Tiré du site de la LCR Belge
Par Nordine Saïdi et Nathalie Preudhomme le samedi, 19 juillet 2008
Début mai, à l’initiative du Comité belge de soutien au peuple sahraoui, nous sommes partis à 10, citoyens et citoyennes belges, à la rencontre d’un conflit oublié par nos médias. Pendant une semaine, nous avons rencontré des hommes et des femmes qui depuis trois décennies sont réfugiés dans des campements situés au sud-ouest de l’Algérie.
Situation politique…
Tout d’abord, il faut savoir que le peuple sahraoui est représenté par le Front POLISARIO (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) que l’ONU considère officiellement comme représentant légitime du peuple sahraoui, peuple dont elle confirme chaque année le droit à l’auto-détermination.Depuis le cessez-le-feu accepté par le Polisario en 1991, le référendum d’autodétermination est toujours remis aux calandres grecques à cause de l’obstruction du Maroc qui refuse de tenir ses engagements avec le soutien complice de nombreux gouvernements comme la France.La République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) est reconnue à travers le monde par quelque 80 Etats. Le Front POLISARIO affirme que c’est au peuple sahraoui, et à lui seul, de décider de son avenir à travers un référendum d’autodétermination. Le Front POLISARIO accepte que trois questions soient posées aux électeurs : autonomie régionale, intégration au Maroc ou indépendance. Malheureusement, le Maroc ne conçoit toujours ce référendum que sur la base de son plan d’autonomie qui bafoue le droit international.Les Nations-Unies laissent faire et refusent d’appliquer ses propres résolutions en renvoyant dos à dos la puissance occupante et le peuple occupé. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le Sahara occidental n’est pas un grand territoire vierge, son sous-sol regorge de nombreuses ressources naturelles telles que du fer, du titane, du manganèse, de l’uranium, mais surtout du phosphate. On peut imaginer que la présence de l’occupation marocaine n’est pas sans intérêt économique. Cependant, rappelons que le Maroc ne dispose d’aucune souveraineté sur le Sahara occidental et n’a donc pas le droit d’exploiter ces richesses. Si l’Union européenne, elle se déclare officiellement neutre dans le dossier sahraoui, elle est en réalité accusée par certains spécialistes de violer le droit international via ses accords de pêche avec le Maroc (les côtes sahraouies sont parmi les côtes les plus poissonneuses du monde).
Dans les camps de réfugiés…
En 1976, le peuple sahraoui a dû fuir les bombardements marocains et s’est réfugié dans le désert algérien, près de Tindouf. Aujourd’hui, la population réfugiée représente près de 160.000 personnes vivant dans l’attente d’un retour dans leur patrie depuis plus de 30 ans. Il existe 5 campements dont les noms font référence à des villes occupées du Sahara occidental. Ils sont répartis en wilayas (provinces) et darias (villages qui sont eux-mêmes divisés en quartiers). Dans chaque wilaya et daria, les services publics (enseignement, soins de santé, centre de jeunesse, etc..) sont pris en charge par les Sahraouis eux-mêmes, tous bénévoles. Nous avons été accueillis, logés et nourris chaleureusement dans les familles sahraouies. Les nombreuses discussions autour du thé nous ont permis d’entrer au cœur même de la réalité quotidienne des campements. Elles furent nombreuses et sans tabou, sur la vie quotidienne, l’histoire passée et présente. Une chose revenait sans cesse dans les propos de tous : « Nous avons droit à l’autodétermination ! » Nous avons rencontré des représentants à la fois du monde politique, des responsables d’ONG et d’institutions internationales ainsi que des personnes de la société civile qui nous ont montré combien la vie dans les camps était organisée d’une manière exemplaire.
Rencontre avec des représentants politiques.
