Plus d’une année après son arrivée au pouvoir, le bilan du gouvernement Lula est globalement négatif pour les classes populaires.
Dès l’annonce des première mesures du gouvernement Lula, nombre d’observateurs avaient critiqué certains traits de continuité entre la politique libérale du précédent président Cardoso et les orientations économiques de Lula. Une année après, la dynamique néolibérale du gouvernement Lula s’est confirmée et aggravée.
Sa politique économique a été subordonnée aux critères du FMI, à travers notamment l’acceptation du remboursement de la dette. Alors qu’en tant qu’opposant, le Parti des travailleurs (PT) exigeait un "audit" de la dette et un référendum pour refuser les diktats du FMI, une fois au pouvoir, le gouvernement Lula a continué à rembourser la dette. Plus, alors que le FMI conditionnait son "aide" au Brésil à la capacité du gouvernement de dégager un excédent budgétaire de 3,75%, Lula s’est, lui, fixé l’objectif de 4,25%. Les budgets sociaux en en ont pris un coup : moins de 18% pour la contribution santé, moins 50% pour le budget alloué à la lutte contre la pauvreté et la faim, moins de financements pour la réforme agraire. L’opposition des propriétaires fonciers et les restrictions budgétaires gouvernementales ne permettent pas le déploiement d’une véritable réforme agraire, avec non seulement l’occupation des terres mais aussi l’installation d’une infrastructure adéquate (électricité, eau, machines, techniques). Ces problèmes ont d’ailleurs été soulevés de nombreuses fois par Miguel Rosetto, ministre de la Réforme agraire. Près de 35000 familles ont obtenu des terres en 2003. Mais comment, avec de telles restrictions budgétaires, remplir l’objectif officiel du gouvernement : distribuer des terres à 400000 familles ?
Dans une interview récente au journal Brasil de Fato (un journal dirigé par des représentants du Mouvement des sans-terre (MST) et d’autres secteurs de gauche), Plínio Sampaio, important dirigeant de la gauche catholique brésilienne et proche du MST, a traduit les inquiétudes de la gauche en général et de secteurs du mouvement paysan et exprimé sa déception vis-à-vis du gouvernement Lula. Comment créer dix millions d’emplois, objectif déclaré de Lula, avec une politique tournée vers les marchés financiers ? Le premier bilan en matière d’emploi se traduit par un maintien voire une augmentation du chômage : 20% environ dans la région métropolitaine de São Paulo, capitale économique du pays. Une politique qui a été jusqu’à la confrontation avec les fonctionnaires par la mise en œuvre d’une réforme des retraites et des pensions qui a allongé la durée de cotisations, réduit le niveau des pensions et renforcé les fonds de pension...
Sans oublier la confirmation du système d’alliance du PT avec le PMDB (parti de l’ancienne coalition de droite) et les scandales politico-financiers qui ont révélé les liens de Waldomiro Diniz -proche de José Dirceu, actuel bras droit de Lula et président du PT - et de la maffia brésilienne des jeux de loterie...
L’enchaînement de ces faits et de ces décisions montre aujourd’hui qu’il n’y a pas "deux âmes" qui se disputent l’orientation du gouvernement. Les caractéristiques propres du PT, comme parti d’origine "classiste", ne peuvent justifier la participation ou le soutien à l’équipe Lula. Certes, Lula garde une certaine popularité. Les secteurs du monde du travail, les intellectuels, les couches politisées dans les syndicats et le PT qui s’opposent à lui sont minoritaires. Mais la défense des intérêts des classes populaires face à l’orientation néolibérale du gouvernement exige de construire une alternative politique qui assume une rupture avec les exigences du FMI, une politique fiscale qui assure une autre répartition des richesses et taxe les profits des capitalistes et des propriétaires fonciers pour défendre les services publics, pour augmenter les revenus des classes populaires et créer des millions d’emplois, pour mettre en œuvre une réforme agraire radicale.
Bâtir cette alternative en lien avec les mouvements sociaux ne ne peut, aujourd’hui, s’accomoder de la participation à ce gouvernement néolibéral. Comment défendre les positions de la Démocratie socialiste (DS, courant de la IVe Internationale au Brésil) et participer à un gouvernement qui s’y oppose, point par point ? Cette question est maintenant en débat dans la gauche révolutionnaire brésilienne et au sein même de DS. D’autant que pour rassembler une gauche anticapitaliste large au sein du PT, il faut préparer la rupture avec la politique libérale du gouvernement Lula. Du coup, la question de l’avenir du PT est posée. Comme l’indique DS : la gauche du PT n’entend pas abandonner l’héritage et la légitimité du parti à la direction du "new PT" de Lula et de Dirceu. Elle entend organiser une gauche militante reprenant le meilleur des traditions du PT.
D’autres, comme Heloisa Helena, sénatrice de l’État d’Alagoas , militante de la tendance Démocratie socialiste et récemment exclue du PT, se sont d’ores et déjà engagés dans la construction d’un nouveau parti. Un dialogue entre ces deux options est aujourd’hui nécessaire car l’année en cours sera fertile en nouvelles épreuves qui clarifieront la situation.