Pour construire une alternative politique à la hauteur des attaques de la droite et du patronat, le bureau politique de la LCR a adopté le texte suivant. Nous le soumettons aujourd’hui au plus large débat. Nous vivons une situation lourde de dangers mais aussi porteuse de résistance et d’espoir. Dans ce monde, jour après jour, le rouleau compresseur des contre-réformes libérales met en pièces les acquis sociaux des dernières décennies. Ces orientations, déployées partout, conjuguent baisse du coût du travail et remise en cause des systèmes de redistribution budgétaires des États, elles obéissent au besoin impérieux d’accroissement des taux de profits capitalistes dans un contexte de croissance modérée.
C’est bien à une guerre sociale que nous sommes confrontés, une guerre qui vise les travailleurs en remettant en cause nos emplois, nos salaires, nos conditions de vie, d’environnement, d’habitat, de transport. À cela s’ajoute une politique répressive et d’exclusion, dont l’immigration et la jeunesse sont les premières cibles et les premières victimes. Quant aux institutions de l’Union européenne (UE), les gouvernements veulent aujourd’hui faire adopter une Constitution réactionnaire qui graverait dans le marbre toutes les régressions sociales inscrites dans les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice.
C’est la promesse d’attaques redoublées contre les services publics, les droits sociaux et démocratiques. À l’échelle internationale, l’occupation américaine de l’Irak provoque une onde de choc catastrophique dans le pays, elle déstabilise toute la région, elle renforce le gouvernement israélien dans sa politique criminelle contre le peuple palestinien, le gouvernement russe contre le peuple tchétchène, et ses conséquences s’annoncent désastreuses pour l’ensemble du monde. Cette guerre témoigne d’un nouveau redéploiement des puissances impérialistes visant à asseoir leur oppression économique, politique et culturelle et à juguler toute volonté de révolte dans les pays qui la subissent. La lutte contre le terrorisme trace un trait d’égalité entre des réseaux réactionnaires extérieurs à toute lutte de libération sociale et les mouvements de résistance des peuples en lutte contre l’occupation et la colonisation. Dans la foulée, a été créé un climat sécuritaire, dans les pays occidentaux, rendant suspect de terrorisme l’ensemble des populations arabes ou musulmanes.
Face à ces attaques et menaces, les résistances existent. En riposte à la politique de guerre et à la mondialisation capitaliste, à l’échelle de la planète, des millions de jeunes, de salariés se sont mobilisés à plusieurs reprises pour exprimer leur volonté de paix et de justice sociale, de refus du racisme et des ségrégations. L’émergence et le développement du mouvement altermondialiste, les forums sociaux européens de Florence, de Paris et de Londres, le rassemblement de Millau en 2003, autour de la Confédération paysanne, ont été des lieux de convergence de tous ceux et celles qui veulent clamer qu’un autre monde est possible. En France, en 2003, nous étions des millions à nous mobiliser contre la réforme du système des retraites, et les salariés de l’Éducation nationale ont mené une lutte prolongée contre la décentralisation. Intermittents du spectacle, chercheurs, chômeurs " recalculés " ont eux-mêmes obtenu des reculs partiels grâce à leur mobilisation. Les gaziers-électriciens ont, eux aussi, tenté de s’opposer à la privatisation du service public de l’énergie. Dans la continuation de la mobilisation qui s’était construite en juin 2001 à l’initiative des Lu-Danone, AOM-Air Liberté et Mark’s & Spencer, autour de STMicro, les salariés de plusieurs entreprises soumises à des plans de licenciements et à des fermetures se sont coordonnés pour défendre le droit à l’emploi. Et le rejet de cette politique libérale s’est confirmé au printemps dernier avec le désaveu qu’ont subi les partis du gouvernement, au premier chef l’UMP de Chirac, Raffarin et Sarkozy. Mais force est de constater que la riposte n’est pas à la hauteur des attaques. Face à l’offensive contre la Sécurité sociale, les directions des grandes centrales syndicales ont laissé les salariés l’arme au pied. À EDF-GDF, la volonté de lutte des salariés et de nombre de secteurs syndicaux s’est heurtée à la politique de renoncement des fédérations, sans pouvoir tisser le lien avec les autres combats de défense des services publics, que ce soit avec les salariés concernés ou avec les usagers.
Ainsi, dans le mouvement syndical, les forces disponibles pour tracer une alternative et construire de réelles mobilisations restent éclatées, sans avoir les moyens de modifier la donne. Sur le champ politique, on ne voit pas non plus se dessiner une réelle alternative, non seulement de mobilisation pour le rejet de toutes ces attaques, mais d’un réel programme d’avancée sociale. La social-démocratie européenne s’est moulée depuis longtemps dans l’accompagnement du libéralisme et a, elle-même, mis en œuvre les plans exigés par les intérêts capitalistes. En France, la seule perspective proposée par le PS est d’attendre 2007, et il se garde bien, tant de s’opposer aujourd’hui aux attaques subies, que de s’engager à les remettre en cause s’il revenait au gouvernement. C’est à cette politique de gestion gouvernementale, à laquelle ont souscrit les directions du PCF et des Verts, qu’il faut offrir une alternative anticapitaliste, démocratique, féministe et écologique. Pour notre part, nous pensons que les salariés, les forces du mouvement social, les militants politiques attachés à combattre l’offensive capitaliste doivent se rassembler dès aujourd’hui autour d’un programme d’urgence.