Le Polisario est un front uni jusqu’à la libération. A la suite de celle-ci, le Polisario sera dissous et les Sahraouis se donneront 6 mois pour organiser des élections. Actuellement, ils ont des sièges libres dans leur Parlement afin de représenter symboliquement les personnes qui vivent en territoires occupés.Chaque représentant politique nous a parlé du referendum comme suit : "Il faut que le referendum propose l’ensemble des choix possibles, à savoir : l’intégration, l’autonomie ou l’indépendance et non pas seulement un choix pour l’autonomie comme le souhaiterait le Maroc".
S’ils devaient reprendre les armes, ce serait avant tout pour attirer l’attention de la Communauté Internationale. Lors du dernier congrès sahraoui, le message du peuple était clair : "Nous avons attendu 17 ans, nous ne voulons plus rester les mains croisées". Pour beaucoup, la Communauté internationale agit au niveau humanitaire pour laver sa conscience, mais ne joue pas son rôle au niveau de la résolution politique du conflit !
Rencontre avec des responsables d’ONG ou d’institutions internationales.
Les campements sont situés dans une zone complètement désertique, sans accès direct à l’eau potable. Il n’y a pas de possibilité de développer des cultures de fruits et légumes. Le peuple sahraoui est donc à presque 100 % dépendant de l’aide alimentaire. Au niveau de la malnutrition enfantine, les chiffres de l’OMS (mars 2008) sont alarmants :- Malnutrition sévère : 18, 2 % - Malnutrition chronique : 31,4 % - Poids insuffisant : 31,6 % L’aide alimentaire n’arrive pas en quantité suffisante (rupture du stock de sécurité au PAM), arrive en retard, ou est mal gérée au niveau de l’accès (les aliments ne peuvent pas être distribués en même temps). Au-delà du problème politique, nous avons été témoins d’une situation humanitaire dramatique. Les chiffres des malnutritions parlent d’eux-mêmes. C’est une URGENCE !
Situation scolaire
Dès l’école primaire, les enfants apprennent l’espagnol, le français et l’anglais. Il n’y a pas d’école secondaire dans les camps. La plupart des élèves vont étudier en Algérie dans des internats pris en charge par les représentants sahraouis. Au niveau de l’université, les cursus sont suivis à Cuba, en Lybie, en Espagne ou en Russie. Parmi les différents acteurs éducatifs rencontrés, notre rencontre avec le docteur « Castro » nous a beaucoup marqué. En mettant en place un centre pour les enfants handicapés, il est à l’initiative d’une véritable révolution sociale au sein même de la société sahraouie. Grâce à sa détermination et son travail, il permet aux enfants handicapés de devenir autonomes et favorise ainsi leur intégration au sein même de leurs familles et dans les camps.
Rôle des femmes
Dès le départ, les femmes se sont organisées et ont mis en place plusieurs institutions : écoles maternelles, primaires, hôpital, locaux informatique/internet, apprentissage du permis de conduire, mosquées, coopératives (vêtements). Ainsi, deux ans à peine après leur exil, en novembre 1978, les premières diplômées sortaient de l’école ! Grâce à leur sens de l’organisation et leur volonté, les femmes ont réussi à inverser les chiffres de l’analphabétisme car aujourd’hui, 90 à 95 % de la population sahraouie est alphabète. Dans la société sahraouie, les femmes sont représentées en grand nombre dans tous les domaines, à la fois civil et politique (plus de 34 % de représentation politique). Cela vient d’abord du fait de leur culture nomade, ensuite parce que les hommes étaient sur le front pendant les nombreuses années de guerre (1976-1991). Après le cessez-le-feu, les hommes sont revenus des campements militaires et ont trouvé des femmes plus éduquées qu’eux. Depuis, il existe toute une série de formations dans les campements militaires.
N’oublions pas !
Depuis le cessez-le-feu, cela fait maintenant 17 ans que les négociations s’éternisent et n’aboutissent pas. Jusqu’à présent, le front POLISARIO n’a pas repris les armes, mais subit la pression interne du peuple qui ne veut plus attendre.
Le peuple sahraoui a droit à son auto-détermination. Il est temps que le Conseil de Sécurité des Nations Unies prenne ses responsabilités en obligeant le Maroc à respecter ses engagements conformément au droit international.