Et si le vote stratégique n’était pas la meilleure stratégie ?
mardi 16 septembre 2008, par Pascale Rioux-Oliver
Devant la montée du conservatisme au Canada et pendant que la probabilité de voir élu majoritairement le Parti conservateur augmente sans cesse, les éléments de gauche se retrouvent coincés dans l’un des dilemmes électoraux les plus récurents de notre société : voter pour ses convictions profondes ou du moins pour le parti qui les représente davantage ou miser sur le parti ayant les meilleures chances de contrer la réélection des conservateurs.
C’est ainsi que Québec solidaire fait appel à la population en lui demandant de bloquer le Parti conservateur, un appel au vote stratégique. Le Bloc québécois et le Parti libéral du Canada se présentent ainsi comme les défenseurs de la population, comme la seule alternative sérieuse pour les personnes de gauche qui aspirent à une société empreinte d’une plus grande justice sociale.
Mais le vote stratégique est-il vraiment la meilleure stratégie ? À court terme, il n’est pas irréaliste de penser qu’un vote massif pour les libéraux et le Bloc pourrait effectivement empêcher le PC de former un gouvernement majoritaire. Mais à plus long terme, cette habitude qui consiste à voter pour bloquer le parti le plus à droite ne profite qu’aux éternels partis de l’opposition officielle qui, lorsqu’ils se retrouvent au pouvoir, gouvernent le pays avec les mêmes politiques néolibérales.
Le vote stratégique nuit considérablement aux plus petits partis et aux alternatives de gauche en général. Nombreux sont ceux qui renoncent à leurs convictions pour la logique du moindre mal. Cependant, il est nécessaire de prendre en considération que cette logique tend, de fait, invariablement vers un système bipartisan où le pouvoir se partage entre deux grands partis droitiers défendeurs de la classe dominante.
Les États-Unis en sont un exemple parfait. De plus, le vote stratégique amène non seulement la population à mettre de côté ses opinions véritables reflétant hors de tout doute l’absence de démocratie véritable, mais plonge également la société dans un système politique marqué par l’absence de choix et un sentiment d’impuissance collectif. Il est nécessaire de défendre les partis qui nous ressemblent, car à plus long terme il semble ce soit la seule solution pour sortir de cette impasse conservatrice.
Dans le contexte actuel, défendre un vote pour le Bloc ou pour les libéraux manque tout simplement de cohérence. Prétendre que le Bloc ou le Parti libéral peuvent défendre la classe populaire est illusoire et reflète simplement la panique généralisée vis-à-vis d’un gouvernement conservateur majoritaire. Le PLC et le Bloc qui ne se sont, pour ainsi dire, jamais réellement alliés pour contrer les politiques dévastatrices du gouvernement Harper ne méritent certainement pas le rôle de sauveur que l’on veut bien leur attribuer.
Où étaient-ils durant le dernier mandat des conservateurs ? Où étaient-ils alors que de plus en plus de soldats étaient envoyés dans cette guerre illégitime ? Où étaient-ils, nos sauveurs, quand l’argent des contribuables était dépensé pour acheter de l’armement ? Où était l’opposition officielle ‘’majoritaire’’ lorsque les conservateurs bloquaient l’entrée en vigueur d’une loi anti-scab ? Où étaient-ils pendant que les conservateurs permettaient toujours davantage l’exploitation des sables bitumineux, faisant fi du protocole de Kyoto ?
Un vote de gauche, ne peut se faire au profit du Bloc qui se défend à tout rompre de ne pas être un parti de gauche. Pas plus qu’il ne peut se faire au profit du parti Libéral qui, de mandat en mandat, n’a jamais vraiment pris en considération le bien-être des couches les plus défavorisées de la société et qui a dirigé le pays à coup de manigance, de fraudes et de propagandes fédéralistes.
Le Canada et le Québec sont en crise, ils se retrouvent d’élection en élection devant le dilemme du vote "utile". Ce qui réaffirme plus que jamais l’importance d’un combat pour un système électoral proportionnel pour qu’enfin il soit possible de voter pour ses idées sans remords ou remise en question. Pour qu’enfin un peu de démocratie soit restaurée au sein de notre société.
Entre temps, vu les politiques ultra conservatrices du PC qui résulteront incontestablement en un recul significatif dans divers domaines, la tentation de faire un vote stratégique est forte pour nous tous et toutes.
Mais peut-être est-il temps de voir un peu plus loin que le bout de notre nez et de commencer à réfléchir aux répercussions qu’aura la succession de tous ces "votes stratégiques" sur plusieurs années. Il est donc primordial de faire connaitre ses valeurs et ses convictions profondes par tous les moyens possibles. Un vote pour le parti qui rejoint le plus nos convictions est à long terme, le meilleur pari que l’on puisse faire…