Tiré du site de Québec Solidaire
Le 11 mars 2010
Amir Khadir fait adopter une motion défendant l’indépendance de Droits et Démocratie
Québec, le 11 mars 2010 - Alors que l’organisation Droits et Démocratie traverse une grave crise, l’Assemblée nationale du Québec a adopté, à l’initiative d’Amir Khadir, une motion en faveur de l’indépendance de l’institution.
La motion déposée par le député de Mercier, conjointement avec Robert Dutil, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, a été adoptée à l’unanimité par les parlementaires québécois. Elle se lit comme suit : « Que l’Assemblée nationale du Québec exprime sa reconnaissance pour le travail exemplaire de l’organisation Droits et Démocratie au niveau international et souhaite voir préserver l’indépendance de cette institution afin d’en protéger la crédibilité et la pérennité. »
« Je tiens particulièrement à saluer les employés de Droits et Démocratie et à leur exprimer ma solidarité dans l’épreuve qu’ils traversent, a déclaré M. Khadir. Certains membres du personnel devaient être présents à l’Assemblée pour le dépôt de la motion, mais se sont finalement abstenus par peur de représailles, ce qui en dit long sur le climat de terreur qui règne aujourd’hui sur l’organisme. »
La crise à Droit et Démocratie a été provoquée pas ce que de nombreux observateurs qualifient d’ingérence politique de la part du gouvernement de Stephen Harper dans la gestion de l’organisme. Le gouvernement a récemment nommé trois administrateurs opposés au financement de groupes de défense des droits de la personne critiques des violations des droits en Israël. Il a aussi nommé Gérard Latulippe au poste de président, personnage controversé, en raison notamment de déclarations sur les immigrants musulmans et sur la mise sous tutelle d’Haïti par la communauté internationale. Ces nominations sont contestées de toutes parts.
24 février 2010
Dans un récent article du Devoir (21-02-10), un philosophe, Chistian Nadeau décrivait le caractère autoritaire du gouvernement Harper : refus de rapatrier Omar Khadr de Guantanamo, refus de s’expliquer face d’éventuelles complicités de crimes de guerre en Afghanistan, refus de laisser les communes siéger durant une période délicate, ’’réorientation’’ des subventions d’ONG canadiennes... La liste est longue.
Derrière cet autoritarisme, il y a la volonté de discipliner des individus livrés à une concurrence exacerbée, d’affirmer des valeurs moralisatrices, civilisatrices. Une éthique si commode pour les classes dominantes...
Sur ce point, ce qui arrive à l’organisme Droits et Démocratie est symptomatique de cette conception autoritaire du pouvoir. Voici plusieurs articles édifiants.
Une chasse aux sorcières à Droits et Démocratie, selon l’AFPC (Alliance de la Fonction Publique Canadienne)
OTTAWA, le 22 févr. /CNW Telbec/ -
John Gordon, président national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada et Jérôme Turcq, vice-président de l’AFPC pour le Québec, ont pris la parole aujourd’hui au nom de leurs membres employés du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (Droits et Démocratie) basé à Montréal.
L’annonce plus tôt aujourd’hui de la nomination d’un nouveau candidat à la présidence n’est que la pointe de l’iceberg, et ne suffira pas à régler la crise actuelle à Droits et Démocratie". a dit Gordon.
"Nos membres ont fait l’objet de profilage religieux et d’intimidation. Le climat de travail est intolérable," renchérit Gordon. "Ils font face à ce qui s’apparente à une chasse aux sorcières, et ils sont indignés."
Selon John Gordon, "on a annoncé qu’une firme privée effectuera une enquête financière, et le Ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a appuyé cette initiative, mais le Bureau du vérificateur général du Canada procède à un examen annuel des finances de Droits et Démocratie depuis sa création. De plus, le ministère des Affaires étrangères a réalisé sa dernière évaluation quinquennale de Droits et Démocratie en 2008, on n’a rien trouvé de mal et les conclusions de l’évaluation sont positives."
Droits et Démocratie est en crise depuis la mort de son président, Rémy Beauregard, après une réunion houleuse de son conseil d’administration le 7 janvier dernier. Presque tout le personnel, incluant les gestionnaires, ont alors écrit au Premier ministre Steven Harper et au ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, leur demandant l’expulsion du président du Conseil d’administration, Aurel Braun, du vice-président Jacques Gauthier, maintenant président par intérim, et d’Elliot Tepper, un autre membre du conseil d’administration, les trois auteurs de l’évaluation secrète et extrêmement négative de M. Beauregard.
