L’indépendance d’Haïti, proclamée voici exactement 200 ans, s’est accompagnée d’une dette de l’indépendance absolument colossale, qui fut exigée par la France, ancienne puissance coloniale. Par ailleurs, entre 1957 et 1986, la dictature des Duvallier a ravagé et fortement endetté le pays. Fort de ce constat, le CADTM réclame l’annulation de la dette haïtienne, largement illégitime et odieuse, dans laquelle la situation catastrophique d’aujourd’hui trouve sa source.
De plus, le CADTM demande l’instauration d’une véritable démocratie, prenant en compte l’intérêt des populations et engageant des procédures judiciaires en vue de la rétrocession des fonds détournés par des régimes dictatoriaux.
Le 1er janvier 2004 marque le bicentenaire de l’indépendance de Haïti, acquise dans le contexte d’une double révolution, à la fois anti-coloniale et anti-esclavagiste. Mais Haïti fut forcé d’accepter en 1825 la reconnaissance d’une dette colossale envers la France, appelée "dette de l’indépendance", représentant à peu près le budget annuel de la France à l’époque (150 millions de francs-or). Pendant plus d’un siècle, Haïti devra se saigner aux quatre veines pour rembourser cette dette qui a définitivement empêché, dès l’origine, tout développement humain véritable.
Les richesses (comme celles provenant de la vente du café) sont, dès le début, consacrées au remboursement d’une dette illégitime, et dès 1828, le gouvernement doit même emprunter pour pouvoir rembourser : la spirale infernale s’enclenche.
Par conséquent, la dette est un élément fondateur de l’Etat haïtien. Elle s’insère dans une liste de mécanismes de domination, dont les politiques d’ajustement structurel sont le prolongement actuel.
Aujourd’hui la dette extérieure s’élève à 1,2 milliard US$ et le service de la dette exerce une ponction considérable sur les ressources de ce pays très pauvre : il a représenté, au cours des dix dernières années, le double du budget de santé publique.
Plus de la moitié de la dette actuelle a été contractée par le régime des Duvallier, sans compter les emprunts qui ont suivi pour assurer les remboursements. Il s’agit d’une dette odieuse, c’est-à-dire contractée par des autorités illégitimes. A la chute des Duvallier en 1986, la fortune de la famille Duvallier avait été estimée à 900 millions US$, alors qu’à ce moment la dette externe totale d’Haïti s’élevait à 750 millions US$. Les recherches qui ont été faites ont montré que ces fonds avaient été placés dans des banques suisses ou dans des paradis fiscaux.
Haïti est l’un des pays les plus appauvris de l’Amérique, le seul PMA (pays moins avancé) du continent. Pourtant, en 2001, les montants remboursés par l’Etat ont dépassé les nouveaux prêts et le peuple haïtien, au fond du gouffre, a malgré tout transféré des richesses vers des créanciers aisés.
La dette haïtienne est essentiellement due aux institutions multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale ou la Banque interaméricaine de développement, ce qui est souvent le cas pour les pays les plus pauvres, ces institutions étant les seules à accepter de leur prêter, en échange d’accords économiques très contraignants.
En ce sens, Haïti est un cas d’école pour analyser l’illégitimité de la dette et son caractère central dans le cadre des processus de domination.
Contact : Damien Millet, secrétaire général du CADTM France, 06 60 54 27 13.