En visite en Afrique du 7 au 12 juillet, Bush a mis en avant la lutte antiterroriste, la volonté de combattre la pandémie du sida et l’aide aux pays pauvres. Mais ses grandes phrases cachent mal la rapacité de trusts qui veulent être prioritaires dans le pillage de ce continent déjà saigné par des décennies de colonialisme européen, au premier rang duquel le colonialisme français.
Symboliquement, Bush a voulu commencer sa tournée par le Sénégal, ancienne colonie de la France. L’impérialisme français y est maintenant directement concurrencé par les Etats-Unis qui, au travers d’accords commerciaux promus par Clinton - la loi sur "la croissance et les possibilités en Afrique" (l’Agoa, initiales de l’expression anglaise correspondante) - mais aussi de la "lutte antiterroriste", ont solidement pris pied sur le continent africain.
Bush a été chaleureusement accueilli au Sénégal par le président Wade qui, dès les lendemains du 11 Septembre, manifestait son soutien aux Etats-Unis et n’a, à aucun moment, condamné la guerre contre l’Irak, alors que les manifestations contre l’intervention des Etats-Unis étaient incessantes dans son pays. Autre signe d’allégeance, le Sénégal vient de signer un accord de non-extraditions des militaires US susceptibles de comparaître devant la Cour pénale internationale de La Haye.
Soucieux de l’électorat afro-américain aux Etats-Unis, Bush a prononcé son unique discours au Sénégal dans l’île de Gorée de laquelle sont partis pour les Amériques 180 000 esclaves entre 1711 et 1810. Stigmatisant l’esclavage qui avait fait des Etats-Unis "une prison pour des millions de personnes", Bush a pu se poser en défenseur de la liberté sans risquer le moins du monde d’affronter les manifestants qui auraient pu dénoncer cette manifestation d’hypocrisie : des policiers US et sénégalais avaient pris soin de parquer toute la population de la petite île sur le stade de football.
Même comédie à propos du sida qui ravage le continent africain, y frappant près de 30 millions de personnes. Au G8 d’Evian, Bush avait annoncé un plan d’aide de 15 milliards de dollars, un plan "historique", avait dit Chirac. Mais seulement 1,9 milliard de dollars ont été inscrits dans le budget 2003 des Etats-Unis pour lutter contre le sida, et encore, le Congrès a obtenu qu’un tiers de cette aide soit consacré à financer des programmes en faveur de... l’abstinence avant le mariage. En outre, les Etats-Unis demeurent le dernier obstacle à la signature d’accords permettant aux pays pauvres d’importer des médicaments génériques à bas prix contre le sida, la malaria et la tuberculose.
Et - cela n’est bien sûr pas sans rapports - c’est un ancien patron de l’industrie pharmaceutique, Randall Tobias, qui a été nommé à la tête de la gestion des fonds destinés à lutter contre le sida.
Quant à l’Agoa, les accords commerciaux dits préférentiels conclus entre les Etats-Unis et plusieurs pays africains, Bush a manifesté sa volonté de le voir prolongé au-delà de 2008. Rien d’étonnant à cela, c’est aux trusts des Etats-Unis qu’il profite en premier lieu. Les importations en provenance d’Afrique et à destination des Etats-Unis ont certes augmenté de 10 %, mais les Africains ne bénéficient de la levée des barrières douanières que pour certains produits. Les trois quarts de ces importations sont en effet constitués par le pétrole (objet également de la visite de Bush au Nigeria), tandis que 830 produits industriels et 40 produits agricoles en sont exclus, dont les arachides que la population des Etats-Unis consomme en grande quantité sous forme de beurre de cacahuète et qui sont taxées de droits de douane de 131,8 %.
Au Botswana, Bush a dénoncé les subventions agricoles de l’Union européenne et du Japon qui empêchent les pays africains d’être "autosuffisants en nourriture". Mais le Mali, le Burkina, le Niger et le Bénin viennent de déposer une plainte devant l’OMC contre les subventions accordées aux 25 000 producteurs de coton aux Etats-Unis. Ces subventions massives ont tellement dopé les exportations US que le coton africain, dont dix millions de personnes dépendent, est directement menacé.
On pourrait relever la même hypocrisie concernant l’aide alimentaire qui permet surtout aux Etats-Unis de subventionner l’écoulement de la production excédentaire de leurs gros céréaliers, ou les aides directes qui n’excèdent pas 0,12 % de leur produit intérieur brut.
Derrière l’hypocrisie de leurs phrases humanitaires, les Etats-Unis appuient les intérêts de leurs trusts sur la loi du plus fort imposée par un Etat qui, depuis le 11 Septembre, s’est engagé dans un vaste redéploiement militaire dans le monde entier. L’Afrique n’y fait pas exception. "De nombreux gouvernements africains ont la volonté de contribuer à la guerre contre la terreur. Nous leur fournirons les outils et les ressources pour la gagner", affirmait Bush il y a quinze jours, en promettant 100 millions de dollars aux pays de l’Afrique de l’Est, où les Etats-Unis envisagent de déployer de nouvelles troupes qui viendront s’ajouter aux 1 800 militaires déjà sur place.
Galia Trépère.
(tiré de Rouge, hebdomadaire de la LCR)