"Depuis que cette lettre a été envoyée", a soutenu monsieur Turcq, "les choses ont systématiquement empiré. Le personnel des communications a été mis sur la touche et les communications sont maintenant assurées par une entreprise privée, Prima Communication. Un enquêteur privé d’une compagnie spécialisée en surveillance et en action contre la syndicalisation a aussi été embauché. Pourquoi ? Personne ne l’a dit."
"Il est important de ne pas perdre de vue l’ensemble de la situation" conclut John Gordon. "La crise à Droits et Démocratie ne peut être réduite à une affaire interne. En effet, l’intégrité de toute organisation travaillant sur les droits humains dans des pays en conflit ou vulnérables dépend de sa capacité d’enquêter en toute indépendance, sans ingérence partisane ou idéologique, sur les violations des droits de la personne où qu’elles surviennent".
Renseignements : Alain Cossette, Communications, AFPC,
Droits et démocratie : de Charybde en Scylla* ?
Politique / Le blogue de Chantal Hébert »Le blogue de Chantal Hébert
(site de Radio Canada)
22 février 2010
Libéral sous Robert Bourassa, souverainiste sous Jacques Parizeau, allianciste sous Stockwell Day, l’ancien ministre Gérald Latulippe, qui devient aujourd’hui, à la demande du ministre fédéral Lawrence Cannon, le nouveau président de Droits et Démocratie, a une longue feuille de route politique.
Elle inclut des interventions tranchées en marge du débat récent sur les accommodements raisonnables au Québec. À l’époque, la communauté musulmane québécoise était beaucoup dans la mire de M. Latulippe et il ne faisait pas toujours dans la dentelle. Voici deux extraits de sa production de l’époque ; les caractères gras sont de moi :
En 2007 :
…depuis l’an 2000, entre 16% et 20% des nouveaux immigrants du Québec proviennent des pays d’Afrique du Nord où l’on parle français, mais de culte musulman. Et nous commençons à vivre ce qui, en fait, est un phénomène occidental. L’incompatibilité des valeurs est devenu un problème majeur sur le continent européen où la population actuelle de 20 millions de musulmans aura probablement doublé d’ici 2025…
Cette nouvelle réalité sociale résultant de l’immigration des 20 dernières années met en danger la cohésion sociale du Québec d’aujourd’hui…
Les revendications actuelles de pratiques d’accommodements sont un signe précurseur de dérives du refus de s’intégrer de communautés animé par un intégrisme qui les mène à se regrouper au sein de ghettos religieux ou sociaux culturels. Dans le cas de l’islam, la radicalisation religieuse, peut mener à l’émergence d’un terrorisme intérieur comme il y en a eu en France, en Espagne, en Angleterre. Et comme Toronto y a échappé de justesse…”
En 2006 :
Mario Dumont a eu le courage de soulever un débat public sur l’immigration qui tardait à venir. De plus en plus d’immigrants proviennent de pays où se pratique un intégrisme religieux. Ils exigent alors l’application sur notre territoire des règles de comportement social dictées par leur religion, comme s’ils se trouvaient encore dans leur pays d’origine. L’exercice de ces pratiques heurte de plein fouet nos valeurs et est même souvent incompatible avec certains des droits fondamentaux de nos chartes, comme le droit des femmes à l’égalité, la liberté d’expression et le droit à l’intégrité de sa personne. C’est le cas, entre autres, d’une partie importante de la communauté musulmane, des juifs hassidiques et des Sikhs.
Il faut bien se rendre à l’évidence : cette problématique récente ne se posait pas lors des vagues d’immigration que le Québec a historiquement connues, que ce soit avec les Italiens, les Polonais, les Grecs, les Latino-Américains, les Haïtiens ou les Vietnamiens. Même si leur mode de vie était différent de celui des Québécois dits de « souche », ils ont enrichi notre culture et ont fortement contribué à l’ouverture du Québec sur le monde. Personne ne parlait alors d’accommodement raisonnable. Il n’y avait rien d’incommodant dans l’apport de ces communautés culturelles à la société québécoise….”
Question : Le point de vue de M. Latulippe reflète-t-il la vision que se fait le gouvernement Harper de la communauté musulmane canadienne ? Le ministre Cannon qui l’a nommé est-il d’accord pour dire que l’arrivée d’immigrants de culte musulman risque davantage d’être “incommodante” pour le Canada que celle de Polonais, Vietnamiens, etc et qu’elle pose un “risque pour la cohésion sociale” canadienne ?
