Introduction
A la dernière conférence de Gauche socialiste tenue en août dernier, nous avons convenu d’écrire un texte qui poserait les bases politiques d’un futur regroupement de la gauche écosocialiste (?) au sein de Québec solidaire. Il nous apparaissait que les militantEs défendant cette orientation restaient, malgré l’existence de collectifs, éparpillés et sans poids collectif réel sur la dynamique d’évolution de Québec solidaire. Ce texte qui est appelé à être corrigé et complété par un certain nombre de personnes partageant cette analyse et cette orientation sera par la suite discuté et adopté dans une assemblée de fondation d’un regroupement agissant au sein de Québec solidaire.
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Une première partie caractérisera : (1) La période actuelle : la réalité de la crise et ses conséquences sur les classes ouvrières et populaires et sur l’environnement et (2) la résistance telle qu’elle se donne et les conditions pour que cette résistance puisse dépasser sa phase défensive actuelle.
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Une deuxième partie tracera un portrait (1) de la situation actuelle de Québec solidaire (plus de six ans après sa fondation), (2) de sa dynamique d’évolution (3) de ses acquis et faiblesses programmatiques (3) de ses modes d’action, d’enracinement et des rapports aux mouvements sociaux (4) de ses politiques d’alliance avec les partis politiques (5) des forces et les limites de sa démocratie interne.
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Une troisième partie rappellera (1) les grands traits d’une orientation écosocialiste ; (2) Posera la question des stratégies vers le pouvoir et l’élargissement des conceptions démocratiques porteuses d’une réelle rupture les institutions parlementaires actuelles ; (3) définira les liens que Québec solidaire pourrait entretenir avec les mouvements sociaux ; (4) esquissera les principes d’une politique d’alliance et enfin (5). rappelera les nécessités d’un fonctionnement réellement démocratique d’un parti politique
Une quatrième partie présentera des modalités de regroupement autour d’une plate-forme qui reste à écrire et qui résumera nos discussions.
I. Première partie : une période de crise profonde, durable et multiple du système capitaliste et le développement de la résistance
1.1 La période actuelle : la réalité de la crise et ses conséquences sur les classes ouvrières et populaires et sur l’environnement
Après 25 ans (1982-2007), la période néolibérale connaît une rupture profonde amorcée par la grande récession de 2008. Il s’agit d’une crise économique systémique qui constitue un nouveau moment historique, en d’autres mots une période de profonde instabilité dans le processus d’accumulation du capital qui perdurera pendant plusieurs années, nonobstant les oscillations tantôt positives, tantôt négatives de certains indicateurs économiques. Quatre ans après 2008, le taux d’accumulation ne redémarre pas et le taux d’utilisation des capacités productives des entreprises demeurent en deçà du 80 % dans les principaux pays capitalistes avancés, Canada y compris.
Pour tenter de sortir de cette crise, les gouvernements ont mis en place des plans de sauvetage des banques qui ont mobilisé plus milliers de milliards de dollars et ont transformé les dettes privées en dettes publiques. Mais ils ne sont pas parvenus à générer une reprise durable de l’accumulation du capital. Pour pouvoir payer les dettes et satisfaire les banques, les gouvernements mettent de l’avant des politiques d’austérité agressives qui sont néfastes pour la reprise, créant même un rebond de la récession.
La réponse des élites dominantes à cette crise n’a pas débouché sur le rejet, mais sur un approfondissement du modèle néolibéral dans l’ensemble des pays du nord. La crise économique mondiale ouverte par la crise des subprimes aux États-Unis en 2008, a correspondu à un approfondissement de l’offensive néolibérale et la mise de l’avant de politiques d’austérité qui se sont concrétisées par de fortes réductions dans les dépenses gouvernementales qui débouchent sur des suppressions d’emplois dans le secteur public, sur des privatisations en chaînes dans l’éducation, dans la santé et la fonction publique, par la tarification des services publics, par des atteintes aux retraites et aux droits syndicaux..... L’objectif de ces politiques d’austérité est qu’il y ait moins de salariÉs dans le secteur public, moins d’infirmières, moins d’enseignants, moins d’employéEs d’entretien municipaux, moins de travailleurs sociaux et de travailleuses sociales... C’est ainsi qu’un segment croissant de la population vit avec des emplois à bas salaires, sans avantages sociaux ni protection sociale. Dans les pays capitalistes dominants, toutes les composantes de l’État providence sont en train d’être réduites...
Dans le secteur privé, les travailleuses et travailleurs font également face à une offensive : fermetures d’usines et délocalisations multiples, augmentation du rythme du travail, production « juste-à-temps », demandes patronales de baisses des salaires... Les types d’attaques utilisées par les capitalistes dans les dernières décennies s’intensifient. Les grandes restructurations restent donc devant nous : en plus d’une augmentation de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses, de nombreuses fermetures d’usines seront nécessaires avant que le système puisse retrouver une croissance économique prolongée et soutenue.
Avec la crise apparaît aussi une augmentation vertigineuse du chômage. Il faut préciser aussi au niveau du chômage que le travail à temps partiel n’est pas comptabilisé comme du chômage partiel, que ce sont les femmes qui le font majoritairement et donc qu’un bassin de femmes est en chômage partiel. Une façon de dissimuler dans les statistiques la réalité des femmes sur le marché du travail ! Les femmes ont toujours connu cette précarité sur le marché du travail. Leur rôle de réserve et de pression sur les salaires les maintient dans les emplois les moins valorisés. Avec la mondialisation, le sort réservé aux femmes tend à s’étendre à l’ensemble de la main-d’œuvre en commençant par les jeunes. Les mots à la mode sont flexibilité, changement, précarité. »
Nous assistons à la mise en place d’une politique d’austérité permanente, politique qui fait consensus dans les classes dominantes. En Amérique du Nord, comme en Europe, État après État le message reste le même : l’ère de l’assurance sociale, du secteur public, de la protection contre les effets négatifs du marché et des augmentations régulières de salaires est bel et bien terminée.
Au niveau global, l’Organisation internationale du travail (OIT) constate dans son Rapport mondial sur les salaires que la croissance des salaires a été divisée par deux pendant les années 2008 et 2009, ce qui a fortement érodé le pouvoir d’achat des salarié-es et leur bien-être. Les conséquences sont évidemment plus graves pour les travailleurs aux bas salaires qui peuvent facilement basculer dans la pauvreté… Or, comme le rappelle le rapport, la surreprésentation des femmes dans les emplois à bas salaires est une caractéristique universelle des marchés du travail. Les femmes constituent même en absolu la majorité des employés à bas salaire dans la plupart des pays, alors que leur taux de participation au marché du travail est habituellement plus bas. [1]
Les femmes ont massivement un travail rémunéré depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais assurent un travail gratuit dans la famille. Le développement des appareils domestiques et maintenant de l’informatique (ordinateur, vidéo, etc.)et bientôt de la dogmatique (programmation à distance d’activités dans la maison) ne fait que déplacer le travail des femmes. Les tâches deviennent moins dures physiquement, mais exigent plus de connaissances, de techniques et de planification. Et toujours, toujours, ce travail est invisible et gratuit par essence. La domination des hommes sur les femmes se nourrit de ce travail gratuit et la famille est l’espace privé de cette domination. La violence conjugale, l’inceste en sont les manifestations les plus graves, même si la famille représente aussi un lieu d’affection. Le capitalisme se réjouit de cette domination en n’ayant pas à fournir ce que les femmes font gratuitement. Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) l’avait chiffré en 1995 à 11.000 milliards de dollars alors que le Produit mondial brut1 représentait pour cette année 33.000 milliards de dollars. » [2]
Avec la mondialisation, c’est surtout cette portion du travail invisible qui s’alourdit et qui détériore le sort des femmes. Ce sont les coupures dans les programmes sociaux acquis de longues luttes durant les années de boom économique qui vont faire le plus mal aux femmes tant dans les pays en développement que dans les pays industriels.
