Lors du Forum Social Mondial de BELEM de janvier 2009, les organisations indigènes présentes ont appelé à une « Mobilisation globale de lutte pour la Terre Mère et contre la marchandisation de la vie » pendant la semaine du 12 au 16 octobre. Lancé aux peuples du monde, c’est un appel qui exige de prendre d’urgence des mesures énergiques pour changer le modèle de développement qui menace de détruire la vie sur la planète.
Le 4ème Sommet des peuples d’Abya Yala (désignation indigène du continent américain), qui a rassemblé 6 500 délégués autochtones de 22 pays des Amériques à Puno, au Pérou, a lancé également, dans sa déclaration du 31 mai 2009, un appel pour l’organisation d’une journée internationale en défense de la Terre Mère le 12 octobre 2009, et un Sommet alternatif des peuples indigènes, pendant la Convention du Changement Climatique de Copenhague, en décembre 2009.
Déclaration de MAMA QUTA TITIKAKA
Traduit par Denise Mendez
Tiré du site d’Attac France
31 mai 2009
DÉCLARATION DE MAMA QUTA TITIKAKA 31 mai 2009
Réunis près du lac Titikaka, 6500 délégués des organisations représentatives des peuples originaires de 22 pays de l’ABYA YALA avec des peuples frères d’Afrique, des Etats Unis, du Canada du Cercle polaire et en présence d’observateurs de divers mouvements sociaux, nous déclarons :
Nous assistons à une profonde crise de la civilisation occidentale capitaliste dans laquelle se superposent les crises environnementale, énergétique, culturelle, alimentaire, d’exclusion sociale ; cette crise traduit l’échec de l’européocentrisme et de la modernité colonialiste, et conduit l’humanité entière au sacrifice.
Nous offrons une alternative de vie à cette civilisation de la mort en retrouvant nos racines pour nous projeter dans l’avenir : avec nos principes et nos pratiques d’équilibre entre les hommes les femmes, la Terre Mère, les spiritualités et les cultures, nous proposons le Bien Vivre / le Vivre Bon. Après 40 000 ans d’histoire, des milliers civilisations diverses ont été envahies et colonisées par ceux qui, au bout de cinq siècles à peine nous mènent au suicide planétaire. A la base de ce Vivre Bien se trouvent l’organisation communautaire de l’économie, la priorisation des cultures natives et de la consommation interne pour garantir la souveraineté alimentaire.
Nous demandons l’édification d’Etats plurinationaux communautaires fondés sur l’autogouvernement et la libre détermination des peuples, la reconstitution des territoires et des nations originaires. Ceci doit se faire avec des systèmes législatifs, judiciaires électoraux et des politiques interculturelles, à partir d’une représentation politique des peuples sans la médiation de partis politique. Nous devons lutter pour l’adoption de nouvelles Constitutions dans tous les pays qui n’admettent pas encore la plurinationalité. Des Etats plurinationaux non seulement pour les peuples Indigènes mais pour tous les exclus. Nous lançons un appel à tous les mouvements sociaux et les acteurs sociaux pour un dialogue interculturel respectueux et horizontal dépassant les verticalismes et les modes d’invisibilités.
Nous demandons la reconstruction de nos territoires ancestraux en tant que source de notre identité, notre spiritualité, notre histoire et notre avenir. Peuples et territoires constituent une seule entité. Nous rejetons toutes les formes de parcellisation, privatisation, concession, déprédation et contamination en provenance des industries d’extraction. Nous exigeons la consultation des peuples et le consentement préalable, sur la base d’une information libre, publique, dans leur langue propre, de bonne foi, à travers les organisations représentatives de nos peuples, cette consultations de nos peuples doit porter non seulement sur les projets nous concernant, mais sur toute politique et toute norme portant sur le développement du pays. Nous exigeons la dépénalisation de la feuille de coca.
Nous demandons l’homologation de l’organisation du 12 au 16 octobre, de la MINGA / mobilisation globale pour la défense de la Terre Mère et des Peuples, contre la marchandisation de la vie ( terres , forêts, eaux, mers, agrocombustibles, dette externe), la pollution, les institutions financières internationales, les transgéniques, les pesticides, drogues) et contre la criminalisation des mouvements Indigènes et des mouvements sociaux.
Nous demandons la mise en place d’un Tribunal de Justice Climatique appelé à juger les entreprises transnationales et les gouvernements complices dans la déprédation de la Nature Mère, le saccage de nos biens naturels et la violation de nos droits. Ce Tribunal serait le premier pas vers la création d’une Cour Internationale sur les délits environnementaux.