Si la réponse aux deux questions précédentes est non, le choix d’un président qui véhicule cette vision pour diriger un organisme qui fait du développement international au nom du Canada est-il approprié ?
Si la réponse aux deux questions précédentes est oui, le moment n’est-il pas venu pour le ministre des affaires étrangères de Stephen Harper et son collègue de l’immigration Jason Kenney de faire une déclaration ministérielle conjointe pour éclairer les Canadiens sur l’état de leurs réflexions sur l’évolution de l’immigration au Canada ?
* Au sujet du titre, la définition de Wikipédia : Charybde et Scylla sont deux monstres marins de la mythologie grecque, situés de part et d’autre d’un détroit traditionnellement identifié avec celui de Messine. La légende est à l’origine de l’expression aller de Charybde en Scylla, qui signifie “éviter un péril pour tomber sur un autre”. Plus précisément Charybde symbolise le « tout ou rien », la mort pour tous ou la vie pour tous, selon un jeu de probabilité. Et Scylla incarne la mort certaine pour une partie de l’équipage, mais la vie pour les autres. Il s’agit d’un choix entre le sacrifice calculé ou l’avenir aléatoire de la vie de tous.
La crise à Droits et Démocratie ou les dérives du lobby pro-israélien au Canada
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Tiré du site Alternatives
28 janvier 2010
Réplique à la lettre des Conservateurs du CA
Les dérives de l’engagement unilatéral pro-israélien du gouvernement Harper viennent de faire une autre victime : l’organisme Droits et Démocratie dont on peut raisonnablement craindre pour la survie à plus ou moins long terme. Après les coupures de subvention aux organismes Kairos et Alternatives, après le retrait de l’aide canadienne à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), après les votes contre le Rapport du juge Goldstone et le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, après les attaques contre l’Association parlementaire Canada-Palestine, c’est au tour d’un organisme de défense des droits humains de subir les tactiques du lobby pro-israélien canadien. Le dénominateur commun de ces organismes pris pour cible est leur dénonciation des graves violations du droit international et des droits humains des Palestiniens et Palestiniennes par l’État d’Israël : occupation, colonisation, blocus et agression militaire contre la population de Gaza, etc. Ces crimes sont largement documentés par un nombre considérable d’organismes réputés à travers le monde, l’ONU en tête avec quelques 400 résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité condamnant l’État d’Israël pour ses agissements envers le peuple palestinien.
Invoquant leur responsabilité « de surveillance de l’administration des fonds publics envers les contribuables canadiens », dans leur lettre au Devoir du 22 janvier dernier (Engagé pour la responsabilisation et la surveillance ), nous pensons que c’est plutôt la vigilance envers les intérêts du gouvernement israélien qui préoccupent certains membres du CA connus pour leur proximité avec le lobby pro-israélien. Qu’on en juge : Droits et Démocratie se serait en effet rendu coupable d’avoir octroyé un maigre 10,000 $ chacun en subvention à trois organismes dits « douteux » par des membres de ce CA. Étrangement ce sont tous des organismes oeuvrant pour la défense des droits du peuple palestinien en Israël même et en Territoires palestiniens occupés. Betselem est un centre israélien d’information qui, depuis 1989, documente l’état des droits humains dans les territoires occupés. Ce centre a déjà reçu le prestigieux prix Carter-Menil pour les droits humains. La crédibilité des rapports de Betselem est reconnue par les autorités israéliennes. Al Haq jouit sensiblement de la même reconnaissance du côté palestinien. Cet organisme, établi en 1979, recense les violations commises par la force occupante israélienne (90 % des cas) et par les autorités palestiniennes (10 % des cas). Al Haq jouit d’un statut consultatif auprès de l’ECOSOC (Conseil économique et social des Nations unies), est affilié à la Commission internationale des juristes de Genève et est membre de plusieurs regroupements internationaux.
Les signataires font également état d’un lien présumé entre le directeur d’Al Haq et le Front populaire de libération de Palestine (FPLP), un parti politique qui figure sur la liste des organisations terroristes du gouvernement canadien. Human Rights Watch rapporte qu’en 2009 « les autorités israéliennes ont présenté une preuve secrète, que Shawan Jabarin et son avocat n’ont pas été autorisés à voir, et qui aurait montré qu’il était un membre actif du FPLP, mais ne l’ont accusé d’aucun crime ». En fait, M. Jabarin devait se rendre aux Pays-Bas pour y recevoir un prestigieux prix en défense des droits humains, mais l’État d’Israël lui a interdit de quitter le pays.
