Le secrétaire d’Etat américain au Trésor Paul O’Neill a attribué les scandales financiers qui se multiplient à l’immoralité d’un "petit nombre de mécréants". Le Wall Street Journal a déjà établi une liste de 27 grandes sociétés qui sont en butte aux soupçons, liste qui inclut des firmes ayant pignon sur rue et/ou étant des étoiles du marché boursier en pleine ébullition telles Adelphia, AOL Time Warner, Bristol Meyers, Dynegy, Enron, Global Crossing, Kamart, Lucent Technologies, Merck, Qwest, Reliant Services, Rite Aid, Tyco International, Universal Vivendi, WorldCom et Xerox. Depuis que deux des plus importantes banques américaines, Citigroup et JP Morgan Chase, ainsi que Merrill Lynch ont été mises en examen pour des conduites criminelles, on est en droit de se demander ce que le secrétaire d’Etat O’Neill considérerait comme un grand nombre.
Cela est d’autant plus justifié que les pratiques de rapace de ces firmes, qu’elles soient ou non illégales dans chaque cas donné, participent sans discussion d’un processus endémique à l’Amérique du monde des affaires [l’Amérique des grandes firmes]. Les scandales attestent non seulement de l’époustouflant niveau de corruption individuelle, propre au capitalisme de copinage des Etats-Unis d’aujourd’hui, mais aussi de problèmes systémiques de l’économie réelle.
C’est parce que l’épidémie de fraudes ne reflète pas seulement une préméditation avec intention délictueuse des dirigeants d’entreprise, mais qu’elle traduit la mauvaise santé objective des grandes firmes elles-mêmes que cela a porté un coup aussi fort sur la confiance des investisseurs et des marchés boursiers.
Des profits qui déclinent, des actions qui s’envolent
Les fraudes comptables des sociétés sont le produit direct d’un boom économique américain profondément biaisé, entre 1995 et 2000, un boom qui a été fortement stimulé par un envol historique du prix des actions - et non l’inverse. La raison en était simple : camoufler la réalité d’une tendance des profits des entreprises de plus en plus sombre.
En offrant l’apparence de gains sans cesse en expansion, les livres de comptes truqués permettaient au cours des actions de continuer à grimper. Cela autorisait les sociétés de lever des capitaux [en émettant des actions, en utilisant la capitalisation boursière comme collatéral pour des crédits bancaires] et d’accroître l’investissement en l’absence de profits. Les PDG pouvaient amasser des fortunes fabuleuses grâce aux stock-options [options sur titres ; supplément de rémunération des cadres dirigeants d’entreprise qui repose sur la cession par l’entreprise d’options sur ses actions, avec la possibilité d’achat et de vente pouvant permettre des profits considérables], même si leur firme tanguait vers la faillite et que les surcapacités [de production, c’est-à-dire les capacités de production non utilisées] augmentaient dangereusement. La bulle historique du cours des actions allait donc se gonfler encore plus et le boom des investissements inadéquats [surinvestissement par rapport aux débouchés] s’accroître, rendant le krach qui s’ensuivra et la récession d’autant plus sévères.
Entre 1997 et 2000, au moment même où l’expansion économique américaine tant vantée avait atteint son sommet, les profits des sociétés en termes absolus et en taux de retour sur le stock de capital (bâtiments, équipement, programmes informatiques, etc.) dans le secteur non financier de l’économie chutaient fortement : de 15 à 20% selon les chiffres révisés, dans les deux cas de figure.
Dans des circonstances normales, en conséquence du déclin des profits et de la rentabilité, les firmes se seraient retrouvées elles-mêmes avec des surplus réduits à disposition tout en obtenant moins de fonds de l’accumulation du capital pour chaque dollar investi. Elles auraient aussi connu une incitation plus petite à investir dans la mesure où le taux de profit réalisé constitue pour les sociétés la jauge fondamentale pour anticiper la dynamique du taux de profit attendu. La croissance des investissements aurait donc diminué et l’expansion économique aurait connu une décélération.
