Tiré du site de la FFQ
4 août 2010
En 2010, la Marche mondiale des femmes se préoccupe des inégalités de revenus encore (sic) importantes entre les hommes et les femmes. Vous trouverez ci-bas des extraits du Cahier des revendications produit par la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (Avril 2010) afin de vous permettre de mieux comprendre le contexte et le bien fondé de nos luttes :
La pauvreté des femmes et leur manque d’autonomie économique découlent de choix politiques et économiques que nous effectuons chaque jour en tant que société. La fin de la pauvreté des femmes n’est pas une question de charité, mais bien une question de droits des femmes et de droits humains.
Les femmes sont plus pauvres que les hommes parce qu’elles effectuent une plus grande part du travail non rémunéré.
Le patriarcat cantonne les femmes à des rôles de reproduction et considère qu’elles sont « par nature » portées à s’occuper des autres. Pourtant, il n’y a pas grand-chose de naturel là-dedans. En effet, la socialisation est différente selon les sexes : les attentes de la société par rapport à une femme sont différentes de celles par rapport à un homme. Les rôles sociaux différents attribués aux femmes et aux hommes ont un impact important sur les revenus des femmes et sur leur place dans le marché du travail.
La notion de travail continue trop souvent de référer uniquement au travail salarié et d’exclure le travail domestique ou celui lié aux soins des enfants ou des proches dépendants ainsi que toute autre activité bénévole de service à la communauté. Le travail gratuit, non reconnu, est encore largement le lot des femmes et le partage des tâches au sein de la famille demeure toujours inégal. C’est ce que l’on nomme le travail invisible des femmes.
Les femmes sont plus pauvres que les hommes à cause du statut de leur emploi.
Dans les 20 dernières années, la progression de l’emploi féminin total (tous secteurs confondus) repose principalement sur l’augmentation des emplois précaires de tous types occupés par des femmes. En effet, les femmes occupent la majorité des emplois atypiques, précaires, qui n’offrent pas les mêmes protections sociales ni les mêmes avantages sociaux que les emplois à temps plein. Le temps partiel est la facette la plus connue des emplois précaires, mais ceux-ci incluent plus largement tout emploi non standard, comme les mesures et programmes d’employabilité, le travail temporaire à durée déterminée, le travail avec les agences de placement ou le travail autonome.
Les femmes sont plus pauvres que les hommes à cause des revenus qu’elles touchent
¨ Pour des emplois équivalents et à temps plein, à compétence égale, les femmes touchent 70 % du salaire des hommes.
¨ Suivant les années, les femmes occupent entre 60 % et 70 % des emplois au salaire minimum alors qu’elles occupent 46 % des emplois en général. Une majoration importante du salaire minimum viendrait donc améliorer la situation d’un nombre considérable de femmes puisqu’elles sont surreprésentées dans les emplois à bas salaires.
¨ Le taux d’emploi des femmes issues de minorités visibles et des femmes immigrantes est plus bas que le taux d’emploi de l’ensemble des femmes.
¨ Le revenu moyen des femmes issues de minorités visibles est plus bas que le revenu moyen des femmes en général, soit 17 321 $ par année, ce qui reste sous le seuil de faibles revenus établi par Statistiques Canada.
¨ De nombreuses femmes aînées et à la retraite vivent une grande pauvreté liée, notamment, au fait qu’elles n’ont pas été assez longtemps sur le marché du travail pour cotiser suffisamment à la Régie des rentes du Québec. La rente de plusieurs femmes ne leur permet pas de sortir de la pauvreté et de vivre dignement.
Avec la marche de 2010, nous voulons agir pour faire reculer la pauvreté visant les plus pauvres de notre société. Nous souhaitons améliorer les conditions de vie des plus exclues de notre société en ayant accès à des conditions de vie décentes de même qu’en améliorant les conditions salariales des travailleuses par l’accès à un travail décent. Tout un défi, particulièrement dans le contexte actuel où les gouvernements réfèrent à des valeurs néolibérales. C’est pourquoi nous agirons sur les problèmes les plus urgents et revendiquons, dans le cadre de la Marche mondiale des femmes 2010 l’accès à un travail décent par la hausse substantielle du salaire minimum et des conditions de vie décentes pour toutes les personnes à l’aide sociale.
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Malgré les deux hausses successives du salaire minimum, les personnes rémunérées au taux du salaire minimum, même en travaillant 40 heures par semaine, n’arrivent toujours pas à se sortir de la pauvreté. À 9,50 $ l’heure pour 40 heures, le salaire annuel est 19 760 $, soit 11 % en deçà du seuil de faible revenu pour une personne seule avant impôt.
C’est pourquoi nous revendiquons l’augmentation du salaire minimum à 10,69 $ l’heure, afin que les personnes rémunérées au salaire minimum qui travaillent 40 heures par semaine aient un revenu annuel équivalent au seuil de faible revenu avant impôt établi par Statistique Canada pour une personne seule.
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Depuis 1989, la loi de l’aide sociale fait une distinction entre les personnes aptes et les personnes inaptes au travail. La catégorisation des personnes assistées sociales a été structurée sur une base de critères arbitraires pour définir leur potentiel d’employabilité. Dans ce contexte, le gouvernement s’attend à ce que des femmes désavantagées sur le plan du revenu et des ressources, s’insèrent et s’intègrent dans un marché du travail qui peine encore à reconnaître en toute égalité des femmes souvent plus scolarisées et mieux nanties qu’elles.