Nous demandons que durant la Convention de Copenhague sur le changement climatique, en décembre 2009, se tienne un Sommet Alternatif sur la Défense de la Terre Mère pour exiger des mesures concrètes face à l’hécatombe climatique, telles que la consolidation des Territoires Indigènes et l’adoption des principes du « Bien Vivre », et la reconnaissance de la consultation et du consentement des peuples comme base du sauvetage de la planète.
Nous dénonçons la criminalisation de nos droits, la militarisation, les bases étrangères, les déplacements forcés et le génocide de nos peuples et nous exigeons, au moyen de larges mobilisations , la libération de nos leaders combattant pour la liberté et la vie , emprisonnés aux Etats Unis et dans le monde. Nous demandons d’intensifier les dénonciations devant la Commission Interaméricaines des Droits Humains et la Commission de l‘ONU contre la Discrimination raciale. Nous demandons la mise en accusation des gouvernements du Pérou, du Chili, de Colombie pour leur persécution des Peuples Indigènes. Le gouvernement d’Alvaro Uribe pour des actes de génocide contre le peuple Indigène ; le gouvernement du Chili pour la persécution et la judiciarisation des revendications du peuple Mapuche et la militarisation de son territoire, le gouvernement d’Alan Garcia pour les 102 décrets lois destinés à privatiser les territoires indigènes du Pérou et pour la persécution de milliers leaders Indigènes.
Nous demandons que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de Peuples Indigènes soit inscrite dans al Constitution de chaque Etat, suivant l’exemple de la Bolivie, le Mexique, le Venezuela et l’Australie. Si Barack Obama entend apporter des changements dans le désastre impérial, il doit commencer par son propre pays en adoptant comme loi nationale la Déclaration de l’ONU sur les Peuples Indigènes.
Nous mobilisons nos organisations pour la défense des peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne contre les lois de privatisation de nos territoires et biens naturels. Nous organisons au début juin des rassemblements devant toutes les ambassades du Pérou, pour exiger des solutions et la fin de la répression de nos frères. Les organisations indigènes et paysannes du Pérou décident à compter de juin 2009 le Soulèvement national des Peuples du Pérou contre les décrets lois générés par le TLC, le Traité de libre échange avec les Etats Unis.
Nous rejetons les traités de libre-échange avec les Etats Unis, l’Union européenne, le Canada la Chine et tout autre pays entant qu’ils font de nos pays aux économies en faillite, de nouveaux candidats à la vassalisation et qu’ils permettent le saccage de notre Terre Mère. Nous dénonçons les manœuvres de l’Union Européenne vue de la destruction de la Communauté Andine (CAN) avec la complicité des gouvernants de Colombie et du Pérou.
Nous mobilisons nos organisations et les mouvements sociaux de nos pays pour la défense du processus de décolonisation entamé en Bolivie, pour repousser des tentatives de coups d’Etat racistes et magnicides menées par les oligarchies locales et soutenues par l’Empire nord-américain.
Nous décidons que le Ve Sommet des Peuples de ABYA YALA aura lieu en 2011 dans le Qollasu /Bolivie
La terre ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons !
Notes :
ABYA YALA est le nom donné par le Indigènes KUNA de l’isthme de Panama
Aux deux continents que l’on appelle Amérique du Nord et du Sud.
Le nom Amérique inventé par les conquérants européens en hommage à Americo Vespucci tend à être banni par les peuples autochtones qui s’autodésignaient par une multitudes de noms dans une multitude langues qui ont pour la plupart résisté aux cinq siècles d’acculturation. Le nom d’Indiens, autre invention des européens, est lui totalement banni.
Chaque groupe ethnique ou communauté de peuple récupère son ancienne auto désignation et également les termes communs traduisant des organisations sociales similaires .Le terme : Indigena est utilisé sans complexe ( contrairement à son usage en France et en Europe) par les peuples qui se revendiquent comme autochtones , natifs.
Le terme MINGA ou Mutirao désignant un rassemblement en vue d’une action collective est employé dans le continent sud, il n’a pas d’équivalent exact dans les langues européennes. La langue espagnole est largement utilisée dans la démarche politique.
PACHA MAMA : exprime en Kichwa ce rapport d’empathie à la nature ; il est à l’opposé de la vision biblique de séparation de l’homme et de la nature.
Les termes Terre-mère ou Bien vivre ne peuvent traduire la richesse du mot original qui s’inscrit dans une cosmogonie éloignée de notre fond culturel gréco- biblique.
D.Mendez. juin 2009-06-09