Les femmes vont subir le contrecoup : retraite coupée, fin des programmes sociaux qui existaient encore. C’est en santé et en éducation que les coupures ont fait le plus mal. Partout dans le monde les femmes, à la fois comme travailleuses, comme usagères et comme consommatrices, ont vu leur santé et celles de leurs enfants mises à mal. Pensons simplement au manque de médecins et au coût des médicaments et des services.
L’austérité plus qu’un choix de droitiers zélés est l’expression des besoins du capital. Loin d’être un simple programme idéologique, l’austérité exprime plutôt le pouvoir du secteur financier à discipliner les gouvernements par l’intermédiaire des marchés obligataires.
Les partis politiques des classes dirigeantes voient dans la crise une occasion de déployer la doctrine de choc. En manipulant la dislocation sociale causée par la crise, ils tentent d’obtenir le soutien populaire à leurs attaques contre les programmes sociaux, les syndicats et la sécurité d’emploi. Dans ce contexte, les gouvernements s’engagent dans une sorte d’austérité compétitive selon laquelle les coupes massives dans les programmes sociaux et les privatisations sont déployées non seulement pour affaiblir les syndicats et réduire les impôts des entreprises, mais surtout pour attirer les investissements internationaux.
Cette offensive contre les salariéEs ne vient pas seulement des partis conservateurs même si la droite en général approfondit les attaques en question. Lorsqu’ils sont au pouvoir, les partis traditionnels de la social-démocratie (ou nationaliste bourgeois comme le PQ) adoptent des politiques d’austérité comme seule et unique voie de sortie de la crise... Hier, cela était le cas de Papandréou en Grèce, aujourd’hui, c’est le cas de Hollande en France. Même quand, ils sont dans l’opposition les partis sociaux-démocrates prennent leurs distances face aux mobilisations, ou essaient de les chevaucher tout en ne reprenant pas réellement leurs revendications. Le cas du Parti québécois face au printemps québécois a été exemplaire à cet égard.
La phase néolibérale du capitalisme a été marquée par des atteintes graves aux écosystèmes (changements climatiques, pollution chimique, déclin rapide de la biodiversité, dégradation des sols, destruction de la forêt tropicale, etc.). Ces phénomènes constituent une dimension de la crise systémique globale. Ensemble, elles expriment l’incompatibilité entre le capitalisme et le respect des limites naturelles.
Après la crise de 2008, il n’y a pas eu un tournant pro-environnemental. Au contraire, les accords de Kyoto se sont effondrés. Les conférences de Copenhague et de Rio+20 ont débouché sur des échecs retentissants. Les gouvernements occidentaux ont réussi à écarter toute démarche qui les auraient forcer en s’engager à des cibles chiffrées en ce qui a trait à la diminution d’émission de gaz à effet de serre. Les lobbys des énergies fossiles sont plus actifs que jamais. Et leurs initiatives pour exploiter des sources d’énergies fossiles de plus en plus dangereuses (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste, charbon) ne sont par limitées, mais encouragées par les gouvernements. On ne peut, sous peine d’impuissance, feindre d’ignorer que le monde des affaires s’oppose avec succès à toute régulation environnementale drastique, même dans les cas où la nécessité de celle-ci est le moins contestée.
Les géants de l’alimentation sont parvenus à chasser des millions de paysanNEs de leurs terres et à développer une agriculture d’exportation au mépris d’une agriculture de subsistance. Les multinationales de l’énergie transforment des terres arables en terre servant à la production de biocarburants. Si on combine l’ensemble des ces facteurs structurants à la spéculation sur les denrées qui atteignent des sommets sans précédent qui provoquent la hausse des coûts des céréales par exemple, nous avons là les fondements de la multiplication des crises alimentaires qui débouchent sur des situations de famines dans le tiers monde.
Crise économique durable, unanimité des classes dominantes derrière des politiques d’austérité, offensive non seulement pour renforcer l’exploitation des classes dominées, mais également pour restreindre les droits démocratiques des masses, approfondissement de la crise environnementale débouchant sur les conditions de survie de la planète, nous entrons dans une période où les affrontements de classe vont être déterminants de l’avenir de l’humanité et de la planète, c’est dans ce contexte que s’inscrit notre action politique.
Avec la mondialisation, le mépris et la violence, les femmes sont devenues une denrée planétaire. Bien que présentes avant la mise en place du capitalisme, ces situations se sont perpétuées tout au long de son développement, mais avec la mondialisation, cette situation a pris des proportions astronomiques.
L’importance d’internet dans la planétarisation de la prostitution est cruciale. Les images voyagent rapidement. Tout le monde voit tout. Le corps des femmes est complètement dévoilé, humilié, battu et mutilé. Les normes de tolérance dans les médias et dans les publicités se moulent aux volontés des capitalistes de vouloir faire des profits sur le dos des femmes. L’hypersexualisation des petites filles se situe dans ce contexte. Il faut comprendre l’impact de la violence sur les femmes pour dénoncer les liens entre capitalisme et patriarcat. Le corps des femmes sert de défouloir à l’agressivité des hommes. C’est socialement toléré et maintenant avec internet, c’est socialement diffusé.
1.2 La résistance mondiale au néolibéralisme : forces et nouveautés après 2008
La crise et les politiques d’austérité mises de l’avant par la bourgeoisie a conduit à l’émergence de larges mobilisations partout dans le monde. Une résistance populaire se dresse contre les politiques d’austérité.
En Afrique du Nord, c’est le printemps arabe. En Tunisie, en Égypte le peuple occupe la rue et les places publiques où il doit affronter la répression. Les morts se comptent par centaines en Tunisie et en Égypte. Mais la force de la mobilisation est telle que le dictateur tunisien Ben Ali est chassé du pouvoir. Quelques semaines plus tard, c’est Moubarak, le dictateur égyptien qui doit quitter le pouvoir. Dans différents pays du Proche-Orient, les peuples se mobilisent contre les dictatures en place. La lutte des peuples d’Afrique du Nord et du Proche-Orient est enclenchée. Elle est loin d’être terminée.
Au cours de l’année 2011, le mouvement de résistance à l’offensive d’austérité néolibérale, fait irruption au Portugal, et en Espagne. Le mouvement des Indignés, comme les masses arabes occupent les places publiques. L’élargissement de la résistance continue et s’amplifie. Les pays de la périphérie de l’Europe : Islande, Irlande, Grèce, Espagne sont les premiers touchés. En Grèce, la résistance est particulièrement importante. Les grèves générales succèdent aux manifestations massives et aux affrontements avec les forces de répression. Le 15 octobre 2011, 500 000 manifestantEs défilent dans les rues de 80 pays dans un vaste mouvement mondial qui protestent contre la gestion de la crise économique faite par les gouvernements qui se portent au secours des institutions privées qui connaissent une véritable débâcle. Durant l’année 2012, les grèves générales se sont multipliées en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande et en Islande. Des mobilisations massives se sont produites en France et en Grande-Bretagne. En Chine, des luttes syndicales se développent contre la surexploitation des travailleurs et des travailleuses...
Les femmes se sont aussi beaucoup mobilisées dans les pays en développement sur différentes thématiques que ce soit durant le printemps arabe ou encore contre les exploitations des minières en Amérique latine. Elles ont aussi dans bien des pays portées à bout de bras la lutte contre l’avortement
Des luttes ouvrières importantes se sont également développées aux États-Unis (Wisconsin) et ont débouché parfois sur des occupations d’entreprises et d’un parlement. Il y a eu des occupations similaires en Irlande, en Écosse, en Angleterre. En France, il y aussi eu des séquestrations de patrons. Il y a eu d’énormes mobilisations de masse dans les rues françaises. On a assisté à une dizaine de grèves générales en Grèce.
