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Arrêtez les bombes ! Impérialistes, hors d’Irak !

Mouvement pour le socialisme (Suisse)

mardi 25 mars 2003

Le lundi 17 mars 2003, George W. Bush déclarait la guerre à l’Irak. Un discours cousu de mensonges. La première phrase suffit à le démontrer : « Mes concitoyens, les événements en Irak ont maintenant abouti aux derniers jours pour une décision. » Or, cette décision d’envahir et d’occuper l’Irak a été prise il y a des mois ! Et préparée depuis fort longtemps. Mille et un documents officiels le prouvent.

Dans son ultimatum, Bush a exigé le départ du tyran Saddam Hussein. Au même moment, le correspondant du New York Times (18 mars 2003), depuis la base militaire de Doha (Qatar), écrit : « Même si Saddam Hussein quitte l’Irak dans les 48 heures, comme le président Bush l’a demandé, les forces alliées ont planifié d’entrer en Irak, déclaraient aujourd’hui des officiels américains. » Un vétéran de la diplomatie américaine, John Brady Kiesling, dans sa lettre de démission adressée à Colin Powell, affirme : « Nous n’avons pas vu une telle altération des informations, une telle manipulation systématique du peuple américain depuis la guerre du Vietnam. » (Los Angeles Times, 4 mars 2003)

Ce cynisme meurtrier est à la hauteur de la volonté des cercles impérialistes dirigeants des Etats-Unis - représentés par l’administration Bush - non seulement de transformer l’Irak en un protectorat, mais de poursuivre une politique internationale de guerre, de domination et de rapine (contrôle et exploitation des ressources et du travail). L’Irak aujourd’hui. Demain : l’Iran, le Venezuela, la Syrie… ? Lorsque les bombes s’abattent sur la population irakienne, avec leurs effets mortels immédiats et terrifiants à long terme (cancer provoqué par l’uranium appauvri, malformation à la naissance, etc.), des questions alarmantes viennent à l’esprit :

Bush et ses alliés n’ont cessé de parler de la population victime du régime de Saddam Hussein. C’est vrai. Les Etats-Unis qui lui ont fourni armes et produits chimiques divers sont bien placés pour le savoir. Mais alors, c’est cette population victime qui est bombardée ? Ce sont les enfants - 46 % de la population a moins de 16 ans et n’a connu que les souffrances d’un embargo criminel profitant aux seigneurs corrompus du régime - qui sont donc terrorisés ? Ce sont ceux et celles qui, après 1991, ont déjà souffert des bombardements massifs de 1998 (opération « Renard du désert ») qui sont à nouveau terrifiés ? Et le seront pour le restant de leur vie s’ils en réchappent ? Ce sont ces soldats, dont l’essentiel n’a connu que les affres d’une situation de guerre depuis des décennies (guerre Iran-Irak de 1980-1988, puis guerre du Golfe, etc.), qui ont perdu leur enfance et leur jeunesse, qui sont les cibles des bombes et missiles « intelligents » de George W. Bush ? Cette guerre est, en dernière instance, une guerre contre des enfants et des adolescents. Voilà bien une guerre terroriste. La mobilisation antiguerre doit être la démonstration d’un net refus, majoritaire à l’échelle internationale, de cette forme extrême du terrorisme d’Etat, propre non seulement à la clique de Bush, mais aux secteurs sociaux, économiques et politiques qui participent, de manière décisive, à un système de domination et de pillage, à l’échelle de la planète. Depuis des mois nous avons indiqué (voir le site : www.alencontre.org) que l’entreprise des inspecteurs de l’ONU allait servir de prétexte pour les Etats- Unis et leurs alliés.

Même les gouvernements favorables à la poursuite des inspections (comme la France) partageaient l’objectif d’une recolonisation de l’Irak. Les divergences portaient et portent - au sein des cercles dominants américains aussi - sur trois questions : Comment se fera la répartition des fruits du butin (pétrolier, en priorité, mais aussi contrats de « reconstruction » de l’Irak), entre les grandes firmes américaines, anglaises, françaises, russes… ? Comment mettre en place un nouveau protectorat, sans faire éclater l’Irak et déstabiliser cette région stratégique clé ? Quels sont les objectifs, à moyen terme, dans un contexte de crise économique généralisée, de l’orientation de l’administration Bush ? Mais lorsque s’abattent missiles et bombes sur le peuple irakien, un élément de la politique américaine et britannique mérite une réflexion, car il va se répéter.