Toutefois, tel qu’il en alla, même alors que les profits déclinaient, le cours des actions grimpait jusqu’au ciel. En 1995, afin d’empêcher une récession du secteur manufacturier du Japon de se transformer en un écroulement, les Etats-Unis furent obligés d’opter pour une politique du dollar élevé (délaissant ainsi la politique d’un dollar bas qui avait été adoptée au cours de la décennie précédente). Une crise du Japon n’aurait pas seulement menacé sérieusement la stabilité de l’économie mondiale, mais, étant donné la masse des dettes américaines détenues par les créanciers japonais, elle aurait pu conduire les Etats-Unis à élever les taux d’intérêt [pour que les prêteurs japonais ne se défassent pas de leurs obligations américaines], précipitant de la sorte une récession.
Aussi bien comme cause que conséquence d’un dollar à la hausse, l’argent en provenance du monde entier se déversa sur les Etats-Unis, poussant à la baisse les taux d’intérêt à long terme et déclenchant le premier mouvement à la hausse du cours des actions [si les taux d’intérêt obligataires sont bas, les investisseurs se déplacent vers le marché des actions, si celui-ci n’apparaît pas fragile]. Alan Greenspan [président de la Fed, banque centrale américaine] a prolongé la fête en refusant d’élever les taux d’intérêt à court terme durant quatre ans et en facilitant le crédit [en permettant des injections de crédit en donnant des assurances aux banques] en réponse à chaque crise [1997, 1998, etc.]. Les firmes du secteur non financier en particulier ont profité de ce régime de crédit à bon marché, en empruntant massivement afin de racheter leurs propres actions dans des quantités énormes, poussant ainsi à la hausse leur cours.
En conséquence de l’envolée impétueuse du cours de leurs actions, les firmes étaient capables d’échapper à la réalité amère du déclin de leur rentabilité [du retour sur investissement]. Elles pouvaient accéder à des capitaux avec une facilité sans précédent, soit en émettant des actions à des prix gonflés jusqu’au ridicule, soit en empruntant aux banques, en ayant comme collatéral [garantie] la masse des actions au prix surévalué.
Lorsque le siècle arrivait à sa fin, les emprunts et les dettes des sociétés, aussi bien que l’émission d’actions, avaient atteint des sommets jamais franchis par le passé. Comme le marché boursier ne cessait de s’enfler, les ménages riches voyaient aussi croître leurs actifs mobiliers [actions, obligations, etc.] de façon astronomique. Ils pouvaient ainsi réduire leur taux d’épargne pratiquement à zéro, accroître leur consommation et permettre aux firmes de vendre leur production augmentant rapidement à cause de leurs investissements soutenus dans les équipements, les systèmes informatiques...
Pour faire court, "l’effet de richesse" d’un marché boursier en hausse se concrétisa par un record d’emprunts des firmes comme des consommateurs et par des émissions d’actions sans précédent permettant aux sociétés de maintenir un puissant boom d’investissement tout au long des années 1990. Sur la base de cette ascension de l’investissement, la croissance du produit intérieur brut, de l’emploi et même des salaires s’est accentuée jusqu’au milieu de l’année 2000.
L’entourloupette, évidemment, réside dans le fait que des profits croissant rapidement sont normalement nécessaires non seulement pour financer et susciter des investissements accrus, mais aussi, un jour ou l’autre, pour justifier et soutenir des cours d’actions qui s’envolent. Or, des profits en hausse, c’était précisément ce qui manquait. Face à cette faillite des "fondamentaux" [taux d’investissement, taux de profit, etc.], les directeurs des grandes sociétés se trouvaient sous une pression décuplée afin de maintenir, par tous les moyens, le cours des actions au plafond.
Et dans la mesure où une partie de leur rémunération était très liée à la valeur de leurs options sur titres, ils faisaient face à une tentation irrésistible à agir de la sorte.
Lorsque la crise des profits et de la rentabilité s’est accrue, une grande société après l’autre - spécialement dans la "nouvelle économie", c’est-à-dire le secteur de la technologie, des médias et des télécommunications (TMT) - a simplement falsifié ses comptes afin d’exagérer ses gains à court terme et de gonfler le cours des actions de la société.
Ces sociétés ont reçu une aide frisant l’héroïsme de la part des grandes banques généralistes de Wall Street qui récoltaient d’énormes commissions pour organiser l’émission d’actions, le lancement d’emprunts obligataires et agencer des rachats et fusions. Si les sociétés utilisaient les services des banques d’investissement, en contrepartie des crédits seraient mis à leur disposition.