À l’automne 2011, le mouvement des indignés touche les États-Unis, le Canada et le Québec. C’est le mouvement Occupy. On trouve dans tous ces mouvements une série de points communs :
– Au niveau des moyens d’action : occupations des places publiques, multiplications des manifestations de rue pour se regrouper et compter ses forces et faire la démonstration de sa puissance face au pouvoir complètement sourd aux besoins et aux revendications de la majorité des citoyens et citoyennes ; compréhension de la nécessité de dépasser le légalisme et de poser des gestes collectifs de désobéissance civique comme acte de résistance face à un pouvoir autiste qui n’hésite pas èa utiliser la répression pour empêcher les rassemblements.
– Au niveau de leur fonctionnement : ces mouvements sont caractérisés par une forte exigence de la démocratie qui est au coeur même des mouvements ; importance accordée aux réseaux sociaux pour favoriser la mobilisation, la communication et les débats ; importance d’une démocratie participative et assembléiste dans l’organisation même du mouvement.
– Au niveau de sa compréhension des enjeux et des cibles : affirmation d’une conscience de classe réelle, mais embryonnaire par un mouvement qui proclame défendre la vaste majorité de la population, les 99%, contre les intérêts de l’oligarchie, le 1%. Si dans les pays d’Afrique du Nord, les cibles étaient d’abord les régimes dictatoriaux, dans les pays occidentaux, les cibles sont les banquiers et les gouvernements. Cette compréhension donne au mouvement des Indignés un pouvoir de convergences dans le refus de payer la crise provoquée par les très riches...
La révolte de la jeunesse étudiante s’est développée à travers le monde : Chili, Mexique, Québec... Leurs actions ont contribué à transformer le terrain politique. Les rébellions de jeunes sont souvent audacieuses et offensives, mais elles ne paralysent pas la machine capitaliste. La jonction avec le mouvement syndical est le plus souvent bloquée par la bureaucratie syndicale qui domine le mouvement ouvrier.
Mais ces actions d’envergure ne sont pas parvenues à bloquer ni les attaques contre l’État providence ni à bloquer le raz de marée des fermetures d’usines et des licenciements qui mettent à la rue des millions de travailleurs et de travailleuses, même s’ils parviennent à marquer des gains au niveau local.
La bourgeoisie est prête à utiliser une stratégie de choc et elle est prête à faire face à des grèves générales d’une journée sans broncher et à les affronter avec ses forces de répression. Elle sait qu’elle peut y survivre. De telles mobilisations, en elle-même, ne la feront pas reculer.
Il faut comprendre que durant la phase néolibérale du capitalisme le mouvement syndical a connu d’importants reculs en matière du niveau de syndicalisation, des droits syndicaux et de fortes réductions des activités de grèves. La main-d’oeuvre a connu une importante précarisation, ce qui a affaibli davantage le mouvement syndical. Cette période a favorisé l’éloignement de la bureaucratie syndicale de ces bases. Dans certains pays, au Québec tout particulièrement, la mobilisation d’un capital financier et spéculatif par une fraction importante, sinon majeure de la bureaucratie syndicale a renforcé davantage cet éloignement des bases et un certain rapprochement avec le capital financier. Cette situation constitue un blocage sur une mobilisation d’ensemble contre les politiques d’austérité de la bourgeoisie et rendra quasi impossible une véritable jonction avec les autres mouvements sociaux tant que cet obstacle n’aura pas été surmonté par la gauche syndicale et politique.
Si dans l’ensemble la résistance n’est pas parvenue à bloquer l’offensive bourgeoise, il y a des cas où les luttes ont été victorieuses et les résultats spectaculaires. Il est important d’examiner ces cas, car ils nous indiquent les voies à suivre. Un exemple. En Guadeloupe et Martinique au début 2009, un mouvement social de masse réunissant des syndicats radicaux, des jeunes révoltés de même que des groupes féministes et de chômeurs et chômeuses a pris la forme d’une grève générale qui, en Guadeloupe a duré quarante et un jour, et plus de trente jours pour celle en Martinique. Pour être couronnées de succès, ces luttes ont pris la forme de grèves générales illimitées accompagnées d’actions insurrectionnelles dans les rues, incluant l’érection de barricades, des occupations d’usines, la mise sur pied de comités de quartiers, etc. Bref, le développement de formes embryonnaires de dualité du pouvoir, qui commencent à remettre en question le contrôle que le capital exerce sur la vie quotidienne. Pour vaincre, le mouvement social doit être massif (combinant différents mouvements sociaux) et être très déterminé s’il compte faire dérailler le programme d’austérité. Non seulement les mouvements syndicaux doivent être prêts à déclencher des grèves générales illimitées et des confrontations de masse avec l’État, mais ils doivent fonctionner également en tant que tribunes des oppriméEs luttant à partir d’un programme qui place les besoins des couches populaires les plus pauvres au premier plan. Cela indique l’ampleur de la tâche de rénovation qui est devant la gauche sociale et politique pour pouvoir faire face aux politiques d’austérité de façon victorieuse. Pour que la résistance défensive puisse se muter en victoire, il sera nécessaire que les revendications économiques fusionnent avec la lutte pour la démocratie et débouchent sur un soulèvement populaire reposant sur de robustes réseaux à la base (syndicats indépendants de la bourgeoisie, mouvements sociaux, associations étudiantes combatives et démocratiques ).
Le printemps érable par sa durée et sa massivité, a aussi permis de remettre en question toute la logique des politiques d’austérité. Mais l’impossibilité d’une jonction avec le mouvement syndical a été l’écueil qui l’a empêché de donner son plein potentiel.
Les moments de crise peuvent donc être des mouvements où le capital se réinvente pour développer une nouvelle stratégie d’accumulation, mais ce sont aussi des moments au cours desquels les formes et les stratégies de luttes se réinventent. Il n’existe bien sûr aucune garantie. Une telle réinvention ne peut qu’être le résultat d’un dur travail de militantEs de la gauche sociale et politique s’organisant à la base des mouvements..1
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Conclusion
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La construction d’un parti politique de gauche s’inscrit dans une nouvelle phase du néolibéralisme marquée par une crise majeure qui risque de s’étendre sur des années, période durant laquelle les bourgeoisies mèneront de façon systématique une politique d’austérité où elles viseront à redéfinir radicalement les rapports de force entre classes pour imposer ses solutions tant sur le plan économique qu’environnemental. Cette période implique des modifications dans l’articulation et les formes de luttes, les modalités des rapports entre mouvements sociaux, des rapports entre partis et mouvements. Il faut prendre clairement en compte ces questions pour définir le type de parti que nous aspirons à construire.
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II. Québec solidaire, sa réalité et ses dynamiques possibles d’évolution
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La construction de Québec solidaire a été portée par une première vague de radicalisation liée au développement de l’altermondialisme. Le mouvement pour ce parti a été impulsé par la gauche politique classiste qui voulait sortir de sa marginalité et par une partie du mouvement féministe et populaire qui voulait occuper le terrain électoral face aux déboires vécus face au PQ. Pour favoriser le rassemblement de la gauche social et politique, il fallait écarter ce qui la divisait et tenter de fonder un parti sur de nouvelles bases et sur de nouvelles réponses à des questionnements plus anciens.
Ce qui reste le moins clair et le plus refoulé dans Québec solidaire, cette la place et l’importance de la propriété sociale des moyens de production et d’échange (ou du moins des principaux moyens de production) comme une des bases incontournable pour l’instauration d’une véritable démocratie économique et politique et pour pouvoir prendre en main, véritablement la construction d’une société véritable écologique. C’est donc ce clivage essentiel entre l’aménagement social du capitalisme et la rupture socialiste et écologique avec le système capitaliste qui reste le clivage peu ou pas discuté... et qui, dans la période qui vient, va nécessairement être réactivité par l’ampleur des luttes et des affrontements qui viennent.
