Tiré de PTAG
mardi 3 février 2009, par Antoine Casgrain
Après une joute politique inédite au Parlement en novembre, tout semble rentrer dans l’ordre à Ottawa, alors que les libéraux se sont rangés derrière le budget avec des amendements de façade. Les oppositions du Bloc et du NPD se perdent parmi les multiples opinions de groupes de pression, démontrant ainsi leur faiblesse politique.
Le budget fédéral, malgré le suspense dont il était entouré, a passé pour le spectacle de variété habituel. Le clou du spectacle avait déjà était dévoilé la semaine dernière : une « femme à barbe » de 34 milliards de dollars. Un déficit tant de fois nié durant la campagne électorale et lors de la précédente session parlementaire. Si le gouvernement conservateur plonge aujourd’hui le Canada dans le rouge, c’est la conjonction de deux phénomènes : des aides colossales demandées par les secteurs industriels (notamment l’automobile) et la fixation idéologique de Harper d’accorder des baisses d’impôts. Ces réductions de revenu permanentes seront certainement compensées dans les prochaines années par des baisses dans les salaires des employé-e-s du secteur public et dans les transferts pour les programmes sociaux.
Hommes forts et contorsionnistes
Grosses dépenses dans les infrastructures, ce qui ne fera certainement pas de mal à la création d’emploi au pays. Les sommes sont musclées, mais on se demande si les altères sont en bois ! Si routes et ponts nécessitent une cure de jouvence, les efforts publics en construction donnent trop souvent priorité à l’accumulation des profits à court terme. Les sommes saupoudrées en transport en commun ne pourront construire des alternatives fiables, comme la création de tramways, les trains interurbains et le transport ferroviaire pour les marchandises. Les villes continueront de se développer en fonction des besoins polluants des industries, de l’automobile et du libre-échange par camionnage.
Encore une fois, le gouvernement Harper a offert un numéro de contorsionniste en matière d’environnement. Un spectacle déroutant et même affolant. Derrière le mince rideau annonçant des millions d’investissements verts, on aperçoit les centrales nucléaires et les subventions au milliardaires pétrolières pour des technologies de « captage du carbone » dans les sables bitumineux. Le gouvernement veut que l’ensemble de la population paie pour que les pollueurs... se peignent en vert !
La valse des dépenses n’arrête pas la destruction lente des programmes sociaux. Si les ouvriers masculins de la construction, et leurs patrons contracteurs, rénoveront les écoles et les hôpitaux, les femmes qui y travaillent en majorité, comme enseignantes, secrétaires et infirmières, n’ont aucune garantie quant à leur emploi et la qualité de celui-ci. Les réformes à la péréquation signifient encore, pour le Québec, l’obligation de faire des compressions dans les programmes sociaux et la fonction publique.
Trois petits tours et puis s’en vont.. avec le magot
Les cris d’étonnements des analystes médiatiques parviennent mal à masquer le cruel manque d’unité de ce budget. Les conservateurs ont gagné la confiance des libéraux en rangeant au placard leur numéro les plus scandaleux. Le sens véritable de cet exercice est le statu quo d’une économie qui a mené à la crise.
L’emprise des corporations privées sur l’économie et la consommation sera protégée. Les banques et les spéculateurs n’auront pas à rendre des comptes sur leurs actions passées. Après avoir mené au désastre financier qui affecte l’économie, ils seront renfloués par la Banque du Canada. Les revenus des banques sont protégés, mais pas celui des travailleurs et des travailleuses. L’assurance-emploi reste l’ombre de ce qu’il devrait être pour assurer la dignité des chômeurs.
Les prestidigitateurs ont fait sortir les lapins de leur chapeau, la populace sort du théâtre des variétés et retourne ses poches... belles et bien vides.