Le 26 août, le juge Baltasar Garzon décide la "suspension immédiate", et pour trois ans, de Batasuna, en raison de son "intégration apparente" à la mouvance d’ETA.
Cette décision prive le parti de toute activité publique, privée ou institutionnelle : conférence de presse, manifestation, rassemblement... "sous quelque nom que ce soit" !
Parallèlement à cette suspension, l’offensive politique lancée par le chef du gouvernement espagnol, Aznar, s’est traduite par un vote de l’écrasante majorité du parlement espagnol - 88 % des députés - d’une loi sur les partis politiques interdisant Batasuna.
Le Parti populaire d’Aznar et les socialistes du PSOE ont approuvé la loi. Les députés du parti nationaliste basque (PNV), ainsi que les catalans, s’y sont opposés. Les députés du Parti communiste se sont abstenus.
La loi vise un parti qui représente environ 10 % de l’électorat basque. Elle utilise une notion bien vague pour appliquer toutes ses dispositions : celle de "mouvance d’ETA" ; ce qui permet d’interdire non seulement Batasuna, mais aussi une série d’associations de la gauche abertzales (patriotes). Les herriko taberna - bar ou tavernes nationalistes - sont fermés. Il faut savoir qu’en Euzkadi, des villes et villages entiers sont gérés par Batasuna.
Bref, on comprend, dans ces conditions, que tous les partis, tous les syndicats, toutes les associations, et surtout, plus significatif au Pays basque, les évêques et le clergé basque ont condamné une telle loi.
La loi sur les partis politiques et l’interdiction de Batasuna constituent des attaques sans précédent contre les libertés démocratiques au Pays basque depuis la fin du franquisme. Plus, cette loi vise à aiguiser le conflit, à accroître la polarisation entre l’Etat espagnol et les nationalistes basques. Pour toutes ces raisons, elle doit être condamnée par l’ensemble du mouvement ouvrier et démocratique international.
Cette condamnation des lois scélérates contre le Pays basque ne signifie pas pour autant un soutien à ETA et à ses initiatives. Les attentats qui frappent des civils innocents, des journalistes ou des responsables politiques du Parti populaire ou du PSOE sont inacceptables. Dès les années 1970, nos camarades basques et espagnols s’étaient opposés à la ligne militariste d’ETA.
La stratégie de rupture avec le franquisme devait s’appuyer avant tout sur la mobilisation sociale et nationale du peuple basque, en alliance avec le mouvement ouvrier et populaire de l’Etat espagnol, et pas sur une succession d’actions militaires qui se substituaient à une mobilisation de masse. Mais si, à l’époque, certaines actions militaires bien ciblées contre la dictature avaient une certaine légitimité, il n’en est plus de même depuis la fin du franquisme. En continuant une lutte armée qui a, dans certains cas, frappé des civils innocents ou des personnalités qui n’avaient pas de responsabilités directes dans la répression, ETA est allée vers une dérive politique et militaire.
La fuite en avant d’ETA est condamnable dans les principes moraux et les conséquences politiques : parce que frapper directement ou indirectement des civils est incompatible avec toute référence à l’émancipation nationale ou sociale ; parce que, loin de favoriser la mobilisation et l’unité du peuple basque, la ligne d’ETA est une ligne qui divise le peuple et fait reculer la cause nationale.
De ce point de vue, le refus de Batasuna de condamner les attentats d’ETA reste inacceptable.
Il y aujourd’hui un net rejet d’ETA, non seulement au niveau de l’Etat espagnol, mais aussi dans des secteurs importants de la population basque.
Néanmoins, une question reste posée : malgré des changements démocratiques en Espagne, pourquoi les actions d’ETA continuent à susciter une certaine sympathie ou une neutralité bienveillante dans une partie de la population basque ?
Autodétermination
La réponse est dans la politique des autorités de Madrid.
A la différence de l’Etat central ou d’autres régions de l’Etat espagnol, il y a eu une certaine continuité de l’appareil d’Etat policier et militaire au Pays basque, après la fin du franquisme. La politique de répression a continué, même sous d’autres formes, en Euzkadi. Dans un pays qui avait une longue tradition de lutte armée nationale, loin de désamorcer le conflit, en créant les conditions d’un débat démocratique pour l’autodétermination du peuple basque, les gouvernements de Madrid ont toujours répondu par le refus du dialogue et la répression.
Dans ces conditions, ETA garde la sympathie d’un secteur de la population et Batasuna continue à représenter autour de 10 % de la population.
La réponse à la question basque est dans la reconnaissance des droits nationaux, économiques, sociaux, politiques, culturels du peuple basque et surtout dans la reconnaissance d’un droit à l’autodétermination nationale. Tant que le peuple basque n’aura pas la reconnaissance de ce droit fondamental, les problèmes fondamentaux d’Euzkadi n’auront pas le début d’une solution.
(tiré de Rouge, hebodmadaire de la LCR, section française de la Quatrième Internationale)