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2. 1. Notoriété et occupation par Québec solidaire d’une place à gauche dans le champ politique
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Depuis sa fondation, Québec solidaire s’est imposé dans le champ de la politique institutionnelle québécoise. C’est maintenant un parti reconnu, petit, mais légitime, clairement campé à gauche de ce champ. Il a également réussi à définir un profil d’un parti clairement souverainiste, même si le PQ et Option nationale tentent de lui dénier ce statut. Ce profil clairement indépendantiste a d’ailleurs amené le chef du NPD-Canada, Thomas Mulcair, à envisager le lancement d’une aile fédéraliste du NPD sur la scène provinciale au Québec, projet sans doute remis à plus tard.
Par son mode d’apparition publique sous la forme d’un double porte-parole homme et femme, par le fait d’être parvenu à assurer la parité du nombre des candidatures des hommes et des femmes à chacune des élections provinciales, par l’organisation de ses débats faisant place à l’alternance (homme/femme) des tours de parole, par les prises de position féministes très claires sur l’avortement, la violence faite aux femmes, l’équité salariale..., Québec solidaire est perçu clairement comme un parti féministe.
Québec solidaire a également pu apparaître comme un parti nettement écologiste et les mouvements écologiques ont explicitement reconnu le caractère écologiste de son programme lors des dernières élections. Il reste que la démarcation d’avec le capitalisme vert reste encore approximative et cette rupture n’est pas encore dans le questionnement de ces militantEs.
Québec solidaire a connu une progression constante au niveau du recrutement de ces membres. Durant les derniers mois, la confirmation de sa notoriété a eu comme conséquence l’accélération de son recrutement. Le nombre de ses membres est passé à 13 000 membres dans les derniers mois, et on a constaté que cela s’est traduit dans la dernière campagne électorale par la constitution d’équipes de campagnes électorales beaucoup plus substantielles.
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2.2 Débats programmatiques, formes, avancées et inachèvement
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Québec solidaire est le produit d’une fusion d’organisations regroupant des militantEs partageant des orientations relativement hétérogènes. La meilleure illustration de ce fait est que la déclaration de principes de Québec solidaire est un texte portant sur les valeurs devant guider l’action du Parti. Québec solidaire ne se définissait pas à son origine à l’encontre du capitalisme. Le projet de société se contentait de se vouloir démocratique, de gauche et solidaire, internationaliste et féministe. L’économie devait être au service des personnes et des collectivités.
Pour maintenir l’unité de Québec solidaire, rien n’illustre plus l’expression de parti processus que le mode de construction de son programme. Commencé en 2006, en 2012, il reste sans doute des années de travail, pour faire le tour des questions devant être abordées. En fait, le processus de définition programmatique visait à impliquer les membres dans ce travail afin d’opérer une homogénéisation du parti sur toute une série de questions.
Le programme devait essentiellement se définir autour de propositions à mettre de l’avant dans une logique de transformation sociale répondant aux valeurs de la déclaration de principes. Tant et si bien qu’après des années, on a tranché sur une série de questions :
– INDÉPENDANCE ET MODÈLE D’INTÉGRATION (enjeu 1) : indépendance/souveraineté, assemblée constituante, laïcité, etc.
– ÉCONOMIE ET ENVIRONNEMENT (enjeu 2) : nationalisations de certaines ressources naturelles, création d’une banque d’investissement, redistribution de la richesse, régime d’imposition plus progressiste, hausse du salaire minimum, revenu minimum garanti, défense des droits syndicaux. Un Québec vert : passage aux énergies renouvelables, développements de transports publics non polluants, Plan écologique pour développer l’économie.
DÉFENSE DES SERVICES PUBLICS (enjeu3) : défense des services publics et opposition claire à toute privatisation et démocratisation de l’éducation et de la santé.
Et l’enjeu 4 se prépare (FEMMES ET ÉGALITÉ DE GENRE).
La définition du programme adoptée était la suivante : Un programme trace :
– une analyse des problématiques qui traversent la société dans laquelle nous vivons que ce soit aux niveaux local, national ou international ;
– À partir de cette dernière, il présente les orientations et les propositions que nous faisons à la population qui permettrait de résoudre ces problématiques dans une perspective de transformation sociale ;
– les stratégies qui vont permettre de parvenir à réaliser notre projet de société. Ce qui signifie qu’il identifie les forces sociales qui peuvent se saisir de ses propositions et les initiatives qu’elles peuvent prendre pour résister immédiatement afin de concrétiser des perspectives en termes de débouché politique, c’est-à-dire la politique d’un gouvernement de gauche.
En fait, les analyses de la situation n’ont pas réellement été discutées pour adoption ; pas plus que les stratégies... qui ont été exclues de toute discussion. C’est ce qui fait que les notions de capitalisme et de crises du capitalisme sont somme toute absentes des textes. S’il y a reconnaissance de l’importance des mouvements sociaux, la seule stratégie reste une stratégie électorale...
Cela conduit à un contenu programmatique, qui sur toute une série de questions, présente des propositions intéressantes, mais sans que les obstacles dressés par les classes dominantes à leurs réalisations ne soient identifiés, ni bien sûr le niveau de mobilisation qui serait nécessaire pour imposer ces propositions aux intérêts dominants.
Cette approche va avoir des conséquences à une série de niveaux. En fait, en campagne électorale, le cadre budgétaire va faire abstraction de la crise mondiale et de ses impacts sur l’avenir de l’économie du Québec. Le plan vert n’identifiera pas la volonté de secteurs majeurs de la bourgeoisie de s’orienter vers l’exploitation d’énergies fossiles et des exportations vers les États-Unis de ces énergies. Le cadre budgétaire va prévoir la création de 167 000 emplois dans les quatre ans sans souffler mot de la crise économique mondiale qui se prolonge et s’aggrave.
D’autre part, on a écarté d’emblée de situer le programme par rapport aux grands courants qui ont traversé le mouvement ouvrier et particulièrement le socialisme, l’anticapitalisme, le communisme. On a donc écarté l’idée de poser la question de l’anticapitalisme et de l’alternative écosocialiste au capitalisme.
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2.3. La stratégie électorale et travail parlementaire
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Québec solidaire a déjà été impliqué dans trois élections québécoises (2007, 2008, 2012) et il risque d’être replongé dans une prochaine campagne électorale dans les mois qui viennent. Québec solidaire a d’ailleurs connu une croissance continue de sa base électorale. Passant de 3 à 6% en quelques années. La progression a été particulièrement significative dans l’est de Montréal (2 éluEs, et des comtés entre 15 et 25 % des voix), le nombre de comtés qui a dépassé les 5% des voix en province se compte maintenant par dizaines. Si l’avancée n’est pas toujours à la hauteur des espérances des militantes et militans pressés, il n’est reste pas moins que cette progression nourrit les espoirs d’une avancée continue et accélérée, basée essentiellement sur le dévouement et le militantisme, le développement des expertises et des stratégies de communication. Si la pratique concrète détermine de ce que l’on devient, il est clair que le développement du parti peut être conçu selon le profil esquissé par cette pratique.
L’accession à l’Assemblée nationale et le travail effectué à ce niveau par son premier député élu ont démontré la cohérence de sa démarche. L’élection de sa deuxième porte-parole, va assurer une présence parlementaire et médiatique au parti, qui va l’incruster dans le paysage politique et ce qui va permettre de renforcer encore une fois sa notoriété. La présence de Françoise David au dernier débat des chefs a d’ailleurs été exemplaire à cet égard.