Ce programme recoupe en bonne partie les exigences autour desquelles se sont organisés nombre d’entre nous ces derniers mois et ces dernières années, notamment :
– la défense, la remise en place et l’extension des services publics fondamentaux dans le domaine des transports, de l’énergie, des télécommunications et de La Poste, de la santé, de l’éducation. Leur défense face aux volontés de marchandisation, de mise en place d’ouverture à la concurrence qui ne sont qu’un prélude au démantèlement, leur développement en fonction des besoins sociaux en zone urbaine et rurale. Ceci implique de revenir sur l’ensemble des privatisations et ouvertures du capital prononcées par les gouvernements Jospin et Raffarin, notamment celles d’EDF-GDF, de France Télécom et d’Air France, le rejet des directives européennes concernant la poste et le rail ;
– la défense des systèmes de Sécurité sociale. En imposant une redistribution des richesses au profit des salariés, assurer le financement par les salaires de notre santé et de nos retraites, en excluant le tronçonnement d’une Sécurité sociale à plusieurs étages qui ne peut qu’aggraver les situations de précarité et d’injustice. Ceci implique évidemment l’abrogation des plans Juppé et Douste-Blazy, le retour au droit à la retraite à taux plein pour tous à 60 ans, après 37,5 annuités ;
– le droit à l’emploi. Cela implique l’interdiction des licenciements, le maintien des entreprises et des emplois en cas de carence de l’employeur par la réquisition, la mise en responsabilité collective du patronat pour maintenir les salaires et les activités, la mise hors la loi des licenciements et fermetures d’entreprises pour convenance boursière, l’arrêt des suppressions de postes dans la fonction publique et des créations massives d’emplois à même de satisfaire les besoins, notamment dans l’Éducation nationale et la santé, la garantie pour tout salarié de disposer d’un emploi stable à plein temps, avec un revenu au moins égal au Smic, celui-ci devant être relevé à 1 500 euros ; l la reconnaissance pleine et entière du droit des femmes à disposer de leur corps, notamment par le libre accès à l’avortement et à la contraception et leur remboursement intégral pour toutes, un combat réel contre les violences faites aux femmes, dans la sphère publique comme privée, la mise en œuvre d’une réelle politique d’égalité dans les domaines sociaux, professionnels, fiscaux ;
– la reconnaissance des droits civiques pour les populations d’origine étrangère, ce qui implique le droit de vote et d’éligibilité pour tous les résidents, qu’ils soient membres de l’Union européenne ou non, à toutes les élections, la liberté de circulation et d’installation, la régularisation de tous les sans-papiers et la libération de toute personne emprisonnée pour défaut de papiers ;
– le combat contre le tout-sécuritaire, fourrier de la xénophobie et du racisme, terrain fertile pour l’extrême droite : l’abrogation des lois de sécurité quotidienne et intérieure. La mise en vigueur d’un plan de développement du logement social et de services publics dans toutes les zones rurales et urbaines, de réels moyens éducatifs, de résorption du chômage et de la précarité ;
– la rupture avec les règlements et dispositions réactionnaires prises au niveau de l’Union européenne, pour construire une Europe fondée sur les besoins, les droits et les aspirations de ceux et celles qui produisent les richesses, ce qui implique d’ores et déjà le rejet de la Constitution réactionnaire élaborée sur le socle du traité de Maastricht ;
– la rupture avec la politique impérialiste de la France qui, notamment en Afrique, perpétue l’exploitation économique néocoloniale et sa présence militaire, la rupture avec une politique guerrière de l’Union européenne, supplétive des États-Unis dans de nombreuses régions du globe. Nous pensons que, sur de telles bases, nous devrions aujourd’hui nous rassembler pour chasser Chirac, Raffarin et Sarkozy, afin de mettre en œuvre une politique fondée sur les besoins sociaux en rupture avec le capitalisme. Ces axes tracent aussi les mesures d’urgence que prendrait un gouvernement anticapitaliste au service des travailleurs, issu d’une mobilisation d’ensemble du monde du travail pour stopper l’offensive libérale et contrôlé par elle. Un tel gouvernement - à l’inverse des gouvernements passés de gauche plurielle et des contours de celui que le PS constituera s’il gagne les prochaines élections - remettrait en cause directement la propriété privée des moyens de production et combattrait les intérêts capitalistes. Afin d’œuvrer en ce sens, le rassemblement de toutes celles et de tous ceux qui refusent la passivité et la soumission au libéralisme est nécessaire. C’est de cette force organisée dont nous avons besoin pour réellement faire face aux offensives patronales. Nous pensons qu’il est nécessaire et possible de construire dans ce pays un nouveau parti qui offre une réelle alternative à la social-démocratie et au social-libéralisme, une force anticapitaliste qui prenne le dessus sur celles qui ont glissé dans le social-libéralisme. Cette force politique est plus que jamais nécessaire et attendue par des dizaines de milliers de militantes et de militants, d’hommes et de femmes qui luttent chaque jour dans leur entreprise, leur quartier, leur ville. La LCR est disponible pour s’engager en ce sens, dès maintenant, sans exclusives, avec tous les courants et individus qui sont prêts à participer à la construction d’une force porteuse d’un projet émancipateur qui bannisse toute forme d’exploitation et d’oppression. Tel est le sens de cet appel. Nous proposons que, dans les mois qui viennent, toutes celles et tous ceux qui le désirent se rencontrent pour en débattre, créer des cadres unitaires d’action et de proposition à tous les niveaux, local, régional et national.
Bureau politique de la LCR