Depuis des mois, l’Irak voyait ses frontières encerclées par une gigantesque armada visant à l’envahir. Simultanément, le régime irakien devait faire la preuve qu’il se désarmait ! Autrement dit : il devait s’offrir aux envahisseurs. Et si le régime irakien démontrait qu’il n’était pas en possession d’« un armement de destruction de masse », il était censé avouer qu’il le camouflait ! Si l’enjeu n’était pas si dramatique, cela relèverait d’une farce inepte. D’autant plus si l’on compare ces procédés à ceux qui sont réservés à Israël par l’ONU. Face aux rapports des inspecteurs, qui ne convenaient ni à Blair ni à Bush pour légitimer leur attaque, ces derniers ont insisté, de plus en plus, sur la détention d’armes chimiques et bactériologiques par Saddam Hussein. Scott Ritter, ancien inspecteur de l’ONU (1991- 1998), déclare qu’il est ridicule d’affirmer « que l’Irak pourrait détenir 25 000 litres d’anthrax. C’est absurde d’un point de vue scientifique, parce que l’anthrax, qui n’a pu être produit qu’avant 1991 (nous avons détruit l’usine qui le produisait en 1996), a une durée de vie de trois ans. » (Le Temps, 8 mars 2003)

Ce genre de constat est renforcé par la déclaration officielle de Mohammed Elbaradei, chef inspecteur de l’ONU et représentant l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Devant le Conseil de sécurité, il a certifié qu’un des documents décisifs reçus par l’ONU, de la part des services secret britanniques, était un faux : « Sur la base d’une analyse approfondie, avec l’appui d’experts indépendants, l’AIEA a conclu que ces documents, qui constituaient la base des rapports sur les récentes transactions entre l’Irak et le Niger, n’étaient pas authentiques. » Imaginons une telle falsification, prouvée, dans un document livré par l’Irak. Cela aurait été une « violation flagrante » de la résolution 1441 de l’ONU, « justifiant » la guerre. La double morale est inhérente au système de domination impérialiste.

Deux conclusions. De fait, l’ONU - largement manipulée par les Etats-Unis, depuis longtemps - a servi de complément à la préparation d’une guerre par Bush ; elle n’a pas été un obstacle. L’organisation d’une « extraordinaire découverte » par les troupes américaines et britanniques est en place. Les chaînes de télévision américaines vont présenter, aux yeux du monde, quelques tonneaux remplis « d’agents chimiques et bactériologiques ». La preuve sera administrée que les armées impérialistes travaillent mieux et plus vite que les inspecteurs de l’ONU. La validité de ces preuves sera du même ordre que celle des faux dénoncés par l’AIEA. Bush n’a-t-il pas eu l’hypocrisie, dans sa déclaration, d’évoquer le 15e anniversaire du gazage des Kurdes à Halabja ! Et cela en se taisant sur l’appui US apporté, alors, à l’Irak et sur la tentative de désinformation visant à faire croire que ce crime avait été commis par l’Iran (Joost R. Hiltermann, International Herald Tribune, 17 janvier 2003). Aucun doute ne peut exister sur la nature dictatoriale du régime de Saddam Hussein. Lorsque, en 1973, avec tous les honneurs honneurs il fut reçu par le dictateur espagnol Franco, cela ne suscita pas de récriminations. Durant les années 70 et 80, Chirac puis Mitterrand le courtisaient : bonnes affaires obligent. Pour ce qui est des Etats-Unis, la CIA a participé à tous les coups d’Etat en Irak : en 1963, pour renverser Abdel Karim Kassem ; en 1968, pour soutenir l’accession au pouvoir du Baas dont Saddam Hussein était un des leaders (Roger Morris, dans le New York Times, 14 mars 2003). Quand W. Bush parle d’instauration de la démocratie en Irak, il ment. Des rapports américains officiels avouent que « pour une très longue période » le régime sera placé sous étroite surveillance (The Guardian, 15 mars 2003). La nomination de l’ultraconservateur Jay Garner - un fan d’Ariel Sharon - dans l’administration civile (à côté des militaires) suffit à illustrer la nature du nouveau pouvoir voulu par Washington. Aucune résolution de l’ONU ne sera utilisée pour organiser des élections vraiment libres en Irak, car elles se transformeraient en vote contre la présence américaine. Quant aux « opposants irakiens » sélectionnés par la CIA et le Département d’Etat, ils serviront de partenaires juniors de l’impérialisme et exerceront leurs talents d’escrocs et de criminels, comme le banquier Ahmed Chalabi ou Alaawi, qui écrivait les discours de Saddam et rédige aujourd’hui l’hebdomadaire du Congrès national irakien, The Congress. La guerre conduite par les Etats-Unis contre l’Irak a une importance historique. La plus grande puissance économique et militaire du monde a décidé d’engager des guerres où et quand elle le veut. Sous le prétexte que « le risque de l’inaction serait plus grand » (Bush, 17 mars).

Il existe une symbiose entre cette politique et la réduction brutale des droits démocratiques comme des dépenses sociales ou d’infrastructures publiques aux Etats-Unis. Toute politique impérialiste possède ces deux faces de la même médaille, en Europe aussi. Cette pose donc le problème de la nécessité d’un changement radical de système économique.

En octobre 2001, Blair déclarait que « l’état de l’Afrique laisserait une cicatrice sur la conscience du monde ». Effectivement. Les Etats- Unis vont dépenser 12 milliards de dollars, par mois, pour bombarder les Irakiens. L’ONU n’a réuni que 4 millions de dollars, sur 163 demandés, pour sauver de la famine quelque 3 millions d’Érythréens. Faut-il d’autres exemples pour proclamer : « Ça suffit ! » Seule une alternative radicale - faisant une incursion dans le pouvoir concentré économique et militaire - est raisonnable aujourd’hui. Le mouvement mondialisé contre cette guerre peut devenir un élément pour esquisser un autre monde, un « socialisme-à-venir ».

(Tiré du site À l’encontre)