La social-démocratie et son évolution en social libéralisme nous indique les problèmes qui sont devant nous : comment assurer l’indépendance des éluEs face aux pressions des institutions parlementaires et de leur logique ? Comment empêcher que le parti ne se scinde pas en un parti militant et un parti de représentant-e-s, où le pouvoir se concentre dans les mains de ceux et celles qui sont plus proches du pouvoir ? Comment contribuer à empêcher que notre représentation soit plutôt masculine, ou qu’en soit exclut les travailleuses et les travailleurs et les employéEs de notre députation. On sait qu’aujourd’hui ces classes sociales sont en pratique exclues de la représentation parlementaire ? De quelle autonomie l’équipe parlementaire devrait-elle disposer par rapport aux décisions des différentes instances du parti ? Sans des réponses claires et collectives à ces questions... ce sont les rapports sociaux quotidiens qui vont déterminer notre fonctionnement politique de notre parti et non des décisions conscientes.
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2. 4. Rapports avec les mouvements sociaux et l’absence de développement d’une logique de classe
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Québec solidaire s’est aussi caractérisé par un appui conséquent aux luttes des différents mouvements sociaux (mouvement syndical, mouvement féministe, mouvement étudiant, mouvements environnementaux) et cet appui s’est souvent caractérisé par la présence active et militante des membres de Québec solidaire dans ces mouvements, sans parler de la présence assidue des porte-parole. Mais, en dehors des organisations de campus et des comités femmes qui existent dans un nombre restreint des régions, la seule structure fondamentale d’organisation des militantEs et membres du parti reste l’association de circonscription. Il n’y a pas de structures militantes liées aux mouvements sociaux, en dehors des exceptions mentionnées, inscrites par le mode de fonctionnement prévu par le parti. Cela n’est que très partiellement contourné-e-s par l’organisation d’un collectif intersyndical (jusqu’ici non officiellement reconnu d’ailleurs). Le rapport avec le mouvement syndical et ses directions n’a pas fait l’objet de discussion collective tout comme une réflexion générale des rapports avec les différents mouvements sociaux. Un conception d”une division du travail entre mouvement social et action du parti politique reproduit une conception qui l aisse les militantEs de Québec solidaire à eux même sans coordination dans leur travail.
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2. 5. Politiques d’alliance, une démarche empirique et peu maîtrisée
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Au niveau des politiques d’alliance, le seul débat collectif (de congrès) a rejeté toute alliance (même tactique) avec les autres partis politiques. L’entente sur le retrait mutuel de ses candidatures, dans les comtés respectifs de Françoise David et Jean-Marie Aussant, a été la seule alliance concrète à ce niveau. Tous les rapports au NPD Canada et au Parti québécois ont été beaucoup plus problématiques, sans qu’ils aient donné lieu d’ailleurs à une quelconque discussion collective dans les instances démocratiques du parti.
Le mot d’ordre de la direction de Québec solidaire aux dernières élections fédérales, n’était pas malgré ce qu’a prétendu les péquistes et autres bloquistes un appel au vote NPD de Jack Layton. Le mot d’ordre était de voter pour battre Harper.
Mais Amir Khadir n’a pas hésité à rendre publique, comme proposition personnelle, la nécessité d’alliance tactique au niveau du partage des comtés avec le Parti québécois. Une telle proposition a eu un impact certain sur certaines vedettes du Parti québécois. Mais les député-e-s du PQ se disant intéressés, non pas fait de propositions concrètes. Le SPQ Libre a profité de cette ouverture pour faire des propositions qui auraient eu comme conséquence d’amener QS a reconnaître l’hégémonie du PQ sur la lutte à la souveraineté et à lui laisser l’essentiel du terrain. Mais la direction Marois a toujours rejeté toute perspective à cet égard. Elle a au contraire lancé une campagne sur le vote stratégique qui visait à démontrer que Québec solidaire n’était qu’une force de nuisance pour le PQ et un allié objectif du PLQ. ON a d’ailleurs subi, un traitement similaire.
Les rapports de Québec solidaire au PQ restent donc problématiques. Faut-il reprendre pour les prochaines élections la perspective des alliances tactiques avec le Parti québécois ? Faut-il envisager des perspectives stratégiques entre partis souverainistes ? Faut-il que Québec solidaire, comme l’ont déclaré Françoise David et Amir Khadir dans une entrevue, cherche à tirer le PQ vers le centre gauche ? Faut-il maintenir le mot d’ordre des dernières élections fédérales, voter pour battre les conservateurs ?
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2.6. Les forces et les limites de la démocratie interne
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Par ses élections à tous les niveaux des instances décisionnelles, par la tenue d’instances régulières avec délégations le plus souvent élues, par la tenue de nombreux congrès sur le programme, par la définition des plates-formes électorales dans le cadre de congrès, par la préoccupation de la parité homme-femme à toutes les instances, par l’acceptation de la création de collectif ayant le loisir de présenter leurs positions, même s’ils n’ont pas le droit de délégation, par le fait que les porte-parole se sentent, en général, liés par les prises de position des membres dans différentes instances... on peut dire que Québec solidaire a adopté un mode de fonctionnement démocratique...
Il reste que la composition de la direction ne reflète par d’emblée la proportion des différentes sensibilités politiques qui s’expriment dans les débats. Il n’existe de pas de droit de tendance, ni de représentation proportionnelle des tendances dans les élections à des postes. Le fait qu’il n’y a pas de reconnaissance d’un quelconque droit de tendance et le fait que les orientations alternatives ne se sont pas nécessairement visibles montrent les limites de la démocratie dans les débats. La direction ne reflète pas nécessairement un éventail proportionnel des positions pouvant s’être exprimées dans le parti.... Ceci peut faciliter la personnalisation de la prise des responsabilités au sein du parti. Mais ceci n’a jamais voulu dire jusqu’ici une direction homogène politiquement, et agissant comme tel au sein du parti.
La notion de parti processus exprimait le caractère inachevé du parti, de son programme, de ses orientations. Elle manifestait également, la volonté de protéger l’unité du parti, un acquis qui porte encore de nombreux fruits en terme d’audience et de crédibilité. Mais tout cela a conduit à reporter à plus tard d’éventuelles clarifications du projet politique d’ensemble du parti... Et cela n’a pas été sans affecter la clarté et la productivité des débats. Les frustrations vécues sur des débats centrés sur des libellés au lieu que de porter sur des questions de fonds, ne relèvent pas seulement des erreurs d’organisation du débat. Elles reflètent la volonté d’éviter des discussions qui ne permettraient pas de déboucher sur des consensus. Et cela a eu un effet important de dépolitisation des débats. Cette situation doit être dépassée.
2.7 . La gauche anticapitaliste dans Québec solidaire
La gauche qui se dit explicitement anticapitaliste dans Québec solidaire recouvre un spectre qui va de collectifs marxistes révolutionnaires (GS, IS, AS) à des individus sans organisation dont l’anticapitalisme est plus ou moins défini en passant par des collectifs écologistes plus radicaux, des intellectuel-le-s universitaires organisées ou non dans des centres de recherche. D’ailleurs, l’autodéfinition comme anticapitaliste n’a pas comme conséquence une stratégie de rupture anticapitaliste et une politique d’autonomie de classe et une tactique de construction impliquant des rapports définis avec les mouvements sociaux. L’anticapitalisme idéologique (identitaire) se clive en un grand nombre d’attitudes tactiques en ce qui concerne les débats à mener, les positions à défendre et les moments de le faire.
L’unitarisme a été essentiel au regroupement et à la création de Québec solidaire. Cet unitarisme a permis de rassembler la majorité de la gauche politique et sociale qui trouvait nécessaire de se démarquer du Parti québécois et de critiquer ses politiques. Mais si cet unitarisme se contente d’un discours consensuel, il risque d’être de plus en plus général, et incapable d’identifier clairement les forces qui s’opposent à ses propositions, faisant en fait disparaître toute une série de lignes de démarcation et restera incapable de tracer des perspectives claires face aux offensives de la bourgeoisie.