Que le directeur général d’Al Haq se soit vu refuser un visa de sortie par Israël est un fait tout à fait banal, puisque bon nombre de personnes palestiniennes se voient confronter à cette situation. Jouer le refus de visa afin de discréditer un organisme reconnu, c’est dénier la réalité : Israël exige des personnes d’origine palestinienne de multiples permis qui sont en réalité rarement délivrés. C’est aussi oublier que les activistes israéliens sont également victimes de répression par les autorités israéliennes. Tout récemment, des Israéliens ont été arrêtés alors qu’ils manifestaient légalement et pacifiquement contre les stratégies d’évictions de familles palestiniennes de Jérusalem-Est.
Shawan Jabarin déclare n’avoir aucun lien avec le FPLP. Glissons néanmoins un mot ou deux sur la question du terrorisme. Le FPLP est un parti politique marxiste qui souhaite un seul État et l’égalité entre les citoyens, peu importe leurs origines ou religions. Pour les nationalistes israéliens, vouloir une telle chose est être « contre Israël ». Le FPLP a d’ailleurs fait élire la première femme à la mairie d’une grande ville palestinienne (Ramallah). Faut-il rappeler que le peuple palestinien est sous occupation militaire ou blocus et, malgré des années de résistance non violente, il y a parfois des gestes violents lorsque des gens subissent une telle oppression ? Toute organisation refusant de se soumettre gentiment à l’occupation, à la colonisation ou au blocus, est considérée comme une organisation terroriste. Il en a été ainsi pour Ben Gourion, le fondateur d’Israël considéré comme un dangereux terroriste par le protectorat anglais de l’époque. C’était le cas aussi de l’OLP durant longtemps, alors qu’aujourd’hui Israël, les États-Unis et la plupart des pays occidentaux le considèrent comme l’interlocuteur diplomatique.
La nouvelle orientation du groupe majoritaire au CA s’est fait sentir jusque chez nous. En octobre dernier, la section Université Laval de Droits et démocratie organisait la visite du groupe DAM, des rappeurs palestiniens, citoyens d’Israël, et du professeur étasunien Dr. Norman Finkelstein, né de parents juifs ayant survécu à l’holocauste. Le nouveau CA a soudainement annulé le financement de ces activités. Leur « péché » ? Leur dénonciation à haute voix de l’occupation, de la discrimination et des violations des droits et du racisme en Israël et en Palestine. Heureusement, leur venue a été rendue possible grâce à des associations à Québec qui ont réussi, de justesse, à remplacer le retrait soudain du financement.
Bien au-delà des débats entre membres de CA qui ne partagent pas toujours, et heureusement, les mêmes opinions, nous assistons ici à une crise qui risque d’éloigner Droits et Démocratie de sa mission fondamentale : la défense des droits de tous les êtes humains, y compris ceux des Palestiniens et Palestiniennes. Comme le rappelait au journaliste du Toronto Star le 24 janvier dernier, une membre dissidente et démissionnaire du CA, Mme Sima Samar, responsable de la Commission des Droits humains en Afghanistan : La mission de Droits et Démocratie est la promotion des droits humains et la défense des victimes des violations de ces droits et non pas de ceux qui les commettent. Cessons d’accepter l’impunité de l’État d’Israël face au droit international et la complaisance des gouvernements québécois et canadien envers le lobby pro-israélien.
Voir en ligne : Vigile.net
P.-S.
Les auteurs-signataires de cette lettre ont séjourné en Palestine et en Israël en 2009 au nom de divers organismes québécois.
Benoît Damours, enseignant de philosophie au cégep Lévis-Lauzon
Christian Martel, Directeur National Région du Québec du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP)
Denis Barrette, avocat, délégué de la Ligue des droits et libertés
Ehab Lotayef (Montréal)
Guillaume Dorval (Lévis)
Lorraine Guay, déléguée FFQ/Marche Mondiale des Femmes
Marie Auer-Labonte (Montréal)
Michaël Lessard, délégué du Collectif de Québec pour paix
Myriam Beaulieu (Québec)
Odette Lefrançois, déléguée à la coordination du regroupement privé FNEEQ-CSN.