Des idées reçues et des mythes :
– La rue serait le principal lieu d’agressions contre les femmes, il faudrait donc éviter de sortir seule, notamment tard le soir.
– Les viols seraient surtout commis par des inconnus.
– La violence conjugale concernerait les milieux défavorisés et les alcooliques. C’est dans les " cités " qu’elle se manifesterait le plus.
– Dans un couple, quand une femme travaille, si elle reste malgré les violences qu’elle subit, c’est qu’elle serait faible, qu’elle aimerait ça, qu’elle l’aurait provoqué, ou qu’elle serait un peu dérangée.
– " Ça ne nous regarde pas, c’est du domaine de la vie privée : ils ont des relations passionnelles."
– Des femmes porteraient plainte pour régler des comptes (avec le mari, le père…). ¦
Le foyer, lieu de tous les dangers
La violence dénoncée avec horreur lorsqu’elle se passe dans une chambre de torture ou à l’autre bout du monde,se produit quotidiennement au sein de la famille et ne suscite ni remous, ni réaction politique lorsque les femmes en sont les victimes et lorsque le coupable est le conjoint, un membre ou un proche de la famille, un ami. Pourtant, ce n’est pas dans l’espace public mais dans l’intimité du foyer familial qu’est perpétré le plus grand nombre de violences de toutes sortes envers les femmes. La moitié des violences physiques et le tiers des tentatives de meurtre sur des femmes sont perpétrés par le conjoint. Le violeur n’est un inconnu que dans un viol sur huit. Ce crime n’implique d’ailleurs pas forcément de rapport de force physique, puisqu’il s’agit de " tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par la violence, contrainte, menace ou surprise " (loi 1980). C’est le non-consentement qui le caractérise.
Que sont les violences domestiques ?
Les violences domestiques sont, dans une relation privée ou privilégiée, une atteinte volontaire à l’intégrité de l’autre, un conditionnement dont il est difficile de se dégager lorsqu’on est la victime. C’est un abus de pouvoir et de confiance qui entrave toute relation basée sur l’égalité et le respect, car elle utilise un rapport de forces exercé par l’un (l’homme : père, conjoint, frère, ami) pour contrôler et dominer l’autre (la femme : mère, fille, partenaire, sœur, amie).
Les violences domestiques englobent différentes formes de violences (les violences verbales, psychologiques, physiques, sexuelles et économiques). Bien que les violences physiques semblent plus graves, il existe une continuité entre les violences psychologiques et physiques qui ont lieu au sein du foyer : 8 % des femmes sont victimes d’un harcèlements psychologique qui se manifeste : par des refus du conjoint (ou du père…) de parler, par des menaces, des dénigrements, du mépris (" tu es conne ", " tu es moche "), par du flicage (" je t’avais interdit de voir cette amie ", " où étais-tu quand j’ai téléphoné ? ") ou encore en faisant passer la femme pour folle (à ses yeux et à ceux d’autrui). Entre l’acharnement d’un interrogatoire, le mépris qui finit par être intériorisé par la femme, la gifle qui suit, et, si elle se rebiffe, un véritable passage à tabac, la femme ne vit qu’une différence de degré, pas de nature. Ces gestes et ces comportements violents, qui utilisent les coups, l’humiliation, le dénigrement, les menaces et le chantage, font partie d’une stratégie pour contrôler et imposer à l’autre sa domination.
Les mariages forcés et les mutilations sexuelles sont des manifestations extrêmes de la domination des hommes, sous couvert de droits coutumiers. L’excision interdit aux femmes le plaisir et elle les empêche d’avoir une sexualité autonome.
Les violences domestiques sont un fait social. Elles ne relèvent pas de la prétendue fragilité des femmes. Au contraire, elles arrivent souvent lorsque l’homme a le sentiment de perdre le contrôle sur sa femme, sa fille… En bref, lorsque celle-ci décide de relever la tête (demande de divorce, refus de se soumettre). L’ampleur et la fréquence des violences domestiques sont les conséquences de l’inégalité entre les sexes.
Qui est concerné ?
Les violences domestiques sont perpétrées très majoritairement par les hommes. Aucun pays, aucune culture, aucune catégorie sociale n’est épargnée. Il faut en finir avec l’image de l’homme violent forcément alcoolique, toxico, dingue, pauvre, immigré. Il peut être étudiant, artiste, intellectuel, ouvrier, cadre, patron, notable, militant de droite, de gauche… même révolutionnaire. L’homme violent a souvent deux visages : charmant dans la vie sociale, jaloux, méprisant et tortionnaire à la maison.
Il n’existe pas de profil-type de la femme victime de violences domestiques. Chacune peut un jour se retrouver sous l’emprise d’un ami, d’un membre de la famille ou d’un conjoint violent. La femme victime n’est pas nécessairement une personne sans ressources. Elle peut être une collègue de travail, une enseignante, votre médecin.
Le cycle pernicieux des violences conjugales Briser le silence
De nombreuses raisons plongent les victimes dans le silence et les empêchent d’agir et d’envisager une issue à la souffrance. Parmi elles : l’isolement, la honte, la peur, les sentiments de culpabilité et d’échec, le chantage à la réputation, le risque d’éclatement de la famille. Dans certains cas, des femmes vont même jusqu’à occulter les violences pour survivre.