Sur la définition des enjeux principaux, sur les combats qu’il faut mener, sur le rythme des résultats attendus, sur les méthodes qu’il faut employer, la gauche anticapitaliste ne constitue pas actuellement une force unifiée politique et capable d’initiatives sans que tout un travail d’autoconstruction soit fait. Ce travail d’autoconstruction ne doit pas être axé sur ses dimensions idéologiques (le socialisme que nous voulons) mais principalement sur ces dimensions stratégiques (les combats politiques les plus essentiels à mener, les modes de liaison aux mouvements sociaux, les regroupements à favoriser (politiques d’alliances) et ceux à éviter, les formes de démocratie à mettre de l’avant dans le parti, la diversification des types de travail du parti : recrutement, formation, d’implantation dans les milieux sociaux, électoral, parlementaire).
2.8 Le débat femmes : un débat difficile
Le débat sur le féminisme avec l’enjeu 4 risque d’être un des plus difficiles de QS. Pas seulement au niveau idéologique autour de la conception de la famille ou de l’exploitation et de l’aliénation des femmes. Mais aussi parce que ce débat va toucher l’émotif de la domination des femmes sur les hommes. Les dimensions du patriarcat sont souterraines et surprenantes.
QS regroupe un nombre surprenant de femmes travaillant dans les groupes de femmes et militant pour la cause des femmes. Mais QS est loin de porter un programme assimilé sur le féminisme. L’image de Françoise a servi de marque de commerce sur le féminisme. Et lors du débat, elle a fait ressortir la dimension des femmes à travers les infrastructures du Plan Nord. Nous avons aussi pour la deuxième élection de suite obtenu la parité des candidatures. Mais la plate forme électorale ne comprenait aucun point spécifique sur la question des femmes.
De plus, notre débat s’amorce en même temps que le mouvement des femmes tente de faire le point sur la situation des femmes. Les États généraux des femmes tentent de dresser un portrait et une plate forme pour les femmes. Plusieurs membres de QS font partie de ce remue-méninge. QS se limitera-t-il à la lutte pour l’égalité et à l’importance de la famille ? Ou serons-nous capables d’apporter une contribution au débat sur la prostitution et la pornographie, les solidarités avec les femmes du monde entier et la mondialisation, les différences sexuelles et les droits des LGBT ?
Conclusion : Dynamique de développement de Québec solidaire, les possibles et le souhaitable
Quelle est la dynamique de développement de Québec solidaire ? On peut avaliser complètement le mode de construction de Québec solidaire jusqu’ici et n’y voir que son côté fort. Tirer un satisfecit général, et ne voir toute sa dynamique, comme celle d’un mûrissement politique de Québec solidaire et de la société québécoise en général. C’est ce que semble suggérer Pierre Beaudet :
« QS depuis son avènement a réussi à coaliser une grande partie de ceux et celles qui veulent un changement. Juste cela est en soi un résultat extraordinaire, qui laisse loin derrière ce que nous apporté les petits partis de gauche qui ont essaimé au Québec durant les 50 dernières années (ce n’est pas les dénigrer que de dire cela). Certains voudraient que QS soit plus « révolutionnaire » en dénonçant le capitalisme et l’impérialisme à chaque énoncé d’Amir ou de Françoise. En réalité, QS construit une pensée critique qui commence à prendre place dans la population et qui est une alternative assez bien organisée face aux politiques de prédation néolibérales qui dominent. Vouloir aller plus vite tomberait dans le piège de celui qui tire la tige pour faire pousser la plante plus vite ! IL est normal en passant que bien des gens hésitent à afficher une posture anticapitaliste et ou socialiste, sachant que plusieurs partis de gauche qui mettaient de l’avant de tels projets ont échoué à le faire. Les États capitalistes et leurs systèmes d’oppression mis en place par le capitalisme ont été souvent remplacés par d’autres systèmes où la subjugation des peuples a été reconstituée. Ce n’est pas d’être cynique ni défaitiste de dire cela, mais il faut accepter le fait qu’il faudra du temps pour développer une perspective postcapitaliste convaincante... résister et s’organiser implique de prendre position, de faire des propositions et d’en assumer les conséquences. » (Presse-toi à gauche !)
Nous croyons pour notre part que la gauche anticapitaliste et Québec solidaire peuvent être affaiblis par l’exacerbation de ce qui fut sa force propulsive : une certaine forme d’unitarisme concrétisé dans la notion de parti processus.
La notion de parti processus qui se construit et évolue au rythme des défis qu’il relève a permis de dépasser la culture de l’unité démarcation qui au nom de la recherche de la clarté idéologique a favorisé l’éclatement rapide des regroupements militants et l’éparpillement de la gauche radicale dans plusieurs petits groupes. L’expérience des années 70 est exemplaire à cet égard. Mais la notion de parti processus peut également déboucher sur un gradualisme politique qui écarte toute idée de crise politique, comme centrale dans des tournants de la lutte des classes. Elle peut amener à écarter toute stratégie et toute identification des forces sociales qui sont motrices d’une transformation sociale véritable, toute identification précise des obstacles (les classes adverses) et faire l’économie des nécessaires éclaircissements sur le dépassement de ces obstacles. C’est une tendance forte de l’évolution actuelle de Québec solidaire, c’est une faiblesse de Québec solidaire et nous devons participer au dépassement de cette limite.
III. Regrouper la gauche écosocialiste pour mener des débats stratégiques et proposer des perspectives d’action
L’organisation de la gauche écosocialiste dans Québec solidaire, tient à la nécessité de la période. Face à une crise majeure du système capitaliste dont la composante écologiste est une dimension essentielle, notre parti doit savoir reconnaître les fondements capitalistes de cette crise et la nécessité de s’attaquer à ses fondements pour la dépasser. Nous sommes persuadés que la tâche devant nous ne consiste pas uniquement à construire le parti seulement sur la scène électorale, mais aussi dans le cadre des luttes de masses qui sont appelées à se développer pour résister aux politiques d’austérité et au développement d’un capitalisme sauvage sur le terrain environnemental.
L’approche du parti processus s’inscrivait dans un cadre assez précis. Il permettait de protéger la fusion et l’unité du parti. Dans cette nouvelle période du néolibéralisme ouverte avec la crise de 2008, il faut redéfinir le cadre du parti processus qui tout en protégeant l’unité du parti, refuse la marginalisation de questions stratégiques essentielles : la question des rapports à la propriété sociale des moyens de production et au financement public des projets de transformation sociale, la question des rapports à l’État, aux institutions parlementaires et aux formes démocratiques issues des luttes sociales, la question du rapport du Parti aux mouvements sociaux et particulièrement au mouvement syndical, la question de nos politiques d’alliance, la question de l’identification des classes sociales qui peuvent rallier notre projet et de nos modes d’enracinement dans ces dernières, les questions du type de parti nous voulons construire capable d’agir en temps de crise, capable de résister aux pressions que les classes dominantes tenteront d’exercer sur lui...
Ces questions stratégiques doivent participer au dépassement de QS tel qu’il existe aujourd’hui ou refuser de se contenter d’un développement linéaire qui se contenterait de renforcer ses bases électorales et parlementaires, son appareil et son membership mais qui ne tracerait pas les voies de l’établissement d’un optimum de radicalité correspondant aux besoins des luttes auxquelles devront faire face la majorité de la population face aux attaques du capital sur tous les terrains dans la période d’austérité prolongée dans laquelle nous sommes entrés. Le changement de période est trop profond pour se contenter d’ajustements mineurs.
