Alors que les 18 et 19 juin la conférence de la gauche radicale anticapitaliste se tenait à Madrid, les évolutions dans les luttes laissent envisager de nouvelles tâches et de nouveaux projets.
La conférence de la gauche radicale anticapitaliste européenne s’est déroulée les 18 et 19 juin à Madrid. Etaient représentés l’Alliance rouge et verte du Danemark, le Parti socialiste écossais, l’Alliance socialiste de Grande-Bretagne, le SWP anglais, la LCR de France, la Gauche du Luxembourg, le DKP d’Allemagne, Solidarités de Genève, Refondation communiste d’Italie, L’ öDP de Turquie, le Bloc des gauches du Portugal, Zutik et la Gauche unie d’Euzkadi, la Gauche unie d’Espagne, Rojos, tendance du Parti communiste d’Espagne et Espacio Alternativo de l’Etat espagnol.
Cette IVe conférence prend un relief particulier avec la participation de Refondation communiste et de tendances du PCE et de la mouvance communiste de l’Etat espagnol à une initiative pour une gauche radicale anticapitaliste. Elle a eu lieu après un tournant de la situation politique européenne, marquée par le retour de la droite aux affaires après des expériences gouvernementales de gauche ou de centre gauche et de nouveaux développements des résistances sociales au libéralisme.
Depuis les sommets de Lisbonne, Leiken et Barcelone, les classes dominantes et les gouvernements de l’Union européenne donnent un coup d’accélérateur à la restructuration libérale en Europe. Les contre-réformes passent à la vitesse supérieure : déréglementations, privatisations et éclatement des services publics, attaques contre les retraites, durcissement des politiques d’immigration. Bref, les gouvernements veulent accélérer la liquidation du "modèle social européen", et en même temps, pour prévenir les troubles de l’ordre social, ils renforcent tous les dispositifs et législations répressifs. Malgré leurs démentis, c’est bien une Europe forteresse que les classes dominantes de l’Union Européenne essaient de construire.
Mais la situation est aussi marquée par une polarisation sociale et politique où, face à l’offensive néolibérale, se dressent une série de luttes et de mobilisations sociales. Les derniers mois en Italie ont été dominés par une confrontation entre le gouvernement Berlusconi et la grève générale des syndicats et de la gauche italienne. Le lendemain même de la conférence de la gauche européenne, une grève générale de tout le mouvement syndical espagnol avait lieu. Ces mobilisations du monde du travail indiquent un changement de climat social dans l’Union européenne. Changement exprimé aussi dans la nouvelle vague de radicalisation de la jeunesse contre la globalisation capitaliste. Après les mobilisations contre le sommet du G8 à Gênes, les extraordinaires manifestations de Barcelone où fusionnèrent la jeunesse et des secteurs entiers du mouvement syndical, les manifestations de Séville envoient un nouveau coup de semonce aux puissances de ce monde.
Et la préparation du Forum social européen en Italie cet automne constituera une nouvelle étape pour le mouvement antiglobalisation capitaliste. Ce mouvement joue effectivement un rôle clé car, au-delà de la diversité de la gauche radicale anticapitaliste, il réunit toutes les organisations de la conférence de Madrid. Des mouvements où des organisations aussi différentes que la LCR en France, Refondation communiste en Italie, le SWP en Grande-Bretagne, le Bloc portugais ou le SSP écossais peuvent trouver un terrain commun d’action et de discussion. Résultant des résistances sociales au libéralisme, de l’évolution
sociale-libérale de la social-démocratie et du déclin historique des partis communistes, un espace s’ouvre pour les organisations ou courants de la gauche radicale.
Unitaires, indépendants et radicaux
Poursuivre cette démarche exige deux conditions. D’abord, il faut développer une orientation unitaire, non sectaire, soucieuse de construire les mouvements sociaux et de respecter leur indépendance. Ensuite, il est nécessaire d’ordonner toutes ces convergences dans une alternative claire aux projets de la gauche sociale-libérale, une orientation de rupture avec le système capitaliste. Cela doit conduire toutes les forces qui s’engagent dans l’émergence de cette gauche radicale anticapitaliste de rejeter toutes les formules de soutien ou de participation aux gouvernements qui accompagnent ou acceptent le libéralisme. Cette conférence doit passer de la discussion à l’action commune et envisager la possibilité de campagnes communes. La préparation du Forum social européen est une première échéance. La discussion, lors de cette dernière réunion, a aussi porté sur la proposition d’une campagne commune contre les politiques d’immigration des gouvernements de l’Union européenne. Mais cette conférence peut aussi être le cadre de discussions de fond qui avancent sur les questions clé d’une recomposition politique européenne, le projet de rupture avec le système capitaliste, les rapports aux institutions et à l’Etat, les relations entre construction d’une force politique et mouvement social. Quel type de socialisme démocratique ? Des débats qui doivent construire le socle de cette nouvelle force anticapitaliste.
François Ollivier
(tiré de l’hebdomadaire de la Ligue Communiste Révolutionnaire (section française de la Quatrième Internationale)