Tiré du site journal suisse SolidaritÉs
10 septembre 2009
En juillet 2008, les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’achevaient sur un échec. Pourtant, une nouvelle conférence ministérielle est attendue à Genève, fin novembre. Un coup d’essai, pour tenter de relancer la machine… D’ici-là, le sentiment de reprise économique, lié à l’embellie des marchés financiers, aura sans doute fait long feu et de nouvelles catastrophes sociales se profileront.
Dans ce contexte, le projet d’extension du bâtiment de l’OMC sur les rives du Lac a suscité l’union sacrée de forces politiques genevoises, du PS à l’extrême droite, en passant par les Verts et l’Entente bourgeoise, épaulée par le président de Patrimoine suisse, la vice-présidente de l’ATE, la directrice de la Comédie, etc. Grâce à l’appui financier massif des syndicats patronaux (FER), les partisans du projet orchestrent un battage indécent (photos truquées à l’appui), où l’on entend de plus en plus louer les politiques de l’OMC, alors que la critique des référendaires au projet d’empiètement sur un parc public n’a pas porté sur ce plan...
Ainsi, dix ans après le sommet de Seattle, certains rêvent au retour de la pensée unique, lorsque Thatcher pouvait dire : « Il n’y a pas d’alternative. » Il faut donc rappeler la responsabilité écrasante du FMI, de la Banque mondiale (BM) et de l’OMC dans le développement de politiques de production et de commercialisation agricoles meurtrières ayant abouti à une crise de la faim dramatique et structurelle, dans la marchandisation du monde et le minage de la démocratie. Il ne peut en effet y avoir de développement de la démocratie sans souveraineté conservée par les peuples sur leur destin national, les ressources naturelles, leur politique de développement. Or au service des multinationales, l’OMC est là pour amener les peuples à abdiquer, légalement et définitivement, de leur souveraineté au profit de celles-ci. Près de trente ans de programmes d’ajustement structurel imposés par les bulldozers du FMI et de la BM ont préparé le terrain sous prétexte de dette et de déséquilibres des balances des paiements.
L’OMC est issue du Gatt (Accord général sur le commerce et les tarifs douaniers), lui-même rescapé de la fondation, inaboutie après-guerre, d’une Organisation internationale du commerce (OIC). En près de 50 ans, il a organisé huit cycles de négociations pour renforcer la libéralisation du commerce. Le dernier (1986-1994) a accouché de l’OMC en 1994, élargissant le champ des négociations à des secteurs non touchés par le Gatt : agriculture, textiles et services... De même, il a inclus la protection de la propriété intellectuelle dans la sphère du commerce. Alors que l’OIC mort-née se référait à l’ONU et à la Déclaration des droits de l’Homme, l’OMC n’a plus de lien avec le dispositif onusien. Elle peut ignorer les droits fondamentaux au nom des intérêts des multinationales dominant les marchés.
Depuis son origine, l’OMC est chargée d’exporter le libre-échange partout... En effet, les pays les plus avancés ont intérêt à laisser agir les forces du marché en contraignant les pays en développement à abandonner toute protection. Dans la seconde moitié du 19e siècle, le Président US Grant s’en rendait déjà compte : « Pendant des siècles, remarquait-il, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites, et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre-échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, […] lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le libre-échange ». C’est pourquoi, elle défend aujourd’hui les politiques de l’OMC.
Depuis la crise de la dette du début des années 1980, le FMI et la Banque mondiale organisent la reprise en main de la planète au profit des classes dominantes et imposent au Tiers Monde des plans d’ajustement structurel brutaux : privatisations massives et recul de l’Etat, tout à l’exportation, réduction des subventions aux produits de base et au social, abandon du contrôle sur les mouvements de capitaux et les investissements étrangers… L’OMC est une pièce clé de ce dispositif contre les peuples. Le renforcement de la connexion des économies du Sud au marché mondial se fait en effet au détriment de leurs producteurs locaux, de leur marché intérieur et du renforcement des relations Sud-Sud.
L’OMC est apparue sur la scène médiatique en 1999, lorsque d’amples mobilisations populaires ont permis de bloquer le sommet de Seattle. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux USA, le sommet de Doha (Qatar) a abouti au début de nouvelles négociations. La conclusion en était prévue en 2004. Pourtant, dès la conférence de Cancún (Mexique, 2003), un bloc de pays émergents s’est opposé aux grandes puissances du Nord. Devant l’intransigeance des pays riches, surtout en matière agricole, le Mexique a décidé de mettre fin à ce sommet. Après Seattle, ce sera le second échec cuisant de l’OMC. Depuis, des clivages persistent entre pays industrialisés (USA et UE, notamment) et pays émergents (Brésil et Inde surtout), les Etats les plus pauvres étant marginalisés.
Actuellement pilotée par le « socialiste » français, Pascal Lamy, ancien commissaire européen du Commerce, l’OMC est un instrument clé aux yeux des tenants de la mondialisation capitaliste. La paralysie de ce rouleau compresseur a été une bonne nouvelle, mais rien ne garantit que la machine ne redémarre pas... Il est donc essentiel de renforcer la lutte contre la marchandisation des services et des biens publics vitaux comme l’eau, l’éducation, la santé ou l’accès aux semences, par le biais des accords sur les services (AGCS) et les droits de propriété intellectuelle (ADPIC).
Nous appelons donc nos lecteurs-trices à participer à la manifestation internationale de protestation contre le prochain sommet ministériel de l‘OMC, convoquée fin novembre à Genèv