3. 1. Prendre parti pour l’écosocialisme
La tâche de ce courant écosocialiste est de préciser la nature de la période de crise capitaliste dans la quelle nous entrons, de proposer un projet politique qui précise tant les sujets (les classes ou bloc de classes) porteur d’un projet de transformation sociale, qui décrit les obstacles qui seront rencontrés, qui propose les rapports à entretenir avec les mouvements sociaux et les politiques d’alliance qui favorisent la cohésion des classes subalterne et qui pose les nécessités d’un fonctionnement démocratique de Québec solidaire. Québec solidaire doit pouvoir s’attaquer aux crises énergétiques, climatiques, alimentaires. Cela nécessite de revoir radicalement le mode de vie et de développement, sanctuariser les biens publics inaliénables (eau, air…), élaborer avec les collectivités un plan de reconversion énergétique au lieu de le confier à la loi de la concurrence marchande.
Contrairement au silence de Québec solidaire sur ces questions, nous affirmons qu’il n’y aura pas de transformation sociale radicale sans transformation fondamentale des rapports de propriété et sans bouleversement des rapports de pouvoir entre la société et l’État. Ces changements demeurent l’objet d’une lutte acharnée entre les classes, une lutte sans merci à des moments critiques de crise.
Il n’y ara pas de transformation sociale favorable à la majorité de la population et particulièrement en faveur des classes dominées sans pouvoir remettre en cause le capitalisme qui est un modèle de développement productiviste, consumériste, centré sur la course effrénée à la production de biens, sans considération pour la qualité de vie dans des conditions environnementales supportables.
La transition énergétique, qui prend en charge les différents aspects de la question énergétique, des services publics et de la lutte contre la précarité (habitat, transports, agriculture, industrie…) doivent être au cœur de notre projet. Un plan vert qui ne se questionne pas sur la propriété de toutes les sources d’énergies, sur l’appropriation collective des sources d’énergies, des entreprises productrices des moyens de transport électriques, qui ne se questionne pas sur la socialisation des banques pour avoir les capitaux nécessaires pour mettre en oeuvre des projets d’envergure ne se donne pas les moyens de ses fins.
La simple remise en question de quelques points au niveau de l’impôt par le gouvernement Marois a soulevé l’ire de la bourgeoisie. Les menaces de déménagement ou de fuites des capitaux ont aussitôt été brandies. Une véritable redistribution des richesse, le blocage des privatisations et la mise en place de services publics gratuits garantissant l’accès aux biens et services fondamentaux comme l’éducation, la santé, l’eau, l’énergie, le logement, la culture et le transport (le programme actuel de Québec solidaire) vont rencontrer une résistance de classe considérable. Cette résistance ne pourra être cassée que par la nationalisation et la socialisation des ressources naturelles, des secteurs industriels stratégiques, des banques sans compensation afin de reconstruire un système financier public qui redonne la priorité aux besoins de financement de la population et de ses projets et qui en finissent avec le chantage à la fuite des capitaux. Sans l’introduction des représentantEs des travailleurs et travailleuses, des consommateurs dans les conseils d’administration des entreprises de différentes régions, il n’y a aura pas de véritable reprise en main démocratique de notre économie.
3. 2. Prendre parti pour la démocratie sociale, participative et la subversion de la démocratie représentative
Déjà, Québec solidaire refuse le système de démocratie tel qu’il se donne. C’est ainsi que QS propose de réformer le mode de scrutin et d’introduire le scrutin proportionnel. QS propose également de tenir les élections à date fixe. Face aux attaques contre la liberté d’expression et à la répression, Québec solidaire se doit d’appeler à la dissolution des corps répressifs (comme les polices antiémeutes) et lutter pour le maintenir le droit de grève et de manifester par l’action directe et la désobéissance civile si nécessaire.
Mais au-delà de ces mesures défensives essentielles, il faut s’opposer aux effets antidémocratiques de l’élection en bloquant les voies par lesquelles les représentantEs échappent au contrôle des personnes représentées. Cela peut se faire en :
a) imposant un contrôle populaire des représentantEs dans le cadre de la démocratie représentative
– en donnant des mandats impératifs aux éluEs par les assemblées devant lesquelles ces élues sont redevables
– en interdisant la circulation des élu-e-s entre les responsabilités politiques et les responsabilités économiques
– en implantant des mécanismes pour en finir avec les sous-représentations des catégories modestes (travailleurs et travailleuses manuelles)
– en introduisant une procédure de révocation des éluEs par les circonscriptions ou par les autres instances où il y a des élections
b) mettre fin à la consolidation d’un oligarchie politique
– en imposant la parité de genre (hommes/femmes) dans la représentation politique
– en abolissant les mandats consécutifs au parlement et dans les municipalités (limites à deux au maximum)
– en introduisant un niveau de rémunération qui place les éluEs au niveau du salaire médian de la population.
c) introduire des mécanismes de démocratie participative à tous les niveaux dans les institutions de l’État et généralisation du principe d’éligibilité
– en introduisant les principes d’éligibilité et de révocabilité des chefs administratifs ;
– en instaurant des budgets participatifs laissant à des assemblées locales de citoyenNEs de larges pouvoirs de participation et de décision sur la détermination des priorités budgétaires dans les villes et les régions
– en introduisant un processus d’autogestion démocratique dans les entreprises et les services publics
– en mettant en place des référendums d’initiatives populaires.
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3.3. Lier la lutte pour l’indépendance du Québec à une démarche de souveraineté populaire
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L’ensemble de ces revendications démocratiques, de ces batailles peuvent déboucher sur la mise en place d’une assemblée constituante pour en finir avec notre statut de minorité politique, assurer l’indépendance du Québec et définir des institutions qui élargissent le pouvoir citoyen dans toutes les sphères de la société.
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3.4 Construire Québec solidaire comme un parti qui entretient des liens démocratiques avec les mouvements sociaux et qui sait s’enraciner dans les secteurs ouvriers et populaires.
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Les mouvements sociaux produisent du politique. Le mouvement étudiant lors du printemps érable a remis en question l’école néolibérale et la subordination de l’éducation aux intérêts de la minorité économique dominante. Le mouvement des femmes qui conteste la division du travail et les rôles sociaux, remet en question la domination patriarcale qui structure la société capitaliste. Les partis politiques de gauche se nourrissent de ces expériences s’ils ne sont pas de simples machines électorales. Et ils irriguent en retour les luttes sociales de tentatives de synthèses programmatiques en posant la nécessité de la redéfinition du pouvoir et de sa diffusion dans la société civile.
Dans les luttes, le parti de gauche favorise autant que possible l’émergence de formes unitaires et démocratiques d’autoorganisation et d’autogestion dans les mouvements. Certaines organisations sociales (prenons la CLASSE) ont un rapport démocratique aux mouvements qu’ils animent. Ils produisent leurs intellectuels organiques et développent des formes démocratiques adéquates. Mais cela n’est pas toujours le cas. Dans le mouvement syndical, une bureaucratie s’est développée qui dirige le mouvement, mais elle a développé des intérêts qui s’opposent au mouvement sur laquelle elle repose. Ces bureaucraties syndicales cherchent une reconnaissance de leur pouvoir auprès de la classe dominante. Ceci amène fréquemment la bureaucratie à reprendre à son compte les objectifs de la bourgeoisie et à favoriser la division du mouvement. Les militantes et militants syndicaux de QS doivent favoriser l’indépendance de classe de leurs organisations de masse dans lesquelles ils et elles militent et favoriser l’unité dans l’action, y compris avec les autres mouvements sociaux. Le caractère inorganisé des militantEs d’un parti politique présents dans d’un mouvement dirigé par des bureaucraties laisse ces dernières sans opposition véritable.