Ces firmes se sont aussi assuré l’aide inestimable "d’analystes financiers" des banques, qui pronostiquaient des perspectives de revenu aux acheteurs potentiels afin de pousser à la hausse le cours des actions. Nous ne mentionnerons pas les cabinets d’audit "indépendants" qui en sont arrivés à servir de consultants pour des investissements [pour l’essentiel sur le marché boursier] au même moment où ils étaient supposés contrôler les livres de comptes des sociétés.
Il n’est pas possible de ne pas souligner que le gouvernement lui-même a pavé la voie pour l’effervescence de la créativité de ces sociétés d’audit. Au début des années 1980, dans la perspective explicite de restaurer le pouvoir et le profit du secteur financier américain qui avait été fortement frappé par une inflation montante et une faible demande de crédit au cours des années 1970, le gouvernement fédéral a systématiquement démantelé le système de régulation financière qui avait été mis en place à l’occasion du New Deal, suite à la dernière grande bulle spéculative et à son explosion [crise de 1929 et mesures prises par l’administration Roosevelt dès 1933].
En éliminant la régulation et les normes qui avaient pour fonction de prévenir des formes spécifiques de corruption et de conflits d’intérêts [par exemple, en ayant à la fois la fonction de contrôleur et de conseiller en placement] qui récemment sont devenues si courantes, le gouvernement a réussi au-delà de ses rêves les plus audacieux. En l’an 2000, les profits du secteur financier, en pourcentage du total des profits des sociétés, a atteint la barre des 20%, le taux le plus élevé de tous les temps.
Le maquillage des bilans des compagnies a aidé à la poursuite de l’expansion, mais jusqu’à un certain point. Lorsque la réalité de la défaillance des profits s’est petit à petit imposée en 2000 et 2001, le cours des actions a atteint son sommet, les investisseurs se sont peu à peu réveillés et le cours des actions s’est retourné. Alors, l’effet de richesse, lié à la hausse boursière, s’est inversé. Les emprunts et les émissions d’actions des firmes se sont contractés. Les investissements dans de nouvelles entreprises et biens d’équipement déclinèrent. Le chômage prit l’ascenseur. L’économie s’engagea dans une récession. Et la direction collective de l’Amérique des affaires pouvait prendre en dérision les banques.
Enron sert d’exemple
Le cas Enron est paradigmatique [voir à l’encontren° 4, disponible sur le site rubrique Archives]. Comme presque tout le monde le sait maintenant, les managers d’Enron ont mis hors bilan une après l’autre des filiales afin de camoufler leurs gigantesques dettes et ainsi de dilater frauduleusement leurs gains.
Cela a été possible parce que Arthur Andersen, peut-être le cabinet d’audit le plus important des Etats-Unis, a couvert leurs vols, sans doute encouragé à le faire à cause du million de dollars par semaine qu’il recevait d’Enron pour ses honoraires de consultant. Au cours des dernières années, lesdites grandes cinq firmes d’audit ont fait trois fois plus d’argent en exerçant le "métier de consultant" qu’en exerçant celui de contrôleur des comptes.
Les gains artificiellement gonflés ont assuré la hausse des actions, permettant à la société de se développer et aux dirigeants initiés [c’est-à-dire au courant de la réalité] d’obtenir des rémunérations gigantesques en vendant leurs actions [avant le retournement]. Au cours de la brève période entre janvier 1999 et décembre 2001, dix des principaux actionnaires se sont fait un pactole de plus d’un milliard de dollars en se débarrassant de leurs actions ; 221,3 millions de dollars et 70,7 millions, respectivement, pour le PDG Kenneth Lay et le directeur Jeffrey Skilling.
Les employé·e·s de la firme et les actionnaires se sont retrouvés, évidemment, devoir payer presque totalement les coûts de ce gigantesque écroulement. Lorsque la capitalisation boursière [produit du nombre des actions par leur cours boursier] a basculé, passant de 70 milliards de dollars à zéro, en substance, les employé·e·s d’Enron ont perdu leur épargne et leurs retraites - qu’ils avaient été poussés à détenir sous forme d’actions d’Enron - au même moment où ils étaient licenciés.
Ce qui a été mis en lumière, plus récemment, est le rôle de partenaire indispensable joué par Citigroup et J.P. Morgan Chase - première et deuxième banque des Etats-Unis - au côté de Merrill Lynch [autre grande banque], pour mettre en place les comptes outrageusement truqués d’Enron. Ce gigantesque conglomérat financier a créé un ensemble de compagnies écrans [des coquilles vides] offshore [délocalisées hors du territoire des Etats-Unis] dans le seul but de fonctionner comme des simulacres de partenaires pour le négoce d’énergie et pour aider Enron à camoufler son endettement.