Rompre le silence qui entoure les violences domestiques, c’est d’abord reconnaître le statut de victime et sensibiliser l’opinion publique. C’est aussi aider les victimes : la plupart des femmes violées ne portent pas plainte, et quand elles le font, un plainte sur cinq seulement fait l’objet d’une condamnation. Il faut améliorer l’accueil des victimes et lutter pour l’application effective des lois : en finir avec les classements sans suite, les nonlieux, la requalification des viols en simples agressions sexuelles. La loi dit que c’est un crime, les violeurs doivent être jugés en cour d’assises.
Dans un couple, un prétexte quelconque (retard, jalousie) déclenche une explosion violente. L’auteur des violences donne l’impression de perdre le contrôle et transfère la responsabilité de la crise sur la victime, qui intériorise cette responsabilité. Après la crise, l’auteur, qui craint de perdre sa compagne, exprime des regrets tout en minimisant les faits et en justifiant son comportement ; il demande pardon, redevient un amoureux irréprochable et promet de ne plus recommencer, c’est la " lune de miel ". C’est alors que la victime retire sa plainte, revient au domicile et que l’entourage désarçonné se promet de ne plus intervenir.
Au fil des crises, les périodes " lune de miel " se raccourcissent puis disparaissent. L’auteur de violences n’en a plus besoin pour retenir sa victime. La violence conjugale se développe ainsi par cycles de plus en plus rapprochés et peut conduire à la mise en danger de la vie de la victime. Aujourd’hui, en France, une femme sur dix est victime de violences conjugales, 6 femmes par mois en meurent.
Dans la rue comme au foyer, des violences pour contrôler les femmes
En dehors du foyer, dans les lieux publics (au travail, au village, dans le quartier), les trois quarts des auteurs de violences faites aux femmes sont des hommes. Dans l’univers professionnel, ces violences se manifestent par des humiliations et un harcèlement psychologique ou sexuel exercés par des collègues et des supérieurs hiérarchiques.
Au village ou dans le quartier, ce sont les pères, les frères, mais aussi les amis, qui, comme de véritables inquisiteurs, s’arrogent le droit de décider à quelles heures et dans quelle tenue les femmes peuvent avoir accès à " la rue ". Celles-ci sont questionnées, interpellées comme si un certain nombre d’actes leur étaient interdits (sortir quand, avec qui et où elles veulent). Celles qui dérogent aux règles ne doivent alors pas ignorer qu’elles encourent des risques. Et les violences exercées dans les lieux publics (insultes, menaces, attouchements…), qui n’épargnent aucune femme, sont là pour entretenir la peur de l’agression et du viol. Forme extrême de la domination masculine et conséquence de la plus grande précarité des femmes, la prostitution est une violence et n’a rien à voir avec la liberté sexuelle : elle met un quota de femmes à disposition des désirs prétendûment irrépressibles des hommes, elle est un des piliers d’un système de domination où les femmes ne sont bonnes qu’à vendre ou à prendre.
Une véritable tolérance sociale face à ces violences se manifeste à travers le silence et la banalisation qui les entourent.
Contre les violences, pour l’indépendance !
Les violences ne se dissocient pas de la place faite aux femmes dans cette société où 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes. L’indépendance économique et sociale est une condition nécessaire pour qu’une femme puisse réagir face aux violences dont elle est victime. Les luttes féministes pour l’autonomie des femmes et l’égalité des droits (droit de choisir, droit au travail, répartition des tâches domestiques…) font partie du combat contre les violences.
Les violences sous toutes leurs formes n’épargnent aucune femme. Elles ne sont pas une simple somme de discriminations mais un système de contrôle des femmes. Nommer, dénoncer et combattre ces violences, c’est le sens de l’engagement des femmes qui luttent ! Ce sont les femmes migrantes qui dénoncent le fait que des ruptures conjugales dues à des violences peuvent entraîner le refus de renouvellement du titre de séjour et une reconduite à la frontière. Ce sont les lesbiennes qui revendiquent des sanctions relatives aux violences spécifiques qu’elles subissent. Ce sont toutes les femmes qui luttent contre le système prostitutionnel. C’est la Marche mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté ou encore la marche contre les ghettos et pour l’égalité de " ni putes, ni soumises ".
– Créer un service public d’accueil permanent pour les femmes victimes de violences (services de soins et d’aide psychologique et juridique, personnels formés).
– Supprimer l’expertise psychiatrique de la victime visant à évaluer la " crédibilité " de celle-ci, élargir les catégories de preuves à charge et prendre en compte les témoignages oraux des victimes.
– Développer l’accès aux logements sociaux pour les femmes victimes de violences domestiques qui préfèrent quitter leur domicile. Pour celles qui souhaitent rester chez elles, garantir leur protection et l’éloignement du conjoint.
– Augmenter les subventions et les moyens attribués à toutes les associations féministes et aux numéros d’appel gratuit qui luttent contre les violences faites aux femmes.
– Promouvoir une loi antisexiste et anti-homophobe inspirée de la loi antiraciste, qui lutterait contre la banalisation dans les médias des violences faites aux femmes.
– Délivrer une véritable éducation sexuelle à l’école, animée par des intervenants extérieurs qui abordent les notions de plaisir, de libre consentement, la multiplicité des sexualités, les violences…
– Accorder le droit d’asile pour toutes les femmes victimes de discriminations ou de persécutions sexistes et/ou de violences sexuelles. Le droit au séjour doit être individualisé, et non plus dépendre de la famille.
– Lutter pour l’autonomie économique et sociale des femmes, s’opposer au temps partiel imposé, aux inégalités de salaires entre femmes et hommes à travail égal, développer un service public d’accueil de la petite enfance et des personnes dépendantes.