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3.5. Esquisser les principes d’une politique d’alliance de Québec solidaire avec les autres partis politiques
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Favoriser l’entrée de Québec solidaire dans un front uni des souverainistes dirigé par le plus important des partis, le PQ, dans une une lutte électorale, c’est se mettre à la remorque d’un parti qui se définit par un programme précis, plus ou moins social-libéral (procapitaliste), et un rapport particulier aux classes dominantes. C’est donc mettre Québec solidaire à la remorque du parti encore hégémonique dans les secteurs souverainistes de la population alors que la formation de notre parti a été justement de s’opposer à cette hégémonie..
Cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir des alliances tactiques autour de revendications précises. À ce niveau, on peut s’allier avec quiconque être prêt à se battre pour une revendication qui nous semble juste, le droit à l’avortement par exemple.
Nous rejetons cependant toute alliance stratégique avec le PQ dans le cadre de la lutte pour le pouvoir ou dans un cadre gouvernemental. Car de telles alliances affaiblissent l’autonomie de classe pour laquelle lutte le parti, créent des attentes vis-à-vis ces faux alliés et démobilisent. Nous visons à former un gouvernement des travailleurs et des travailleuses, pas à construire un gouvernement de concertation nationale dans le rapport de force existant entre les classes aujourd’hui.
Nous proposons que Québec solidaire oppose à la perspective d’un front des partis souverainistes, le développement d’un bloc des organisations des organisations syndicales, féministes, populaires et jeunes de résistance à toute politique d’austérité et favorise la mise en place d’un gouvernement défendant les intérêts des travailleuses et des travailleurs et des couches populaires pour combattre pour un programme démocratique d’indépendance nationale et de rupture d’avec le capitalisme. Notre orientation peut se résumer à une politique de front unique visant la mobilisation la plus large des classes ouvrières et populaires (particulièrement de leurs secteurs racialisés), des femmes, des jeunes, des populations immigrantes pour leurs revendications égalitaristes.
Pour s’enraciner, on ne peut se contenter de demeurer dans une logique qui bascule des urnes aux aux luttes (à se limiter à n’être qu’un parti des urnes et de la rue) mais s’il est essentiel d’agir sur ces deux terrains. Il faut également, si on veut assurer un enracinement durable, être un parti utile socialement, pour les couches les plus démunies dans leur quotidien. Dans la mesure où le parti construit son organisation, il doit être capable de le mettre au service de la population (défense des immigrants, des sans-emploi, aux jeunes qui veulent raccrocher dans leurs études, guide vers les défenses individuelles et collectives face à la bureaucratie étatique ou aux patrons peu scrupuleux...) Pour un parti encore naissant comme QS, cela peut sembler des tâches lointaines, mais des expériences doivent être faites à cet égard.
3.6. La nécessité de développer la démocratie à l’intérieur de Québec solidaire
Un parti politique de gauche comme Québec solidaire comme les mouvements sociaux d’ailleurs fait face à certains écueils : captation du pouvoir dans les mains de porte-parole ou du chef, inégalités dans l’accès à l’information et à la prise de parole, compromis sans rivage avec des partis ou des mouvements représentants des forces adverses.
La « forme » du parti, centralisée, tient profondément à l’existence de l’État. Et, inévitablement, ce parti aura tendance à hériter des défauts de cet État (et de la société bourgeoise en général) : hiérarchisation, bureaucratie, domination des hommes de la nationalité majoritaire, oppression des femmes, marginalisation des minorités ethniques ou sexuelles. On ne peut pas prendre l’un (le parti) sans l’autre (les dangers antidémocratiques). La seule issue à ce dilemme est dans la conscience de cette situation, et donc dans la lutte opiniâtre pour limiter la portée des dérives inévitables.
Comme collectif démocratique agissant, Québec solidaire doit éviter de laisser installer en son sein une division entre des fonctions de direction et des fonctions d’exécution. Il doit veiller à éviter l’accaparement de la direction de l’organisation par des sommets qui échappent au contrôle démocratique de la base, sommet dont les dirigeants deviennent inamovibles et dont les activités demeurent opaques à l’ensemble de l’organisation.
Pour s’assurer d’un fonctionnement démocratique, Québec solidaire doit favoriser un mode de fonctionnement basé sur l’autogestion collective du pouvoir en son sein avec tout ce qu’elle implique : rotation des tâches, permanence pour des durées limitées, circulation de l’information, très large, démocratie interne fondée sur la décentralisation de la décision et de l’action, garanties accordées aux minorités éventuelles opposées aux décisions majoritaires, et représentation proportionnelle des courants politiques dans les instances de direction. La proportionnelle demandée à l’État doit aussi être exigée d’un parti de gauche.
3.7 Place des femmes dans un courant écosocialiste
Bien au fait du lien entre patriarcat et capitalisme, le courant écosocialiste doit aussi promouvoir la place des femmes dans l’organisation.
En terme de représentativité des femmes, Québec solidaire a des postes définis : représentante des femmes élue au congrès, la commission des femmes, les AG femmes et les comités des femmes. Ces structures existent sur papier. Mais comment les rendre vivantes ? Pour que les femmes s’investissent dans le travail militant, il faut débattre et mettre de l’avant des mesures de conciliation famille-travail-militance (heures de réunion, rencontre par skype etc..). Il faut revaloriser aussi tout le travail de l’ombre que font les femmes : organisation, permanence, téléphone, etc..). La question des garderies devra aussi avoir une attention spéciale. Il faudra développer des propositions tout en souplesse : garde sur le lieu de réunion, paiement de frais de garde, garderie mobile.
Nos personnes représentant le courant devront aussi porter la marque de porte-parole féminin et masculin. Le droit de parole par alternance devra être aussi une règle de fait dans les rencontres. Mais surtout comme notre courant se veut d’abord idéologique, il faudra développer des mesures pour permettre aux femmes de produire des analyses et des textes et pas seulement sur la question des femmes. Peut-être en développant soit du parrainage soit du marrainage.
Conclusion
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Nous sommes rendus à un point où la désidéologisation au nom de l’unité nous a menés à une dépolitisation certaine. On ne peut construire une alternative politique œuvrant à la transformation sociale dans un sens de l’égalité et de la démocratie en faisant abstraction de la description des contours de cette société que l’on veut construire, qui la reste dans l’ombre et qui explicite pas ces principes. Nous ne pouvons lutter pour construire un parti dévoué à la transformation sociale sans définir les stratégies qu’il faudra mobiliser, des alliances qu’il faudra nouer, des forces sociales sur lesquelles il faudra compter, des formes d’action qu’il faudra utiliser. Ce sont ces dimensions de la lutte politique à laquelle on veut maintenant préciser... sans vouloir en faire un credo incontournable, mais pour éviter d’oublier les débats qu’il faut mener.
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IV. Pour la tenue d’une conférence de fondation d’un front écosocialiste dans Québec solidaire
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Ce texte n’est qu’un premier brouillon pour faire le point sur l’évaluation de la situation politique générale, sur l’évaluation Québec solidaire et sur les tâches que les anticapitalistes doivent se fixer. Des premiers échanges, nous permettraient sans doute d’écrire, dans une deuxième phase, une plate-forme synthétique qui résumait les points d’accord qui seraient la base de l’adhésion et les tâches que l’on se donne.
Nous parlons de la mise sur pied d’un Front écosocialiste de Québec solidaire. Front parce que nous croyons qu’il pourrait regrouper tant des collectifs de Québec solidaire que des militantEs individuels. Écosocialiste, car nous croyons, qu’on ne peut se contenter d’une définition uniquement négative de notre projet de société...
Un Front écosocialiste ne se veut pas d’abord un regroupement idéologique, mais un front politique qui prend position sur les enjeux, les stratégies, les tactiques, les initiatives et les modalités de construction et de fonctionnement du parti. Mais aussi un Front organisationnel qui a ses modes de recrutement, ses structures et son programme de formation, ses instruments de communication, ses cotisations, ses modalités démocratiques de fonctionnement et sa coordination.