Parti communiste du Québec (PCQ), section québécoise du Parti communiste du Canada, est également membre de l’Union des forces progressistes (UFP). Lors des dernières élections provinciales, le PCQ avait consciemment limité le nombre de ses candidats à un très petit nombre de manière à ne pas diviser le vote à gauche et à respecter ses propres engagements vis-à-vis de l’UFP. Ce faisant, dès le 29 mars dernier, date limite pour le dépôt des candidatures pour les élections du 14 avril, le PCQ s’était vu imposer le couperet et son enregistrement en tant que parti légalement reconnu sur la scène provinciale lui avait été retiré.
Jusqu’à présent, un minimum de 20 candidatures sont requises par la loi électorale québécoise pour assurer le maintien du statut de parti enregistré. Au niveau fédéral, la loi exige présentement un minimum (pour tout le Canada) de 50.
Tout au long des dix dernières années, le Parti communiste avait systématiquement maintenu qu’il n’y avait aucune justification réelle pour maintenir un minimum supérieur à 1, ou à la limite, à 2. Les juges de la Cour suprême lui ont finalement donné raison.
Ceux ou celles qui voudraient consulter le jugement de la Cour suprême, peuvent se rendre à l’adresse suivante :
http://www.lexum.umontreal.ca/csc-scc/fr/rec/html/2003csc037.wpd.html
Montréal le 27 juin 2003