Tiré de PTAG
mardi 26 janvier 2010,
par Xavier Lafrance
Le 16 janvier dernier avait lieu la deuxième rencontre de la Greater Toronto Workers’ Assembly. Plus de deux cents personnes, membres de 35 organisations luttant pour la justice sociale et de 20 syndicats locaux s’y sont réunies afin d’adopter un texte fondateur affirmant leur volonté de s’unir autour d’une vision politique « anti-capitaliste, anti-raciste, anti-impérialiste, féministe et pro-queer ». Cette rencontre de l’Assemblée marque un point tournant dans la reconstruction de la gauche militante torontoise.
Développer une nouvelle forme de politique
Le processus de construction de l’Assemblée a été lancé lors d’une première rencontre en octobre dernier, à l’initiative du Socialist Project. Il découle du constat de l’incapacité des forces populaires à résister efficacement aux attaques répétées du capital et de l’État au cours de la présente période néolibérale. Les luttes demeurent trop souvent isolées, détachées les unes des autres alors qu’elles s’opposent à un ennemi commun. Si des coalitions sont misent sur pied de façon ponctuelles elles permettent rarement de lancer des débats stratégiques s’inscrivant dans la durée et prenant le recul nécessaire à l’analyse radicale de l’adversaire et des moyens à prendre pour le défaire.
La formation d’un parti municipal ou provincial apparaît cependant pour le moment prématurée dans le contexte torontois et ontarien. Il s’agit donc de développer une organisation créant un espace de débat et d’organisation se situant entre la coalition et le parti. La nature d’une telle organisation demeure à définir, dans la lutte. C’est ce que l’Assemblée vise à faire en appelant, dans son texte fondateur, les « activistes à se joindre à un processus démocratique pour créer une nouvelle forme de politique ».Si cette forme d’engagement politique rester à développer, il est d’hors et déjà entendu que ce développement doit se faire à partir d’ « en bas », par l’auto-activité des membres.
Redéfinir et reconstruire la classe ouvrière
La construction de l’Assemblée se base aussi sur l’idée que le succès de notre résistance devra nécessairement passer par la remobilisation de la classe des travailleuses et travailleurs. Celle-ci ne doit cependant pas être perçue comme une abstraction prédéfinie, suivant laquelle ses membres sont plus ou moins exclusivement perçus comme des cols-bleus travaillant en usine.
La classe des travailleuses et travailleurs doit plutôt être comprise comme une entité historique, diversifiée et en flux constant. Partant de là, l’Assemblée souhaite « construire l’unité et la solidarité dans la casse ouvrière, définie dans les termes les plus larges : les travailleurs syndiqués et non-syndiqués ; les personnes ayant perdu leur emploi ; les personnes ayant été admises au Canada pour y travailler tout en n’ayant droit qu’à une reconnaissance partielle ou nulle de leur statut ; les personnes pratiquant un travail domestique payé ou non-payé ; et les personnes handicapées et autres vivant dans une pauvreté abjecte aux confins de la société ».
Une telle compréhension de la classe – comme phénomène non-fixe et non-monolithique – a d’importantes conséquences politiques et stratégiques1. Tout d’abord, elle nous impose la responsabilité – et nous offre la possibilité – de participer activement à son façonnement en unifiant les différents groupes qui la forment autour d’une vision commune de leurs intérêts de classe et des intérêts opposés de la classe dominante.
Ensuite, cette compréhension de la classe nous permet de ne pas nous confiner à la seule question salariale, comme le font trop souvent les organisations syndicales. Tout en demeurant central, ce n’est pas le seul problème affectant les conditions de vie des membres de la classe. Si on reconnaît le caractère diversifié de ses membres et les multiples facettes de leur vie, on comprend alors toute l’importance de la lutte pour le droit au logement, contre le profilage racial, pour la préservation environnementale de nos quartiers et communautés, pour le droit à un service de garde gratuit et public, etc. On comprend alors aussi que ces luttes ne sont pas déconnectées entre elles et on saisit la nécessité de s’unir pour lutter.
Se mettre en marche
La deuxième rencontre des membres de l’Assemblée à permis d’adopter un texte fondateur et de jeter les bases de sa structure organisationnelle. Il s’agit maintenant de choisir un premier thème de campagne. Plusieurs idées ont déjà été lancées : lutte contre la hausse des tarifs du transport en commun, campagne contre la privatisation de Toronto Hydro, participation à l’organisation de l’opposition au sommet du G20 qui aura lieu à Toronto en juin prochain, etc.
Mais quelque soit le choix de campagne, le but sera de faire des gains concrets tout en développant nos capacités de résistance et en forgeant un espace collectif d’organisation et de discussion rejetant le sectarisme. Il s’agit de redéfinir notre culture du possible et d’élaborer notre propre vision de ce que devrait être Toronto.