Lettre ouverte tirée du site de la Fédération des femmes du Québec
par Alexa Conradi, présidente de la FFQ
16 octobre 2009
Depuis une semaine, le Québec est replongé dans un grand débat opposant le droit à l’égalité et le droit à la liberté de religion. Les médias ont rendu publiques certaines pratiques d’accommodement qui sont pour le moins troublantes parce qu’elles remettent en cause le principe d’égalité homme-femme et la mixité dans l’espace public.
Pour la Fédération des femmes du Québec (FFQ), il y a véritablement plusieurs débats qui sont en cours : celui sur les accommodements raisonnables et l’égalité homme-femme, celui sur la laïcité et, finalement, un débat que personne ne veut faire, soit celui sur l’intégration des personnes immigrantes à la société québécoise.
Au sujet des accommodements raisonnables
La FFQ est d’accord avec celles et ceux qui pensent que la SAAQ et la Commission des droits de la personne et de la protection de la jeunesse ont erré en permettant à la clientèle de la SAAQ de demander à être évaluée par une personne du même sexe. Ces « accommodements » sont loin d’être raisonnables.
Nous sommes toutefois troublées par l’idée de hiérarchiser les droits dans la Charte des droits et libertés de la personne, tel que réclamé par certains groupes. Les droits sont interreliés et indissociables. Il nous apparait possible dans le cadre légal actuel que le gouvernement du Québec adopte une politique visant à encadrer les pratiques d’accommodement de façon à respecter nos choix de société qui accordent une grande importance au droit à l’égalité.
Au sujet de la laïcité
Plus que jamais, le gouvernement du Québec doit ouvrir une vaste consultation publique pour clarifier le modèle de laïcité qui convient à la société québécoise. La FFQ s’engage à participer activement à ce débat dans une perspective féministe et d’inclusion. En l’absence d’un débat global, on le fait à la pièce lorsque l’on discute de l’intégration des personnes immigrantes. Faire le débat dans ce cadre permet alors de créer systématiquement une opposition « immigration versus laïcité » ce qui est à la fois dangereux et mal avisé. Dangereux, car il crée un climat où l’on se sent menacé par cet « autre » – l’étranger – comme s’il était en porte-à-faux avec les valeurs de la société québécoise. Mal avisé, car la laïcité concerne l’ensemble de la société québécoise quelles que soient notre origine ou nos croyances religieuses. Pensons à la question des cours d’éthique et culture religieuse critiqués par des parents catholiques.
Au sujet de l’intégration des personnes immigrantes
Voici le parent pauvre du débat public actuel : l’accès au travail pour les personnes immigrantes et racisées. Malgré qu’elles soient scolarisées ou expérimentées, elles occupent souvent des emplois bien en deçà de leurs qualifications et le taux de chômage de ces populations est bien supérieur à la moyenne. Pourquoi ? Parce que le gouvernement n’a pas fait assez pour reconnaître les diplômes et les acquis des personnes immigrantes, parce que l’on n’applique pas adéquatement les programmes d’accès à l’égalité visant à accroître la participation des personnes d’origines diverses au sein de la fonction publique, parce que, malgré tout, le racisme sévit encore.
C’est pourquoi la FFQ est en faveur de l’adoption du projet de loi 16, qui requiert de la part de chaque ministère l’obligation de développer un plan d’action visant l’intégration des personnes issues de la diversité culturelle québécoise. La loi doit être modifiée pour donner des lignes directrices en matière d’égalité des sexes : à la fois entre hommes et femmes immigrantes et dans la société dans son ensemble.
À la FFQ, nous pensons qu’il est dans l’intérêt de toute la société de trouver des moyens pour protéger notre droit à l’égalité tout en ouvrant les emplois de la fonction publique et parapublique aux femmes et hommes issus de l’immigration.