Nous avons écrit cette contribution au débat sur l’orientation de nos camarades aux Brésil quasi spontanément tout de suite après la réunion du Comité Internationale qui avait ouvert le débat écrit. Les décisions du CI nous semblaient peu tranchantes. Nous aurions préféré une prise de position plus claire qui aurait pu communiqué aux camarades brésiliens les sentiments de la majorité des membres de la IVe Internationale qui n’est certainement pas d’accord avec la décision de la DS de rester dans un gouvernement qui met en oeuvre grosso modo une politique néolibérale.
Maintenant, quand le débat au sein de la DS est devenu plus violent et que des ruptures organisationnelles sont probables ou en train de s’opérer, ils nous semble d’autant plus important de créer des possibilités de discussion directes entres des camarades de la IVe Internationale d’autres pays et les camarades de la DS. L’occasion qui s’impose c’est le Forum Social Mondial de janvier 2005 à Porto Alegre.
Notre suggestion : Que la direction de la IVe Internationale propose à la DS d’organiser une rencontre large (genre séminaire) en marge du Forum pour que les camarades qui ont fait le voyage puissent discuter avec le maximum de camarades possibles de la DS sur l’orientation au Brésil et sur son impact pour notre politique dans d’autres pays.
1. L’importance des acquis que représente la Tendance Démocratie Socialiste
Le projet de construction d’organisations révolutionnaires et d’une Internationale révolutionnaire, comme conçu par la grande majorité des membres de la Quatrième Internationale, n’est certainement pas élaboré complètement, mais il y a des grandes lignes qui sont assez claires :
Nous ne voulons pas nous contenter à construire de petits groupes de propagande identitaires et autosatisfaits. Nous voulons contribuer à la construction d’organisations qui s’enracinent profondément dans la classe ouvrière et dans les mouvements de masse, qui deviennent perceptibles dans le débat politique public, qui commencent à organiser l’avantgarde réellement existante, qui donnent une nouvelle crédibilité au projet socialiste et qui deviennent l’expression authentique de toutes les aspirations émancipatrices au sein de la classe ouvrière et des masses populaires.
S’il y a des forces de la Quatrième Internationale qui ont fait des pas sérieux dans ce sens, la tendance Démocratie Socialiste du Brésil en est certainement un des rares exemples, sinon pas le plus important. Engagé dès le début dans la construction du PT, nos camarades au Brésil ont contribué à la construction d’un parti qui était devenu l’expression politique de l’indépendance et des intérêts de la classe ouvrière et un pôle attrayant pour toutes les couches opprimées au Brésil. Le PT était devenu également l’expression d’une large prise de conscience qui s’efforçait aussi de tirer les leçons des expériences néfastes de la socialdémocratie, du stalinisme et du nationalisme petit-bourgeois.
La DS a su participer à d’importantes mobilisations et à convaincre un secteur large de militants et de militantes du sérieux de l’argumentaire politique des militants et militantes de la tradition qui est la nôtre. Elle a su introduire, par le biais du budget participatif, de nouvelles expériences d’application de la stratégie des revendications transitoires au niveau des prises de décisions politiques en faisant revivre dans le vécu de larges secteurs populaires la tradition de démocratie directe qui s’inspire par l’exemple de la Commune de Paris.
L’implantation populaire importante et le rôle politique de bon nombre de membres de la DS sont liés à leur identité en tant que militants et militantes dirigeant-e-s du PT ; nous en sommes bien conscients.
2. Mener un vrai débat !
Le bilan de la première année de la présidence de Lula est clair. Il n’y a pas de divergences là-dessus. La majorité de la DS qui, jusqu’à nouvel ordre, a décidé de prolonger sa participation au gouvernement a en même temps formulé un jugement très sévère. Il s’agit d’un gouvernement de collaboration de classe avec des forces bourgeoises significatives qui mène une politique néo-libérale liée à la soumission aux ordres du FMI et des exigences-clé de l’impérialisme. Ce gouvernement ne réalise pas de réformes tant soi peu substantielles pour les travailleurs et travailleuses, les paysans et paysannes et les pauvres. Même la réforme agraire sous la responsabilité de notre camarade Miguel Rossetto piétine. Il s’agit d’un gouvernement de contre-réforme.
Les exclus du parti dont notre camarade Heloisa Helena témoignent en même temps de la dégradation du régime interne du parti dont le caractère démocratique et explicitement pluraliste était un de ses acquis majeurs. Ensemble avec l’étouffement de la culture de débats critiques dans la parti, le gonflement de ses rangs par des éléments carriéristes menace de marginaliser les courants authentiquement socialistes en son sein.
