Le week-end dernier a constitué un moment exceptionnel de mobilisation contre la barbarie impérialiste et la guerre. Suivant la rotation de la terre, de pays en pays, les populations du globe manifestaient : autant d’encouragements à la lutte !
Commencée vendredi soir par la manifestation de Melbourne en Australie - 200 000 manifestants -, la vague planétaire s’est achevée dimanche après-midi à Sidney. En moins de 48 heures, plus de dix millions de personnes sont descendues dans les rues du monde pour dire "non" à la guerre de Bush. C’est sans doute la première fois que le refus de la logique criminelle du système connaît une telle opposition simultanée. Autre caractéristique remarquable : la manifestation de ce week-end est la plus importante de toute l’histoire de plusieurs grands pays...
Bien sûr, on attendait avec impatience de savoir si, au coeur même de l’impérialisme, la population étatsunienne, traumatisée par le 11 Septembre et soumise à une inlassable propagande gouvernementale, serait au rendez-vous. La réponse a été sans ambiguïté. D’abord à New York où, malgré l’interdiction de manifester décidée par la municipalité, 400 000 personnes se sont rassemblées aux alentours du bâtiment de l’ONU : Mgr Tutu, de nombreux artistes, des représentants des minorités ethniques, des syndicalistes, des parlementaires démocrates ainsi que les vétérans du Viêt-nam et de la première guerre du Golfe avaient rejoint l’initiative organisée par les différentes coalitions contre la guerre. D’autres défilés ont eu lieu dans les grandes métropoles : Seattle, Miami, Chicago, Detroit, Los Angeles (plus de 10 000) et surtout San Francisco (150 000).
La censure de la rue
En général, les manifestations les plus imposantes ont eu lieu dans les pays dont les gouvernements, au mépris de leur propre opinion publique, ont emboîté le pas à Bush. C’est le cas en Italie où, dopées par la manifestation de Florence qui a clos le dernier Forum social européen, plus de trois millions de personnes ont convergé sur Rome, à l’appel du mouvement syndical (CGIL), des mouvements altermondialistes, des associations chrétiennes, des partis de la gauche traditionnelle et du parti de la Refondation communiste. Un rassemblement du-rant lequel l’hostilité à la marche à la guerre de Bush se conjuguait avec la dénonciation de l’alignement de Berlusconi. Une démonstration de force qui n’est pas restée sans résultats, puisque l’autocrate italien a commencé à infléchir sa position...
Au Royaume-Uni, la politique de Blair, principal propagandiste étranger de l’administration étatsunienne, a été sévèrement sanctionnée dans la rue : Londres a connu le plus gigantesque défilé de toute l’histoire britannique avec un million et demi de manifestants, à l’appel de centaines d’associations, de syndicats et de partis, sous l’égide de l’association des musulmans de Grande-Bretagne, du CND (collectif contre l’armement nucléaire) et de la coalition "Stop the War", à l’offensive depuis plusieurs mois. A noter que si le soutien à la guerre de Bush et Blair est globalement minoritaire dans l’opinion publique, il l’est encore plus parmi l’électorat et les militants travaillistes particulièrement nombreux à affirmer que Blair n’a reçu aucun mandat populaire pour sa politique guerrière.
La mobilisation dans l’Etat espagnol, autre pays dont le dirigeant, Aznar, s’est particulièrement engagé au côté des faucons étatsuniens, a également été considérable. Cinq cent mille à Valence, 250 000 à Séville, 100 000 aux Canaries, entre un million et demi et deux millions à Madrid, plus de deux millions à Barcelone, des défilés dans de nombreuses autres villes : finalement, on estime que plus de 10 % de la population a participé aux manifestations. Là encore, du jamais vu !
Ces démonstrations populaires illustrent mieux que bien des discours théoriques les limites des régimes occidentaux, tant vantés pour leur système démocratique : ces "démocraties-là", au nom de la solidarité occidentale et atlantique, s’apprêtent à s’engager dans une expédition guerrière, rejetée par une grande majorité de la population. Ces pays sont sans nul doute des démocraties parlementaires, où les citoyens sont régulièrement appelés à se rendre aux urnes. Mais quand il s’agit de questions essentielles pour les intérêts politiques et économiques des classes dirigeantes, quand ce qui est en jeu est la paix ou la guerre, alors plus question de demander leur avis aux peuples !
Vague planétaire
Impossible d’évoquer ici l’ensemble des pays dans lesquels des foules se sont dressées contre la guerre. Car aucun ensemble régional n’a échappé au phénomène. En Europe de l’Est aussi, où après des décennies de dictature stalinienne, les classes dirigeantes ne jurent plus que par les bienfaits de la libre entreprise et du modèle étatsunien, la résistance à la guerre impériale relève la tête. La manifestation de Varsovie, à l’appel des associations musulmanes, de la gauche radicale, des Verts, d’Amnesty International et des réseaux altermondialistes, a rassemblé plus de 10 000 personnes. En Hongrie, les associations qui se réfèrent au Forum social mondial et au Forum social européen, ainsi que les mouvement pacifistes ont réussi une manifestation de plus de 50 000 personnes. Elles s’opposent notamment aux demandes étatsuniennes de mettre à disposition les infrastructures ferroviaires hongroises pour la guerre.
Les capitales latino-américaines se sont également distinguées, alors qu’au Brésil la Centrale unique des travailleurs (CUT) jouait un rôle déterminant dans les mobilisations. L’Asie n’est pas en reste avec des manifestations au Japon, en Indonésie et aux Philippines (Mindanaho). Plus près de nous, au Portugal, à l’appel du Parti communiste portugais et du Bloc de gauche, 80 000 personnes à Lisbonne et 5 000 à Porto. Même Luxembourg, la capitale du Grand-Duché, a reçu sa plus grande manifestation depuis 30 ans : 15 000 personnes, venues du Luxembourg, de Sarre et de Lorraine ont participé à cette initiative transfrontalière. A Beyrouth, 100 000 personnes ont défilé avant que des femmes libanaises, françaises, anglaises, américaines et australiennes n’organisent un vaste sit-in. A Nouméa (kanaky), 400 manifestants ont répondu à l’appel de plusieurs organisations dont l’USTKE et le FLNKS. Enfin, plus de 4 000 citoyens d’Israël, juifs et arabes, se sont rassemblés à Tel-Aviv, contre la guerre voulue par Sharon et Bush...
En résumé, un week-end particulièrement motivant qui montre bien que les opposants à la guerre ne sont ni isolés ni minoritaires. Un encouragement à poursuivre la lutte.
François Duval. Rouge (20/02/2003)