Les compagnies coquilles vides ont ainsi pu effectuer des prêts bancaires à Enron à hauteur de 8 milliards de dollars en six ans. Toutefois, dans la comptabilité, ces prêts apparaissaient comme des versements pour des achats. Peut-être que l’exemple le plus étonnant de ces manipulations fut "l’achat" de trois centrales électriques montées sur des péniches [barges] stationnée sur la côte du Nigeria, par Merrill Lynch en décembre 1999, pour la somme de 12 millions. Cela a permis à Enron de passer dans ses comptes un profit supplémentaire de 12 millions dans son rapport financier de fin d’année [important pour soutenir le cours des actions]. En échange Merrill Lynch recevait d’Enron une commission de 250000 dollars et 15% d’intérêt sur ce qui était en réalité un prêt devant être remboursé dans les six mois. En effet, à cette échéance, Merrill Lynch rendait les barges au partenaire contrôlé par Enron : la société LJM2.
Au travers de telles opérations Enron présentait ce qui était en fait des dettes comme des actifs [des avoirs], sous-évaluant ses dettes de 40% et surévaluant sa marge brute d’autofinancement [cash flow] de 50% ; de la sorte Enron rehaussait la position de ses actions et sa capacité d’emprunteur. De leur côté Citigroup et J.P. Morgan Chase ramassaient 200 millions en commission pour leur peine et, de façon tout sauf étonnante, manigancèrent des combines similaires pour plus de 20 sociétés en première ligne dans le secteur de l’énergie.
Citigroup ne reste pas assise paresseusement et n’attend pas de payer les pots cassés pour avoir prêté à une société en train de courir à la faillite. En mai 2001, comme Enron tombait dans l’oubli - un fait que la Citigroup, mieux placée que quiconque, pouvait fort bien comprendre - la banque lance un grand emprunt obligataire pour Enron. Pour cette raison, dans tout le pays des fonds de pension [qui avaient acheté des obligations, c’est-à-dire des titres de la dette d’Enron] poursuivent en justice Citigroup. Avec Merrill Lynch et J.P. Morgan Chase, Citigroup est l’objet d’une enquête menée par une commission du Congrès [le législatif américain] et du procureur général de l’Etat de New York.
La grande arnaque des télécoms
Quelques-unes des plus grandes étoiles de l’industrie des télécommunications ont suivi le chemin ouvert par Enron - depuis la frénésie financière en passant par l’accroissement frauduleux des profits pour terminer avec la faillite - mais à une échelle encore bien plus gigantesque et avec des répercussions d’une ampleur incommensurablement plus grande pour l’économie.
Etant donné la place centrale occupée par ces firmes dans le coeur même de ladite révolution technologique, leurs manigances ont joué un rôle disproportionné dans le gonflement de la bulle boursière au cours de dernières années les plus effrénées. De la sorte, elles ont accru les surcapacités, précipitant le krach du marché boursier et stimulant la récession qui s’ensuivit. L’expérience des télécommunications, peut-être plus que celle de toutes les autres branches, est emblématique de la montée et de la chute de ces frères siamois : la bulle des marchés boursiers et la "nouvelle économie".
L’entrée en vigueur de l’Acte sur les télécommunications en 1996, qui a dérégulé le marché des télécommunications, l’ouvrant à toutes les nouvelles firmes [les nouveaux venus dans le secteur], a créé les conditions nécessaires pour le déchaînement observé dans cette branche. Une phalange de nouveaux venus s’y est précipitée. Ils espéraient accumuler des gains grâce à une expansion sans interruption de l’Internet et - sous l’effet de ce qu’ils envisageaient comme ce qui constituerait leur supériorité technologique - d’arracher des parts de marché de firmes bien établies, des colosses tels que Deutsche Telekom, NTT, AT&T et Verizon.