Considérant la situation grave, nous déplorons le fait que le XVème Congrès Mondial de février 2003 et le récent CI n’ont pas donné d’avis sur les enjeux débattus de façons controversée y compris dans les rangs de la section brésilienne.
Nous sommes clairement opposés à restaurer un régime de l’Internationale où des directions ou même des congrès mondiaux interviendraient dans les prises de décisions des camarades militants dans les pays respéctifs en matière de ligne politique ou de projet de construction. Mais une prise en charge de responsabilité pour l’action d’un gouvernement pro-capitaliste et même néo-libéral touche à nos fondements programmatiques. Il serait faux de tolérer passivement le danger de conséquences graves pour nos forces au Brésil et au-delà, car en dehors du Brésil nous sommes confronté à la question en quoi la démarche de la DS, prise sous l’angle de nos principes généraux, harmonise avec les démarches de nos sections dans d’autres pays (p.e. l’attitude vis-à-vis de participations gouvernementales, etc.). Il ne s’agit pas d’imposer une ligne ; il s’agit d’organiser un vrai débat avec les camarades brésiliens. "Ouvrir la discussion" ne suffit pas à cette fin. Les camarades brésiliens et brésiliennes ont le droit démocratique élémentaires de prendre connaissance du degré d’alarmement de la majorité des membres de la Quatrième Internationale.
3. Faire un pas en avant
La démarche de la DS, c’est de mobiliser la conscience de l’identité politique et organisationnelle du PT avant son engagement dans le gouvernement actuel. La DS critique sévèrement la politique économique néolibérale du gouvernement ainsi que les offenses contre la démocratie pluraliste au sein du parti. C’est un excellent point de départ pour se rallier avec la couche des militants et militantes du parti attaché-e-s aux acquis historiques du PT.
En même temps, cela ne suffit pas. Nous savons qu’il est impossible d’élaborer une approche politique concrète pour le Brésil en dehors du pays. Mais en ligne générale il nous semble que la minorité actuelle au sein de DS souligne à juste titre que le moment d’une rupture est venue. Il est vrai que la popularité de Lula et la crédibilité populaire de son équipe sont peu entamées jusqu’à maintenant. Mais en même-temps, il est incompatible avec une identité révolutionnaire, une démarche au service des travailleurs et travailleuses et du peuple brésilien de porter une co-responsabilité avec la politique du gouvernement. Il nous semble donc élémentaire que les membres de la DS démissionnent de leurs fonctions dans le gouvernement fédéral.
Il nous semble aussi nécessaire que les révolutionnaires au sein du PT oeuvrent à présenter une alternative quant au contenu et quant au personnage représentant une politique dans l’intérêt de la grande majorité de la population brésilienne pour les grandes échéances à venir surtout pour les élections présidentilles en 2006.
Nous ne pouvons pas juger en quelle mesure cette démarche devra être conduite dans le parti ou en dehors du parti. La lutte pour une alternative dans le parti nous semble cruciale, mais elle peut rapidement conduire à des ruptures organisationnelles, sans que les révolutionnaires en dominent les conditions (c’est la direction qui peut être amené à se débarrasser de la gauche du parti). Mais il n’est pas exclu qu’une bataille dans le parti remporte de grands succès. Cela dépend, entre autres, du degré de mobilisations ouvrières et populaires dans le futur prochain.
4. Saisir une occasion
Vu l’importance du développement de la situation au Brésil pour le rapport de forces entre les classes au niveau global et vu aussi l’importance de la DS comme une des organisations les plus fortes et les mieux implantés de la Quatrième Internationale, il nous semble crucial qu’un vrai débat se développe entre les militants et militantes de la Quatrième Internationale d’autres pays et ses membres au Brésil. Ce débat doit être mené par la publication de contributions écrites reproduites par la presse interne et (sous forme appropriée) publique de la DS, mais aussi de manière vivante en se saisissant des possibilités de contact direct et de discussion orale.
Nous espérons que cela sera possible et pourrait être organisé dans les prochains mois. De toute façon, le quatrième Forum Social Mondial qui se tiendra à Porto Alegre au début de l’année 2005, serait une bonne occasion, puisque bon nombre de camarades plus ou moins représentatifs de leurs organisations vont faire le voyage. Nous suggérons que en marge du FSM la DS organise la possibilité d’un débat et d’un échange de vues international large avec la participation d’un nombre significatif de ses militants et militantes.