Pourtant, le gouvernement reconnaît que seulement 8,5 % des personnes dites « aptes » répondent aux critères du marché réel de l’emploi. Ces réformes ont divisé les personnes assistées sociales entre elles. Et elles ont alimenté les préjugés en laissant croire qu’il y a des personnes qui méritent d’être soutenues et d’autres qui abusent !
Appauvrissement grandissant de toutes les personnes assistées sociales
Par ailleurs, la conséquence de ces réformes a été l’appauvrissement de toutes les personnes assistées sociales. Alors qu’une personne seule jugée apte à l’emploi reçoit des prestations d’aide sociale de 567 $/mois, les personnes dites « inaptes » reçoivent 862 $/mois ; comment le gouvernement peut-il prétendre que ces montant peut couvrir leurs besoins particuliers ? En 2007, Statistique Canada estimait à 13 636 $/année, soit 1136 $/mois, la mesure du panier de consommation qui comprend le coût des biens et services de stricte nécessité, à l’exclusion des médicaments et soins de santé. Les personnes recevant des prestations d’aide sociale reçoivent bien moins que ce minimum, qu’elles soient « aptes » ou « inaptes » au travail !
L’aide sociale est un instrument indispensable pour bâtir la sécurité financière des femmes en vue de lever la barrière de leur pauvreté. Or, les trois réformes du régime d’aide sociale ne sont pas fondées sur le droit à la sécurité du revenu. Elles ont plutôt introduit des pratiques paternalistes et arbitraires tout en réduisant les droits de recours des prestataires.
C’est pourquoi nous exigeons l’abolition des catégories à l’aide sociale – « apte et inapte à l’emploi » – afin de lutter contre les préjugés et pour garantir à toute personne un revenu minimal qui assure la couverture des besoins vitaux dans le respect de sa dignité. Ce montant devra faire l’objet d’une indexation annuelle automatique.
Ce changement est essentiel pour une reconnaissance de facto du droit à la citoyenneté de l’ensemble des personnes assistées sociales. En effet, ce droit est nié à toute personne qui n’a pas les ressources pour assumer ses responsabilités minimales de citoyennes : se nourrir, se loger, se maintenir en santé, s’impliquer socialement par un travail salarié ou autre forme d’engagement. Comme les droits humains sont indivisibles et interdépendants, des milliers de personnes au Québec sont privées de leurs droits à cause des conditions de pauvreté auxquelles elles sont assujetties.
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Pour arriver un jour à instaurer une pleine égalité économique entre les femmes et les hommes voire entre les femmes elles-mêmes, plusieurs mesures autres seront nécessaires. C’est pourquoi le mouvement féministe porte et continuera de porter diverses revendications pour combattre les discriminations systémiques vécues par les femmes, notamment :
– la non-récupération des pensions alimentaires pour enfants auprès des familles prestataires de la sécurité du revenu et leur non-comptabilisation dans le calcul des prêts et bourses pour les parentEs-étudiantEs, le calcul de l’aide au logement et l’accessibilité à l’aide juridique
– des investissements importants en matière de logements sociaux, communautaires et coopératifs
– l’accès des femmes dans les métiers majoritairement masculins
– la mise en place d’une véritable politique de conciliation famille-travail-études : le maintien et la consolidation d’un réseau public de services de garde à contribution réduite (centres de la petite enfance et services de garde en milieu scolaire)
– l’adoption de mesures pour reconnaître les compétences acquises à l’étranger par les personnes immigrantes et le respect des programmes d’accès à l’égalité (PAE) qui ont pour objectif d’éliminer la discrimination systémique dont sont de façon générale victimes certains groupes sur le marché du travail (femmes, minorités visibles et culturelles, autochtones et personnes handicapées)
– l’amélioration globale du Régime des rentes du Québec afin qu’il joue mieux son rôle d’assurer une continuité de revenu après la retraite, notamment pour les mères et les aidantes qui se retirent du marché du travail pour donner des soins à leurs enfants et à leurs proches
– l’adoption de modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour inclure la couverture obligatoire des aides familiales par leurs employeurs au régime d’indemnisation et ce, sans égard au statut d’immigration ni à la validité du permis de travail
– un meilleur encadrement du travail atypique pour assurer aux travailleuses l’égalité de traitement en entreprise et l’accès aux mêmes droits : à la CSST, à l’assurance-emploi, aux congés de maternité et parentaux et au Régime des rentes du Québec
– au chapitre de l’équité salariale : une stratégie pour atteindre les travailleuses non-syndiquées, ainsi que l’encadrement et le suivi du maintien de l’équité salariale là où elle a été réalisée une première fois
– la refonte en profondeur du régime fiscal de façon à réduire les iniquités, à assurer plus de cohésion dans les programmes de transfert, particulièrement ceux ayant un grand impact sur les femmes et les familles à faibles revenus
Ce sont tous des instruments indispensables pour lever la barrière de la pauvreté des femmes.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter la section suivante de notre site :
http://www.ffq.qc.ca/luttes/marche-mondiale-des-femmes/champs-daction/revendications-et-outils-3/
Cet été, en prévision du rendez-vous de la Marche cet automne, la FFQ mettra périodiquement de l’avant diverses préoccupations et revendications de la Marche mondiale des femmes sur le site Internet.