En s’étant déployées au moyen de fusions et d’acquisitions, à un rythme très soutenu, ces firmes cherchaient à obtenir l’appui des marchés boursiers, qui sont éblouis par le taux de croissance et le volume, ce qui poussait à la hausse le cours des actions et, sur cette base, assurait les financements nécessaires pour une croissance encore accrue. Ce fut l’un des multiples montages à la Ponzi [Ponzi était un escroc américain qui réussit à obtenir, dans l’après-première guerre mondiale, 15 millions de dollars de 40000 investisseurs, leur promettant de doubler leurs investissements en 90 jours... au début il payait les intérêts avec l’argent des nouveaux entrants ; il fut arrêté en 1920] qui ont aidé à impulser l’économie.
Les sociétés de télécommunications qui surgissaient installaient des dizaines de millions de kilomètres de câbles optiques à travers les Etats-Unis comme sous les océans, recevant pour le faire l’aide indispensable des banques d’investissements de Wall Street et de leurs dits "analystes du secteur des communications".
Les banques s’occupèrent du lancement des emprunts obligataires et de l’émission des actions. Les analystes, comme conseillers en investissement, encourageaient les firmes à s’engager dans la course des fusions et des acquisitions qui seraient montées, évidemment, par les banques d’investissement pour lesquelles ils travaillaient. Pendant ce temps, des "analystes financiers", s’affirmant ostensiblement indépendants, faisaient tout pour assurer que les actions de ces sociétés soient attractives en diffusant une information à un public crédule, sur la base non pas des profits des sociétés mais de leur croissance et de leur surface et, y compris, du nombre de lignes [de câbles] qu’elles avaient installées. Les firmes reconnaissantes pouvaient récompenser les banques en leur confiant de nouveaux mandats.
Dans ce processus de promotion, Salomon Barney Smith, la banque d’investissement de Citigroup, a joué un rôle d’avant-garde, sous la direction de leur analyste du secteur des communications, le bien nommé Jack Grubman [allusion au terme américain : grubstakequi est une avance faite à un prospecteur] . Après l’adoption du Telecom Act [en 1996], Salomon a aidé 81 sociétés de télécommunication à rassembler 191 milliards de dollars sous la forme d’obligations ou d’actions. Pour cet effort, Salomon a perçu des centaines de millions en commissions pour avoir organisé ces souscriptions et des dizaines de millions pour avoir conseillé ces firmes pour des opérations de fusion et d’acquisition.
Ce fut particulièrement le cas pour les étoiles que Salomon plaçait collectivement au firmament, en particulier les bientôt célèbres firmes : World.com, Global Crossing et Qwest [qui connaissent la déconfiture et des poursuites pour diverses malversations]. Salomon a réuni, respectivement, pour ces trois firmes, des capitaux à hauteur de 24,7 milliards de dollars, 5,4 milliards de dollars et 5,6 milliards de dollars. Salomon a touché respectivement les sommes de 140,7 millions, 83,8 millions et 34,4 millions de dollars en commissions.
Salomon et Grubman n’étaient pas de loin - et cela doit être souligné - les seuls à accomplir de tels efforts. Manifestant ce comportement moutonnier, qui les rend à juste titre odieux, les banquiers et les "analystes financiers" se ruèrent afin de tous participer à ces opérations. Ils ont arrosé le secteur des télécommunications avec bien plus de capitaux qu’il eut été raisonnable d’y investir, en mettant, de fait, l’expansion en surrégime et, de la sorte, en faisant exploser les surcapacités.
Les managers de fonds [ceux qui dirigent des fonds de placement] étaient tous sujets à la même dynamique de foule. Ceux qui restaient sur le côté risquaient de n’être pas aussi performants que leurs concurrents ; ainsi les investisseurs institutionnels [entre autres les fonds de pension] ont fini par acheter des actions des sociétés de télécommunication, comme s’il n’y avait pas de lendemain, poussant ainsi leur cours à des hauteurs inconnues par le passé.
Il va sans dire qu’Alan Greenspan et la FED [Greenspan est le président de la FED : banque centrale américaine] ainsi que la SEC [Securities and Exchange Commission : commission des opérations de bourse et de change chargée de contrôler si les "règles" du marché sont respectées] n’ont absolument rien fait pour intervenir face à cette bulle en pleine dilatation. Ils fermaient les yeux sur les fraudes commises par les grandes firmes, ce qui, nous le savons, à contribuer à ce gonflement. Ils ne désiraient pas mettre en danger l’envol du marché boursier qui constituait la seule force expansive de l’économie réelle (suite et fin.... lundi 28 octobre).
(tiré du site A l’encontre) (voir notre page de liens)
Messages
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